airy routier la france sans permis

L'analyse des méthodes de désinformation est irremplaçable pour comprendre les obstacles au développement de la prévention dans tous les domaines de la sécurité sanitaire. C'est en outre un devoir pour les chercheurs, précisé dans leur code de déontologie. La parution du livre d'Airy Routier : "La France sans permis" (éditions Albin Michel, 8 mars 2007) est une opportunité pour développer une telle action.

(cette partie du site consacrée au livre d'Airy Routier a été développée entre mars et mai 2007, avant la publication en septembre 2008 de mon livre "La violence routière - des mensonges qui tuent". Airy Routier ayant porté plainte pour diffamation, la totalité des pièces du procès et le jugement me relaxant sont publiés sur le site avec un texte d'introduction et une table des documents)

"Il est de notre devoir à nous, scientifiques, de défendre la liberté contre les faussaires" :  Christian de Duve, Sciences et Avenir, octobre 2005

"Seule la vérité qui ne s'oppose à aucun intérêt ni plaisir humain reçoit bon accueil de tous les hommes" Hobbes, Le Léviathan.

"La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font  l'objet du débat" Hannah Arendt, La crise de la culture.

Comme cela était dit au début de la vidéo placée le 26 mars 2007 sur le site du journal : " la bagnole rend fou", même au Nouvel Observateur, mais ce n'est pas parce qu'Airy Routier est fou qu'il faut que le journal entre dans son délire. La première urgence est de rétablir la vérité des faits et je peux aider le Nouvel Observateur à le faire. J'avais proposé à la rédaction du journal un débat contradictoire avec Airy Routier qui aurait pu produire une réponse au document que je publie sur ce site www.securite-routiere.org pour analyser chapitre après chapitre la désinformation de son livre. L'objectif est de savoir où placer la barre du respect des faits dans un journal. Sommes-nous dans un monde où un rédacteur en chef peut dire n'importe quoi ou faut-il encore conserver quelques références de base dans la pratique du journalisme ? Airy Routier n'a pas produit ce document répondant à mes arguments.

La vidéo publiée sur le site du Nouvel Observateur le 26 mars a illustré les limites du débat oral avec un homme qui nie la réalité des faits, en l'absence de tout arbitrage "technique". Claude Weill et Gérard Petitjean, journalistes au Nouvel Observateur, tentaient de développer une argumentation, mais leur démarche était bloquée par un déni de la réalité. Soit le journal organise un débat sur les faits et il peut se tirer avec honneur de "l'affaire Airy Routier", soit il passe à autre chose et abandonne la place à ce faussaire, une page de l'histoire du journal aura alors été tournée. C'est un abonné du journal qui le lit depuis France Observateur qui écrit ces lignes. Au moment de la guerre d'Algérie, ce journal a été l'honneur de la France. Si le journal de la rigueur de Jean Daniel, devient le journal du mensonge d'Airy Routier, il me faudra l'abandonner. Je ne le ferai pas sans avoir lutté, car un journal appartient aussi à ses lecteurs, à la fois intellectuellement et affectivement.

Parallèlement aux initiatives "sécuritaires" qui sont mises en œuvre dans une société, certains tentent de s'opposer aux contraintes exercées sur le groupe par ces initiatives et ce comportement est inévitable. Il est même acceptable si les arguments sont précis et les faits utilisés exacts. J'ai écrit en 2005 un livre "Comment tuer l'Etat - Précis de malfaçons et de malfaisances" (éditions Bayard) pour tenter de mieux comprendre et de présenter les mécanismes de l'erreur politique. Il faut appliquer parallèlement ce type d'analyse aux actes qui visent à provoquer des modifications de décisions existantes soit en commettant des erreurs involontaires (malfaçons) soit en développant volontairement des arguments erronés et des faits inexacts (malfaisance).

Airy Routier est :

Il y a donc deux problèmes différents à traiter, l'un concerne le Nouvel Observateur, l'autre le livre.

  •  Le Nouvel Observateur et "La France sans permis"

Le livre veut prouver qu'un système de type soviétique se met en place. L'auteur reconnaît cependant que la perte du permis remplace le goulag !  Le livre a un aspect politique et on entend bien le son de cloche admiratif valorisant les positions de Jean-Marie Le Pen. La citation de l'humaniste Bruno Gollnisch est significative à cet égard (page 239) "Comme le dit M. Le Pen, l'Etat français est une putain devenue chaisière [...]. Il persécute les automobilistes en les écrasant de taxes et leur pourrit la vie avec ses amendes".

