vidéo du 26 mars 2007 mise sur le site du nouvel
observateur
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En début d'après midi le 26 mars 2007, le Nouvel Observateur a
donné accès sur son site internet à la vidéo d'une réunion associant Claude
Weill, Airy Routier, Gérard Petitjean et Eve Roger .
Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une bonne méthode pour remonter
la crédibilité du journal dans ce domaine de continuer à donner la parole à Airy
Routier. Il faudrait tout de même que les responsables du Nouvel Observateur se
rendent compte que dans ce domaine, pour lui passionnel, il dit n'importe quoi
pour défendre ses idées. Il suffit de reprendre quelques unes de ses phrases
pour se rendre compte qu'un tel débat ne peut être qu'un dialogue de sourds.
Gérard Petitjean et Claude Weill tentaient d'introduire de la rationalité dans
la discussion sans pouvoir le faire puisque pour Airy Routier les faits établis
sont "un flot d'informations biaisées balancées depuis des années par la
sécurité routière" et que chaque fois qu'un argument exact sera présenté
qui s'oppose à ses thèses il va le nier et bloquer toute discussion.
Quelques exemples :
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Quand les responsables de la sécurité routière portent une
attention particulière au contrôle de la vitesse et de l'alcoolémie et que
Claude Weill rappelle qu'il s'agit là des principaux facteurs de mortalité,
ce n'est pas exact pour Airy Routier qui ose encore nous sortir l'expression
appréciée des revues automobiles
"Non ce sont des facteurs aggravants", comme si les
épidémiologistes ne savaient pas identifier les facteurs intervenant de
façon causale et calculer la fraction des accidents attribuables à un risque
donné. La courbe du risque relatif d'être impliqué dans un accident lié à l
'alcool en fonction de l'alcoolémie a été publiée par Borkenstein aux USA il
y a cinquante ans. A partir de ces données nous savons calculer le nombre
d'accidents attribuables à l'alcool, c'est à dire qui n'auraient pas eu lieu
en l'absence d'alcoolémie élevée. Nier cette évidence de nature scientifique
en 2007 n'est même pas de la provocation, c'est un déni comme on en
rencontre dans ces comportements de menteurs pathologiques. Si l'on
demandait à Airy Routier de définir mathématiquement ce qu'il entend par
facteur aggravant, on verrait qu'il agite des mots sans même être capable de
leur donner un sens et de les introduire dans un calcul simple. La situation
est identique pour la vitesse, dans un environnement donné, le risque est
une fonction exponentielle de la vitesse, là encore ces courbes sont
établies depuis des décennies et les accidentologistes du monde entier les
connaissent et les utilisent, mais Airy Routier n'est ni un
accidentologiste, ni un scientifique, c'est un ancien essayeur de voiture
qui n'a aucune compétence dans ces domaines et qui le montre chaque fois
qu'il ouvre la bouche ou qu'il écrit une ligne. Quand un usager arrive trop
vite dans un carrefour sans visibilité et ne peut s'arrêter à temps malgré
son freinage, sa vitesse excessive n'est pas un facteur aggravant, c'est un
facteur causal, même raisonnement quand un automobiliste perd le contrôle de
son véhicule dans un virage abordé à une vitesse excessive.
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Aujourd'hui la vitesse n'est plus un problème, c'est
la vigilance qui est un problème ". Faut-il même tenter de commenter
un tel propos ! Quand Gérard Petitjean lui cite le lien statistique entre
l'évolution d'une vitesse moyenne et l'évolution de la mortalité, il utilise
la pirouette habituelle de l'ignorant qui se demande d'où viennent ces
chiffres. Sa réponse est la suivante : "je ne la conteste pas, je ne la
soutiens pas, je voudrais voir les éléments mathématiques qui sont prouvés
derrière, puisque c'est des chiffres balancés en l'air sans aucune base. Je
ne les ai vues nulle part les bases". Bien entendu on ne voit pas
ce que l'on ne recherche pas et le livre ne contient pas une seule référence
accidentologique. L'auteur ne cite que des journaux généralistes et la
presse automobile. Pour maintenir le déni il ne faut surtout pas tenter de
s'instruire, c'est beaucoup trop dangereux. Est-il allé une fois dans sa vie
à la conférence STAPP aux USA ? dans les conférences ESV ? dans les congrès
de l'IRCOBI ? sait-il même que ces organismes existent ?
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le bureau de prévention suisse des accidents a rendu
publique début février la mortalité de 2006. Le journal "Le Temps" du 21
février rapportait : "Les deux principales causes d'accidents mortels
restent l'alcool et la vitesse". c'est vrai en Suisse comme en
France et même le BPA participe à la diffusion d'un "flot d'informations
biaisées balancées depuis des années par la sécurité routière". Quand
Claude Weill a tenté de rappeler ces deux faits reconnus par tous les
chercheurs travaillant sur la sécurité routière dans l'Union, il a été
immédiatement bloqué par un déni d'Airy Routier.
