l'infantilisation

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Pages 13 à 51 Analyse de la conception « répressive et infantilisante » de la sécurité routière

Le chapitre 1er du livre décrit les conditions de la seconde garde à vue de l’auteur, arrêté à nouveau alors qu’il conduit sans permis. La précédente n’avait duré que « deux petites heures », celle-ci se prolonge.  Sarkozy et ses flics « volent le temps » du citoyen Routier !  L’intérêt de ce chapitre réside dans l’énumération des infractions diverses qui ont provoqué cette annulation de permis et surtout dans « l’exposé des motifs » qui permettent de comprendre que cet homme sans permis et qui continue de conduire « ne se sent pas vraiment dangereux, ni délinquant, encore moins criminel, même en puissance ».  La question qu’il pose à la fin du chapitre et qui justifie le livre est également importante : « Est-ce la répression délibérément aveugle, dont je suis une des victimes parmi des milliers d’autres, voire des millions d’autres, qui explique la baisse significative du nombre de morts au cours des dernières années ? ».

 A la fin du chapitre 1 nous sommes à la page trente du livre et nous avons bien compris : pour Airy Routier cette répression est aveugle, autrement dit son statut social de journaliste qui a essayé des centaines de voitures, ne lui permet plus de se livrer aux « Jeux avec les règles pénales » pour reprendre le titre de la sociologue Claudine Perez Diaz. Il revendique le statut de victime tout en commettant des délits et en refusant de se reconnaître comme un délinquant. IL ne se considère pas comme dangereux et il va tenter de prouver que ce n’est pas le mécanisme qui le stigmatise qui a réduit la mortalité sur les routes ces dernières années.

 Le chapitre 2 pose le problème qui domine les actions collectives  de sécurité sanitaire au sens le plus large de l’expression, désignant toutes les mesures destinées à réduire ou retarder la détérioration de la santé dans une société. La difficulté consiste à trouver le bon équilibre entre l’adhésion volontaire de l’individu informé à des comportements réduisant le risque et l’action directe de l’Etat visant à agir sur le risque à la source ou à imposer la modification du comportement par la contrainte, c'est-à-dire par un système de contrôle et de sanctions.

 L’auteur décrit longuement au début de ce chapitre les comportements routiers particulièrement déviants des années précédant la prise de conscience de 1973 et les décisions qui ont dissocié l’évolution du trafic, qui a continué à croître, de l’évolution de la mortalité qui a amorcé brutalement sa décroissance.  Par un procédé curieux, il présente ces comportements dangereux du passé comme des repoussoirs qui permettraient de tolérer des déviances actuelles plus minimes et donc statistiquement moins aptes à produire des accidents. Ce type d’argument est fréquemment utilisé par les adversaires des mesures de sécurité routière et nous le rencontrerons sous des formes diverses tout au long du livre. Il est indiscutable que l’usage de voitures mieux conçues, qui tiennent mieux la route, qui freinent mieux, permet d’aller plus vite avec une sécurité identique. L’objectif étant de continuer à réduire l’insécurité routière, l’argument est inacceptable. Si la sécurité d’une machine est améliorée par un dispositif de protection et que dans un second temps un nouveau dispositif accroît encore la sécurité, par exemple un régulateur de vitesse qui empêche de l’utiliser dans des conditions dangereuses, peut-on imaginer que l’employeur prétende ne pas optimiser la sécurité en arguant de ce qu’il avait déjà fait pour la protection. Il serait immédiatement condamné car la législation du travail a créé une obligation de résultat. Une mesure efficace et qui peut être mise en œuvre sans coût excessif et sans entraver anormalement l’acte à accomplir doit être employée. L’enjeu du combat entre ceux qui veulent aller vite et ceux qui privilégient la sécurité routière est de même nature. Il s’agit de déterminer le compromis entre le déplacement et la sécurité en fixant une vitesse maximale de circulation sur une infrastructure donnée et de faire respecter cette obligation.

 Mon analyse du chapitre 2 du livre sera assez longue car la compréhension de la position de l’auteur et de ses déviances est dans ces pages. Il veut montrer que les pouvoirs publics infantilisent le conducteur et le manipulent en exagérant l’importance de la vitesse et de l’alcool dans les accidents alors qu’il s’agit d’événements « complexes » que l’on ne peut pas traiter de façon aussi réductrice.