En 1973, quand j'avais, avec d'autres, conseillé au délégué interministériel à la sécurité routière Christian Gérondeau de rendre le port de la ceinture de sécurité obligatoire et de limiter les vitesses sur les routes, un conflit violent s'était développé qui a subsisté près de 10 années après les décisions de juillet 1973. Jérôme Spyckett était l'Airy Routier de ce combat là et il avait publié un livre "La ceinture qui tue" avec en sous titre "La ceinture dite de sécurité a tué et tuera encore - automobilistes sachez à quoi vous vous exposez en la bouclant". J'ai gardé son livre dont je reproduis le titre et la 4ème de couverture, ainsi qu'une lettre du 5 février 1979 qu'il m'avait écrite après avoir entendu une émission de France Inter, le téléphone sonne (je la reproduis comme un document historique intéressant, tellement il apparaît désuet et absurde avec le recul que l'on a maintenant sur l'usage de la ceinture).

Notre groupe de chercheurs avait à l'époque analysé ce livre, étudié les accidents cités et compris le mécanisme de la désinformation, mais nous n'avions pas le bon usage des méthodes qui permettent de lutter efficacement contre ce "dysfonctionnement de l'information". Combattre l'irrationnel, le passionnel et le mensonger par la rationalité et l'épidémiologie en passant par les médias est un savoir faire. Cela demande de la disponibilité, des moyens et une volonté de le faire. Les chercheurs qui ont le temps et le désir d'entrer dans ce domaine, qui leur est inconnu, de la lutte contre le détournement des connaissances qu'ils développent et contre le déni de réalité ne sont pas nombreux et leur absence ouvre des boulevards aux désinformateurs. Il est facile, avec trente ans de recul, de faire du livre de Spyckett un objet d'études sociales et historiques que l'on observe froidement et dont on démonte le mécanisme (mensonges, erreurs logiques, affirmations sans preuve), il aurait fallu du temps et de la motivation pour le faire en 1979.

L'accident décrit en quatrième de couverture est un bon exemple : une voiture commence à fumer en plein Paris à 2 heures du matin, près de l'institut médico-légal, elle est arrêtée et il n'y a pas eu d'accident. L'interprétation du journal l'Aurore du 2 septembre 1975 est que le conducteur n'a pas pu sortir de son véhicule pour maîtriser un banal début d'incendie à cause de sa ceinture de sécurité dont il n'aurait pu ouvrir la boucle. Déjà le récit utilise des faits nécessairement inventés, ce conducteur "a remarqué qu'une fumée sortait de son tableau de bord, M. X a alors garé sa voiture pensant ouvrir son capot et trouver l'origine de la fumée. C'est alors que les premières flammes ont jailli etc.". La voiture finit par s'embraser et le conducteur est brûlé. La voiture était une petite DAF avec une transmission automatique  très originale avec des poulies et des courroies. Dans les incendies de véhicules en dehors d'un accident (ils sont relativement fréquents) les occupants ont le temps de sortir du véhicule, mais souvent faute d'extincteurs suffisamment puissants et de savoir faire, ils interviennent trop tard ou de façon inappropriée sur l'incendie et le véhicule est détruit par l'incendie. Je connais un incendie de ce type qui a failli tourner au drame, une personne handicapée était à l'arrière et le feu avait débuté au niveau de la transmission, les autres occupants l'on tirée hors du véhicule alors que l'incendie se généralisait. Au lieu d'imaginer un double dysfonctionnement (l'un producteur de l'incendie, l'autre au niveau de la ceinture de sécurité), il est plus cohérent d'imaginer (c'est une hypothèse plus vraisemblable) que cet homme s'est arrêté dans sa DAF (fatigue, alcool ? nous ne pouvons le savoir) qu'il avait arrêtée avec le frein à main serré en laissant le moteur tourner sans se remettre au point mort, l'incendie a été initié par la transmission et le conducteur s'est réveillé trop tard pour échapper aux flammes. Nous pouvons également envisager un problème médical grave avec une conscience altérée. Nous n'avons dans cet accident aucun argument sérieux pour affirmer un blocage de la ceinture. Nous pouvons seulement formuler des hypothèses avec des niveaux de vraisemblance variables tirés de l'expérience. Affirmer en se fondant sur des cas particuliers et sans étude approfondie est un mécanisme "basique" de la manipulation des faits.