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"Les italiens et les autrichiens augmentent la
vitesse sur les autoroutes pour avoir moins de morts".Les Italiens
et les Autrichiens ont une mortalité au kilomètre parcouru sur autoroute
supérieure à la nôtre, ce n'est pas parce que le lobby de la vitesse de ces
pays a obtenu cet accroissement sur certaines parties de leur réseau
autoroutier qu'il faut imiter cette erreur. Qu'Airy Routier regarde le
schéma de l'évolution de la mortalité sur les autoroutes françaises en 1973,
il sera un peu moins ridicule dans ses affirmations sur l'accroissement de
la vitesse qui réduit le nombre de tués et sa diminution qui l'augmente ! En
outre ses connaissances sont toujours approximatives et en retard d'une
décision, l'Autriche vient de renoncer à cette "expérience". Nous n'avons
encore aucun résultat pour l'expérience italienne (évolution de
l'accidentalité par rapport aux autres segments autoroutiers italiens non
concernés par la mesure).
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La vitesse moyenne baisse sur les autoroutes depuis 5
ans et le nombre de morts augmente".Cette affirmation est fausse.
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par rapport à 2002 la réduction de la mortalité constatée
fin 2005 a été de 38,5% sur l’ensemble des réseaux autoroutiers, de 36,2%
sur les autoroutes de liaison et de
43,2% pour les autoroutes de dégagement. Oser dire que le nombre de
morts augmente alors qu'il s'est réduit de 38,% montre à quel point de déni
se situe le discours d'Airy Routier.
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Quand le problème de la remontée récente (minime) de la
mortalité routière est abordé, Airy Routier dit que la remontée n'est
intervenue qu'en janvier et que "sur trois mois elle a baissé", c'est
faux, même sur des faits aussi simples à vérifier il dit n'importe quoi !
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comparée aux mois équivalents de l'année précédente, la
mortalité avait baissé pendant les 11 premiers mois de 2006, elle s'est
accrue de 21 tués en décembre 2006, de 48 en janvier et de 12 en février,
donc sur les trois derniers mois connus, il y a une augmentation et il est
probable que les dernières annonces des candidats sur l'absence d'amnistie (
le 7 février par Ségolène Royal) va mettre un terme à cette très légère
rechute.
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Quand Gérard Petitjean lui signale que la baisse de la
mortalité en France s'est faite brutalement en décembre 2002 avec 30% de
réduction de la mortalité d'un mois sur l'autre, ce qui est très différent
de ce qui s'est passé dans les autres pays européens, et que c'est la peur
du gendarme qui a été efficace, Airy Routier ose contester ce fait et dit
que cela ne s'est pas fait d'un mois sur l'autre et que cela à
"remonté derrière", c'est faux, la chute de trente pour cent
de décembre 2002 par rapport à décembre 2001 s'est poursuivie en janvier,
février, mars et avril, puis à un niveau élevé jusqu'à la fin de l'année
2003. La dissuasion par la nouvelle politique de sécurité routière initiée
en France fin 2002 a été brutale, elle n'est donc liée ni au progrès
technique, ni au concept creux de "d'évolution culturelle" cité dans le
livre, c'est la crédibilité rétablie du respect des règles qui a modifié le
comportement..
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rappel des faits. Il suffit de regarder le graphique
ci-dessous pour constater qu'une fois de plus Airy Routier ment. Ce
graphique suit les progrès ou la détérioration de la mortalité chaque mois
en le comparant au mois équivalent de l'année précédente. La situation était
stable ou en légère dégradation au cours du premier semestre 2002 (les
barres de l'histogramme sont au dessus de l'axe zéro qui marque l'absence de
changement). Une fois annoncée l'absence d'amnistie, puis la "priorité
présidentielle" accordée à ce chantier, la situation s'inverse tous
les mois sont en amélioration faible ou modérée pendant l'été et l'automne.
Brutalement la régression devient très forte à partir de décembre et il n'y
a pas de remontée dans les mois suivants, cinq mois de suite permettent de
voir une régression de plus de 25%. Ensuite la régression persiste mais elle
est plus faible car elle s'effectue par rapport à des mois du second
semestre 2002 qui étaient en nette amélioration par rapport à 2001. Le bilan
est sans appel, la mortalité passe de 7242 tués en 2002 à 5731 en 2003.
Aucun pays n'a eu un tel succès dans une période aussi courte, nier qu'il
s'agit d'une prévention par la seule crainte de sanctions rendues crédibles
par la circulaire de décembre 2002 et l'ensemble des décisions annoncées ce
mois là et mises en oeuvre au cours de l'année 2003 est un mensonge.