Une des pratiques utilisées par Airy Routier pour construire sa vérité consiste à nier la chronologie réelle des faits. J’ai commencé à décrire cette tactique dans le texte définissant la méthodologie de  mon analyse, je la développe ci-dessous en reprenant sa chronologie de la première rupture dans la gestion de la sécurité routière qui s'est produite en juillet 1973. Airy Routier veut prouver que c'est le port obligatoire de la ceinture qui a été la mesure clé du succès de 1973 et non la limitation de la vitesse.

descriptions et interprétations d'Airy Routier (p. 34 et 35)

rappel des faits

La France fut le premier pays européen à imposer la ceinture. Pierre Messmer décidait en même temps, pour la première fois en France, d’instaurer des limitations de vitesse : 110 km/h sur ces autoroutes qui commençaient à mailler la France et avaient été conçues pour une vitesse moyenne de 140 km/h Les décisions appliquées en juillet 1973 associaient au port obligatoire de la ceinture aux places avant une limitation de la vitesse à 110 km/ sur les voies à grande circulation et à 100 km/h sur le reste du réseau. Elles ne concernaient pas le réseau autoroutier. Ce réseau routier était conçu pour une vitesse maximale et non moyenne de 140.
Sur ce point l’objectif affiché était moins la sécurité routière que les économies d’énergie. Car 1973 est aussi l’année du premier choc pétrolier, aussi violent qu’inattendu, provoqué par l’OPEP après la guerre du Kippour ». la limitation de vitesse de juillet sur la quasi-totalité du réseau sauf les autoroutes n'avait pas un objectif économique lié au premier choc pétrolier puisque ce dernier surviendra lors de la guerre du kippour (événement violent et inattendu) se produisant le 6 octobre 1973 trois mois après.
Rétrospectivement il apparaît clairement que l'obligation du port de la ceinture fut la mesure décisive. A l'époque le lobby de la sécurité routière, qui se renforçait puissamment, mit cependant l'accent sur le rôle des limitations de vitesse. Il hurlera au bout de quelque temps lorsque le choc pétrolier une fois encaissé, le gouvernement décidera de rehausser les limitations à leur valeur d'aujourd'hui. Sans d'ailleurs provoquer une augmentation du nombre de tués. Au moment du choc pétrolier la vitesse sur les autoroutes n'était pas limitée. Le taux de mortalité était de 3,6 tués par 100 millions de kilomètres parcourus. Quand la vitesse a été abaissée à 120 km/h (et non 110) ce taux s'est abaissé à 1,5 soit une réduction de plus de 50% de la mortalité. Le premier avril 1974 la vitesse a été augmentée à 140 et le taux de mortalité est remonté à 2,1 puis à la fin de 1974 la vitesse a été abaissée à 130 et le taux est redescendu à 1,5 tués.

 Le « en même temps » que j’ai souligné est destiné à la fois à rassembler dans le temps et à opposer dans la finalité et l'efficacité les deux mesures. Remarquons déjà dans cette citation l’erreur concernant la conception des autoroutes pour une vitesse « moyenne » de 140 km/h ; leur profil a été étudié pour une vitesse maximale et non moyenne de 140 km/h. La guerre du Kippour a été effectivement un événement brutal qui a secoué le monde et provoqué le premier choc pétrolier, mais elle est survenue plus de trois mois après la définition de la nouvelle politique de sécurité routière mise en œuvre début juillet 1973.  L’offensive des armées syriennes et égyptiennes s’est produite le 6 octobre, jour de la fête juive du Yom Kippour. Le 16 octobre l’OPEP a augmenté brutalement le prix du pétrole, réduit sa production et déclaré un embargo sélectif.

 Les deux choix fondamentaux du gouvernement, préparés au cours du printemps 1973 sont donc totalement indépendants de la guerre du Kippour et des économies d’énergie. L’auteur escamote complètement dans son récit « arrangé » l’instauration en juillet de la limitation de vitesse  sur tout le réseau non autoroutier : 110 km/h sur les routes à grande circulation, 100 km/h sur le reste du réseau, seules les autoroutes n’étaient pas concernées. A l’époque le réseau autoroutier contribuait encore très faiblement à la mortalité routière, à la fois parce que c’est un réseau plus sûr et parce que sa part dans le kilométrage parcouru était faible. C’est en octobre 1970 que Georges Pompidou avait inauguré à Beaune la jonction achevant la liaison Lille Marseille et les projets de l’époque étaient de réaliser 150 kilomètres d’autoroutes par an. Le Gouvernement n’a pas voulu inclure ce réseau qu’il souhaitait développer dans la décision d’imposer des limites de vitesse sur tout le reste du réseau qui a été le choix fondateur de la politique de sécurité routière élaborée par Christian Gérondeau et adoptée par le gouvernement de Pierre Messmer en juin 1973.Lorsque la guerre du Kippour d'octobre 1973 a  provoqué la réduction de  l’approvisionnement en pétrole, la limitation de vitesse a été étendue aux autoroutes. La mesure a été appliquée en décembre 1973, la vitesse maximale était de 120 km/h et non 110 comme l’indique le livre, avec un abaissement à 90 km/h de la vitesse sur les autres voies. La limite a été remontée à 140 km/h sur les autoroutes en mars 1974, puis abaissée à 130 km/h au début de l’hiver.

