conclusions

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Ce livre est le produit de la « collision » entre les convictions de l’auteur, sa personnalité et la réalité. C’est une tentative désespérée de tordre cette réalité pour maintenir des comportements d’un autre âge dans un monde qui a évolué. Comme l’accidentologiste étudie le contexte d’une collision, les plans, les photos des véhicules, les témoignages, les comptes rendus opératoires ou d’autopsie pour comprendre ce qui s’est passé, il fallait analyser les différentes composantes de ce livre pour être capable d’en neutraliser les effets destructeurs et faire de la prévention. Je retiens les éléments principaux suivants :

 1/ Le profil général « Beauf ou Anar ? »  de l’auteur pour reprendre le titre d’un des articles consacrés à ce livre par son propre journal, le Nouvel Observateur. Un des termes est moins péjoratif que l’autre mais dans les deux cas la notion fondamentale est la volonté de minimiser l’intervention de la société dans la vie des individus qui la composent. L’individualiste doit alors définir sa relation avec l’égoïsme. En simplifiant l’anarchiste est avant tout un individualiste qui veut réduire l’action du groupe tout en respectant ce dernier, alors que le beauf est un égoïste qui ne respecte pas les autres. Dans les deux cas, la volonté affirmée est de réduire la possibilité pour le groupe d’imposer des comportements à l’individu pour défendre l’intérêt collectif.

 Le compromis entre ces deux notions contradictoires est au cœur de toutes les politiques publiques touchant aux comportements individuels potentiellement dangereux. Le Beauf fait une erreur de jugement en considérant que ceux qui veulent limiter ce qu’il appelle sa « liberté » le font pour assurer son bien malgré lui, au nom d’une « morale » qu’il qualifie souvent « d’hygiéniste » pour assimiler à un excès ce qui est une défense de la liberté de vivre. Fondamentalement l’égoïsme du Beauf se traduit par le choix de la facilité qui consiste à ne pas contrarier ses tendances et ses pulsions. Il a une difficulté à maîtriser ces dernières et considère que toutes les tentatives du groupe pour limiter ses déviances sont des abus de pouvoir. Il imagine finalement que les comportements des autres doivent s’aligner sur ses propres modes de fonctionnement. Celui qui veut réduire le malheur humain lié à l’accident de la route serait comparable au Grand Inquisiteur qui torture et brûle celui qui n’a pas la « bonne religion ». Le Beauf ne veut pas comprendre que la finalité de la sécurité routière est d’éviter que les usagers de la route ne meurent du fait des excès (petits ou grands) de ceux qui veulent interpréter les règles à leur convenance, par égoïsme, par facilité et pour privilégier leur « bon plaisir ».

 2/ L’usage permanent du mensonge est lié à la volonté de repousser la ligne blanche continue des limites à ne pas dépasser, pour accroître sa marge de manœuvre  dans le sens de son désir. Toujours plus de place pour moi, le moins de place possible pour les autres, et toutes les explications sont bonnes pourvues qu’elles aillent dans le sens de la pensée du Beauf. Le livre d’Airy Routier est une forme de Bible du genre, affirmant la prééminence du dogme sur la raison et défendant sa position par toutes les formes de la désinformation. Nous avons démonté dans les pages précédentes ces associations permanentes d’erreurs factuelles, d’erreurs logiques, d’affirmations sans preuve, de dissimulation de preuve. Indiscutablement, dans le genre très spécial de la manipulation de l’information, nous avons affaire à un professionnel.

 3/ Le recours permanent à l’agressivité et au mépris. C’est une pratique habituelle dans de tels combats contre la réalité des faits. L’initiative de la violence vient souvent de ceux qui ont tort. C’est vrai pour l’exercice de la violence physique dans une guerre ou dans la violence conjugale, c’est souvent vrai dans la violence verbale ou écrite L’agresseur utilise les mots qui veulent blesser ou déconsidérer pour déstabiliser ceux qu’il vise et pour recueillir l’adhésion de ceux qu’il veut rallier à sa cause et qui seront sensibles à ce discours dévalorisant. Le meneur de bandes recrute plus facilement des obtus que des travailleurs des neurones et plus c’est gros, plus c’est agressif, plus c’est convaincant. Un Beauf parle aux Beaufs avec des arguments de Beauf.