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Pour nous prouver que les autres pays européens ont fait les
mêmes progrès que nous, sans "infantiliser" leurs usagers,
Airy Routier affirme que lors des trois dernières années,
"Les Allemands ont fait 28% et les Anglais ont fait 31%". Ces
deux chiffres sont faux, entre 2002 et 2005 l'Allemagne est passée de 6842 à
5361 tués soit une baisse de 21,6% et L'Angleterre de 3431 à 3201 soit une
baisse de 6,7%. La France passant de 7654 à 5318 soit une baisse de 30,5%.
Nous savons que cette période 2002/2005 n'est pas la plus approprié pour
apprécier les effets de la politique de sécurité routière entreprise en
2002, puisque l'effet d'annonce de la priorité présidentielle et le
renoncement à l'amnistie ont déjà eu des effets en 2002. L'évaluation la
plus objective doit intégrer ces annonces du printemps et du début de l'été
2002. Pendant les 12 mois qui ont précédé mai 2002 et le changement de
gouvernement il y a eu 8368 tués sur les routes françaises (tués dans les
trente jours qui suivent l'accident en utilisant le coefficient correcteur
de 1,069 par rapport aux tués dans les six jours qui suivent l'accident), en
décembre 2006 nous sommes à 4721 tués à 30 jours, la réduction est de
43,6 %. Si l'on compare la période 2001/2005 pour laquelle nous
connaissons la mortalité de tous les pays européens sauf l'Italie et
l'Irlande qui sont toujours en retard dans leurs publications statistiques,
et en évitant de détériorer les résultats en leur agrégeant ceux des
nouveaux adhérents, nous obtenons pour la France une réduction de
34,8% (8160 à 5318) et pour les autres pays de l'Europe de l'Ouest
(Suisse et Norvège inclus) une réduction de 18,1 %
(27317 à 22371). L'affirmation que les autres pays ont amélioré leurs
résultats sans infantiliser les usagers veut indiquer que la prévention par
la crainte d'une répression efficace n'aurait pas été utilisée dans ces
pays. Ce sont les Hollandais et les Anglais qui nous ont prouvé l'intérêt de
la mise en place de nombreux radars fixes sur les routes et la sévérité des
sanctions est toujours beaucoup plus importante dans les pays du nord de
l'Europe que dans les pays du sud. La France occupe maintenant une position
intermédiaire.
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Quand Airy Routier nous explique que le problème actuel est
posé "par les piétons et les deux roues", il associe des problèmes
très différents.
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Le fait que le trafic des deux roues augmente dans toutes
les villes où les temps de circulation augmentent du fait de la saturation
de la voirie. En faire un débat parisien/parisien visant à déconsidérer la
politique de la mairie de Paris n'est pas une démarche accidentologique,
mais partisane. Nice ou Marseille observent les mêmes croissances de la
mortalité des deux roues et ces villes ne sont pas dirigées par des
municipalités de gauche.
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Le fait que les usagers de deux roues respectent très mal la
réglementation, notamment les dispositions sur la vitesse, ce qui explique
que leur mortalité est relativement beaucoup plus élevée qu'en Allemagne par
exemple. Ce fait a été rappelé par Gérard Petitjean, mais comme il met en
cause la vitesse, il ne fait pas l'affaire d'Airy Routier.
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Sur le problème des piétons, il nous fait une grande tirade
élogieuse sur les solutions anglaises de bonne signalisation des passages
pour piétons; qui ne fait que témoigner une fois de plus de son ignorance
abyssale de l'accidentalité comparée entre les deux pays. La mortalité des
piétons en Grande Bretagne est identique à celle observée en France. C'est
un des grands sujets d'étonnement des accidentologistes et une étude
comparative des deux pays, faite par des spécialistes de la modélisation de
l'insécurité routière avait expliqué la quasi-totalité de la différence de
mortalité sur les routes par les accidents de quatre roues hors
agglomération, du fait d'un meilleur respect des limites de vitesse et des
seuils légaux d'alcoolémie en Grande Bretagne (Robert Delorme, Sylvain
Lassare - rapport INRETS n°261).
Le sommet est atteint quand Airy Routier ose évoquer la "bêtise
par rapport à la réalité des faits" pour dénigrer ceux qui ne pensent
pas comme lui. En 35 ans de recherches dans le domaine de la sécurité routière,
j'ai l'habitude de voir la désinformation se déverser à flot continu dans les
médias, mais à ce niveau là, c'est un cas exceptionnel, un peu comme on peut
parler d'un "beau cancer" quand on regarde la préparation histologique dans un
microscope en oubliant que cela concerne la vie ou la mort d'être humains. Si
vous êtes un "fidèle lecteur" du Nouvel Observateur comme moi, quelle est votre
réaction après la lecture de cette page ? Estimez-vous qu'Airy Routier est un
journaliste ? que dans ce genre de combat tous les coups sont permis ? qu'il est
normal de le voir utiliser sa fonction de rédacteur en chef du Nouvel
Observateur sur la couverture de son livre ? est-ce qu'il exploite la
crédibilité de la revue dans laquelle il travaille en le faisant ? Est-ce qu'il
la détériore dans le même temps ?