Les variations de la vitesse maximale sur les autoroutes au cours de l'automne 1973 et de l'année 1974 ont eu une faible influence sur la mortalité globale, mais elles sont permis d'évaluer avec précision l'évolution de la mortalité sur les autoroutes en fonction de la vitesse autorisée. Airy Routier évite bien entendu de nous parler de cet effet qui contredit toute son argumentation. En l’absence de limitation de vitesse, le taux de mortalité était de 3,6 tués par 100 millions de kilomètre parcouru (les péages permettent une mesure précise de ce risque), il s’est effondré à 1,5 tué pendant la période à 120 km/h, puis est remonté à 2,1 quand la vitesse a été portée à 140 km/h pour redescendre ensuite à 1,5 avec la fixation à 130 km/h de la vitesse maximale, niveau qui a été maintenu jusqu’à la période actuelle.

Ce graphique est extrait du livre de Cohen et collaborateurs : Limitations de vitesse, les décisions publiques et leurs effets – Editions Hermès 1998 page 69. Il avait été publié auparavant à de multiples reprises, notamment dans le livre  blanc de sécurité routière de 1990. Ce graphique est un « classique » de la connaissance accidentologique, le nier ou en faire état distingue le bavard incompétent qui édifie sa mystification pour défendre ses « valeurs » et celui qui tente de savoir de quoi il  parle.

graphique de la mortalité sur les autoroutes

Donc « erreur ou tromperie » sur les dates en prétendant que la limitation de vitesse sur les autoroutes et le port obligatoire de la ceinture ont été simultanés, erreur sur la limite de vitesse instituée sur les autoroutes après le choc pétrolier, omission de l’effondrement de la mortalité routière sur l*es autoroutes quand la vitesse a été limitée à 120 puis 140 et enfin 130. Cette chute de la mortalité a été observée dans tous les pays qui avaient pris des mesures identiques, y compris sur les autoroutes allemandes.

Airy routier commente cette évolution de la façon suivante : « Rétrospectivement il apparaît clairement que l’obligation du port de la ceinture fut la mesure décisive. A l’époque, le lobby de la sécurité routière qui se renforçait puissamment mit cependant l’accent sur le rôle des limitations de vitesse. Il hurlera au bout de quelque temps lorsque le choc pétrolier une fois encaissé, le gouvernement décidera de rehausser les limitations à leur valeur d’aujourd’hui, sans d’ailleurs provoquer une augmentation du nombre de tués. Mais cette pratique de la double ou triple décision sera systématiquement utilisée par la suite, de sorte qu’on ne pourra jamais tester l’effet exact des limitations de vitesse ».

Ces phrases alourdissent le bilan de cette tentative de réduire le rôle de la vitesse  comme élément déterminant d’un grand nombre d’accidents, il peut se résumer comme suit :

Le refus de tout ce qui peut aller à l’encontre de ses idées conduit régulièrement Airy Routier à une agressivité et à des débordements de vocabulaire qui ne servent pas son texte, mais qui situent bien son livre dans le domaine du pamphlet visant bas. Ses commentaires sur le travail du responsable de l'observatoire interministériel de sécurité routière (ONISR) sont particulièrement significatifs. Il utilise son ton méprisant habituel visant à dévaloriser la personne qu’il  va attaquer "un certain Jean Chapelon écrit : à la fin des années soixante dix, le bilan de l'insécurité routière en France était publié sous la forme d'un petit fascicule de vingt pages contenant trois graphiques, vingt trois tableaux et une page de commentaires. La présentation actuelle a multiplié par vingt la quantité de données présentées. Au cours des dernières années, le rapport annuel de l'Observatoire s'est enrichi de douze chapitres nouveaux." En clair cet excellent fonctionnaire digne de Courteline reconnaît naïvement avoir multiplié par vingt sa production de papier". La progression de la qualité et de la quantité de données accessibles aux décideurs, aux journalistes et aux usagers est présentée comme une accumulation de papier inutile, sans le moindre exemple pris parmi ces 266 pages d'un chapitre inutile ou contenant des données fausses. L’erreur logique est évidente (L-5)