 Le responsable de l’observatoire de sécurité routière est un « certain » Jean Chapelon, « fonctionnaire digne de Courteline», les propos de Georges Sarre sont « stupides », Perben est un « personnage inconsistant ». Je suis décrit dans un chapitre sous les termes suivants « Cet homme, aussi frêle en apparence que déterminé sur le fond, deviendra peu à peu le chef des ayatollahs, aussi bien dans le domaine de la route que dans celui du tabac ». Je mesure 1 mètre 75, j’aime manger, mais aussi nager, courir, faire du vélo, je fais les efforts qu'il faut pour maintenir  ma « masse » entre 75 et 77 kg, à la limite du surpoids, en essayant de séparer le gourmet du gros mangeur. La notion d’apparence « frêle » était une image utile à Airy Routier pour construire l’image symbolique d’un  Torquemada  toujours dessiné ou peint comme un maigre au visage émacié, par opposition au gros moine paillard et bon vivant symbolisant la tolérance. Un paranoïaque construit ses représentations contre toute évidence. Cette erreur sera la dernière que je comptabiliserai (F-21). J’ai retenu dans ce livre 45 erreurs factuelles ou de raisonnement, sans rechercher l’exhaustivité.

 4 / Absence de respect des règles de la vie en société, mensonge et manipulation des faits comme des raisonnements, développement d’un rapport agresssif avec ceux qui ne partagent pas ses idées fait d’insultes et de mépris. Tout cela s’intègre dans un authentique comportement paranoïaque qui conduit chacune de ces dérives à un niveau ridicule pour l'observateur extérieur, mais très prégnant pour celui qui est pris dans cette dérive. Le personnage finit par être prisonnier de sa construction absurde, qu’il défendra cependant envers et contre tous. Le plus difficile à comprendre dans ce type de déviance est la possibilité d’un développement dans un domaine limité. Comme tous les lecteurs du Nouvel Observateur, je lis des articles intéressants et « normaux » d’Airy Routier. J’ai bien connu un homme présentant une forme sévère de paranoïa qui était apprécié comme un bon comptable par son employeur, alors que sa vie familiale était devenue un enfer pour sa femme et sa fille. Le titre du livre de Christiane Cellier "Touche pas à ma bagnole" résume cette forme de déviance agressive, centrée sur l'objet automobile, et qui se décline avec des intensités très variables. La forme "bénigne" fait la jonction avec le comportement normal d'une personne attachée à un objet, à une personne, à des idées et qui s'inquiète dès qu'on y touche, les formes les plus sévères aboutissent à des dérèglements perturbateurs du mode de vie. Un sentiment de persécution pathologique se développe et finit par obscurcir le raisonnement. Le cerveau profond, affectif, met son agressivité au service d'un cortex qui ne contrôle plus rien, mais construit ce qui peut aller jusqu'au délire sur un fond de méfiance, d'agressivité, et d'ego hypertrophié. La perte des références rationnelles et le mensonge absurde, car évident, font partie de ce tableau et il suffit de regarder la vidéo enregistrée au Nouvel Observateur le 26 mars avec l'analyse de ces mensonges évidents pour être persuadé du caractère pathologique de ce comportement.

 Après cette analyse du livre d’Airy Routier, je vais sortir de mes archives tout ce que j’ai pu lire depuis trente sept ans dans le domaine inépuisable de la désinformation en matière de sécurité routière et le résumer dans un livre. J’ai déjà exhumé le livre de Jérôme Spyckett « la ceinture qui tue », les publicités de Ricard expliquant que mes études sur le rôle de l’alcool dans les accidents n’étaient pas bonnes, les commentaires sur la proposition de limiter la vitesse à la construction faite dans le livre blanc de 1991, les articles plus récents qui ont accompagné la publication des résultats de l’étude multidisciplinaire sur le rôle des stupéfiants dans les accidents. Dans certains cas le risque que je contribue à établir semble insuffisant aux yeux des commentateurs, alors que dans d’autres cas il serait excessif ! Je suis donc tantôt le laxiste incapable qui minimise le risque et tantôt l’ayatollah qui le majore pour défendre ses croyances.  Pris entre ce que les uns souhaitent et ce que les autres refusent, le scientifique doit faire son travail, publier ses méthodes et ses résultats, mais aussi s’opposer au mensonge et à la manipulation des idées. Quand il aura rendu les services que la société attend de lui, il pourra s'asseoir et regarder la rivière suivre son cours, tôt ou tard il verra passer le cadavre des idées de ses contradicteurs passionnels. Sur la ceinture, l'alcool au volant, je les ai vu passer, pour la vitesse, les stupéfiants, je les vois venir.