Un journaliste qui se plaint d'avoir trop d'informations, c'est original ! En réalité Airy Routier est gêné par la richesse de ces documentations qui détruisent sa désinformation. Il voudrait à la fois avoir le monopole de l'information spécialisée et pouvoir l'arranger à sa guise pour défendre ses thèses. Avoir une telle attitude alors que quelques pages auparavant il nous expliquait doctement qu’il fallait traiter les usagers comme des individus responsables et ne pas les infantiliser est un exemple de ce flot d’affirmations contradictoires qui caractérise le livre. Il faut convaincre, mais il ne faut pas développer les informations produites par l’ONISR qui contrarient les thèses de l’auteur. Cette contradiction logique est différente de la précédente (L-6).

Autre « paradoxe » dénoncé dans ce chapitre, la différence de traitement entre la mort de 5000 personnes sur les routes et le peu d’intérêt accordé aux accidents domestiques « qui tuent quatre fois plus dans l’indifférence générale ». Il cite bien l’explication fondée qu’il s’agit d’accidents se situant dans le domaine privé et qui ne concernent pas la vie des autres, mais passe ensuite à la vrai raison « un énorme lobby s’est mis en place qui joue à merveille sur la corde sensible, en pratiquant sans complexe l’infantilisation et la désinformation ». (Chaque fois que je lis le mot désinformation dans ce texte, j’ai l’impression d’un gag, un maître de la désinformation tente de faire croire qu’il a des concurrents sérieux dans cette pratique ! ils ne lui arrivent pas au genou !). Cet usage d’une information qui n’est pas directement liée à l’objet du livre fait partie d'une méthode utilisée par Airy Routier et déjà signalée, qui consiste à botter en touche et à désigner les "vrais problèmes" dont les pouvoirs publics devraient s’occuper. Entrons donc dans ce jeu là  en lui expliquant que sa comparaison entre les chutes (10 520 morts) et les morts de la route est totalement dépourvue de sens. Les classes d’âges ne sont pas les mêmes et les chutes sont avant tout le fait de personnes âgées qui entrent dans la dépendance et ont des difficultés à se déplacer sans tomber.

Si Airy Routier veut s’instruire il peut consulter le site de l’INSERM sur les certifications de décès. Il verra que les chutes accidentelles ont tué pour la dernière année connue 39 personnes dans la classe des 15/24 ans et 1694 dans celle des 85/94 ans. Pour les accidents de transport les valeurs respectives sont de 1382 pour les 15/24 ans et 108 pour les 85/94 ans. Il est triste de perdre ses parents, mais c’est dans la nature de la vie, perdre un fils ou une fille de 15 à 25 ans (la classe d’âge la plus atteinte) est un événement d’une nature différente et si Airy Routier ne le comprend pas, il est vraiment irrécupérable humainement et affectivement. Quant aux 3543 suffocations dont il se préoccupe, il faudrait lui expliquer que cela ne pourrait relever que d’un code de la mastication qui est à inventer. Les fausses routes alimentaires qui étouffent quelqu’un qui n’est pas dans le coma sont la conséquence de ce que les médecins légistes désignent par le terme peu gracieux de gloutonnerie. Le glouton ne fait pas la différence entre la quantité et la qualité, c’est un gros mangeur et non un gourmet. Dans son enfance sa maman lui disait pourtant : mange plus lentement, fais de petites bouchées, coupe bien ta viande, mais il ne l’écoutait pas, il se coupait des gros morceaux, les avalaient rapidement et un jour le morceau de biftèque d’une taille excessive se coince dans le larynx et provoque la mort ! La responsabilité des pouvoirs publics n’est pas directement engagée. Il y a là une erreur de connaissance sur la nature de ces décès dits accidentels (F-11) et une erreur logique sur la construction du raisonnement (L-7), le fait que des morts évitables existent en dehors de l’insécurité routière ne justifiera jamais de réduire les actions en faveur de cette dernière. Nous ne sommes pas dans un cadre où des arguments de hiérarchisation financière des objectifs justifierait des usages différents de fonds publics puisqu’à l’opposé l’auteur reconnaît justement que les dispositifs de CSA mis en œuvre collectent des fonds pour l’usage collectif.

Ce  mode de détournement de l’attention vers d’autres problèmes fait finalement partie du même procédé que l’usage de l’argument du progrès des véhicules pour justifier que l’on s’occupe moins des usagers qui ne respectent pas les règles. Les deux mesures sont indépendantes et les progrès de l’une ne justifient pas de se passer des progrès assurés par l’autre. C’est dans ce chapitre que l’on lit que : « Outre Rhin, pays de la fierté industrielle nationale, le seul en Europe où la vitesse n’est pas limitée sur les autoroutes, cette baisse est, pour l’essentiel, imputée aux progrès techniques ». Affirmation sans preuve (A-3), aucune étude statistique allemande ne permet de dire cela. Il faut se souvenir que lorsque des ingénieurs français et allemands avaient programmé une étude comparée des vitesses réelles pratiquées sur les autoroutes françaises et allemandes pour les comparer à l’accidentalité, un interdit du gouvernement fédéral est intervenu au dernier moment pour empêcher l’étude, et l’initiative de ce blocage a été attribuée aux constructeurs allemands (mais je n’ai pas la preuve écrite de cette hypothèse plausible !). L’Allemagne n’a jamais documenté la vitesse réelle sur ses autoroutes comme le fait la France par l’observatoire des vitesses. La seule donnée dont nous disposons est une étude allemande sur les densités de circulation qui ont mis en évidence l’importance de la relation entre la diminution de la mortalité sur ce réseau autoroutier allemand au fur et à mesure de l’accroissement de la densité de circulation année après année.

Ces faits sont patents, connus de tous les accidentologistes mais ils n’arrangent ni l’industrie automobile allemande qui a construit sa richesse sur le concept de véhicule inutilement rapide et puissant,  parce qu’il plait aux Airy Routier et qu’il se vend. Ces caractéristiques détruisent les hommes et la planète par un double mécanisme : la vitesse et le poids tuent les occupants des autres véhicules (notion d’agressivité très liée à l’énergie cinétique maximale du véhicule) et l’émission de dioxyde de carbone aggrave l’effet de serre. Rappelons que le jour où l’auteur tentait lamentablement de défendre sa cause perdue dans le Nouvel Observateur du 15 mars 2007, la couverture du magasine était recouverte d’une autre couverture publicitaire vantant les mérites d’un véhicule dont l’Allemagne peut être fière, une Volkswagen Touareg dont les motorisations vont de 174 à 450 chevaux. Ce 450 chevaux offre la particularité de consommer 22,7 litres d’essence en agglomération avec une l’émission de CO2 de 382 grammes par kilomètre. Le terme de honte nationale conviendrait mieux que celui de fierté nationale. Dans des délais courts, de pareilles déviances apparaîtront comme la manifestation destructrice d’une forme d’impérialisme industriel et économique dont les commis voyageurs ont été des Airy Routier, invités à longueur d'année par les industriels de l'automobile à essayer leurs nouveaux véhicules dans des « paysages de rêve », comme leurs voitures.

La fierté de l’industrie automobile ne réside pas dans la puissance, la masse et la vitesse croissante des véhicules, mais dans son aptitude à avoir développé la sécurité secondaire et certains aspects de la sécurité primaire. Je ne nie pas ces progrès, j’ai travaillé pendant trente ans avec les constructeurs pour développer certains d’entre eux, mais, encore une fois, ce n’est pas parce que l’on a fait des progrès dans un domaine que cela donne le droit de régresser dans un autre et toute la fin de ce chapitre sur les prouesses techniques réalisées par l’industrie n’apporte pas le moindre argument permettant de s’opposer à la réduction des caractéristiques inutilement dangereuses des véhicules.

Une erreur que j’allais oublier dans ce chapitre, pour Airy Routier, dans la le Conseil National de sécurité routière : « Il n’y a pas la plus petite place pour les automobilistes ou leurs représentants ». Le représentant de la Fédération Française des automobiles clubs et le représentant de l’Automobile club de l’ouest ne sont donc pas des représentants des automobilistes (F-12). Ce type d’erreur est tellement répandu dans le livre que je suis certain d’en oublier un grand nombre. Cela n’est pas très important, qu’il y ait 50 ou 100 erreurs factuelles ou logiques dans ce précis de désinformation ne modifie pas le bilan de façon significative. Il est plus intéressant d’analyser les manipulations les plus dangereuses que de rechercher l’exhaustivité dans le bilan du mensonge.