l'exclusion

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Pages 115 à 150

 Un système répressif hors de tout contrôle

L’exclusion organisée

 Ces deux chapitres sont destinés à faire peur en décrivant une machine infernale échappant au contrôle de ceux qui l’ont imaginé et mis en œuvre. Les méthodes utilisées par l’auteur sont simples :

Utiliser des nombres en valeur absolue sans les exprimer sous forme de proportions, beaucoup plus rassura

Associer le fait de ne pas avoir de permis et le fait de ne plus en avoir faute de points dans le cadre du permis à points.

Ne pas envisager le problème dans sa dynamique, c'est-à-dire en détaillant le nombre de points récupérés par des stages et la récupération d’un permis après 6 mois d’annulation. C’est uniquement la difficulté de repasser le permis dans ce délai qui est envisagée, alors que le livre a été écrit après les décisions gouvernementales permettant de faire du délai de 6 mois un délai effectif et non un délai auquel s’ajoutera celui des formalités et de l’attente de l’examen (uniquement sur le code dans ce cas, il faut le rappeler).

Ne jamais envisager la situation dans les autres pays qui ont développé un permis à points pour éviter des comparaisons qui permettraient de constater que la France occupe une position très moyenne dans ce dispositif.

« Tel qu’il est lancé, ce système de contrôle automatique est, en effet, une véritable bombe à retardement. En 2003, première année d’application, 4,4 millions de points ont été retirés sur les permis de conduire, puis 6,4 en 2004, 7,5 millions en 2005, au cours des 6 premiers mois de 2006, 6,7 millions de points ont été retirés : la prévision de la sécurité routière – 9 millions de points retirés en 2006 – semble très en dessous de la réalité».

« D’où une accélération sensible du nombre de retraits des permis de conduire par attrition du nombre de points, 21 000 en 2003, 39 000 en 2004, 54 242 en 2005, 56 000 pour les seuls six premiers mois de 2006 et sans doute plus de 70 000 en 2006. Une machine à exclure s’est mise en marche ».

La suite du chapitre 6 comporte deux parties distinctes. La première énumère tous les pièges possibles créés par des signalisations de limites de vitesse mal faites ou inadaptées. Ces situations existent et je milite comme Airy Routier pour la mise à niveau de ces signalisations (voir la question aux candidats à l’élection présidentielle sur le site www.securite-sanitaire.org). La seconde est une présentation de cas particuliers, certains crédibles, d’autres beaucoup moins, destinée à montrer comment des gens « ordinaires » se retrouvent sans permis. Elle amorce les chapitres de la fin du livre qui développent l’apprentissage des méthodes permettant de ne pas respecter les lois. L’histoire de « ce préfet du Nord de la France qui n’hésite pas à assumer les fautes de ses amis et à leur donner quelques uns des points de son propre permis » fait partie de ces affirmations sans preuve qu’un journaliste sérieux n’ose pas produire dans un document se voulant précis. Je n'ai pas comptabilisé dans les erreurs cette forme d'affirmation sans preuves, le nombre d'affirmations erronées identifiables et d'erreurs de raisonnement est suffisamment important pour ne pas chercher à alourdir l'ardoise avec toutes les affirmations incontrôlables.

Dans le chapitre suivant c’est le problème de la conduite sans permis qui est envisagé. Citant l’exemple du chauffeur de François Mitterrand et de Franck Ribéry qui n’ont jamais passé le permis, Airy Routier se laisse emporter par son imagination et parle des « millions d’émules ». Pour tenter de faire croire que ce nombre est en croissance rapide, il écrit : « Officiellement en 2005 les forces de l’ordre ont interpellé 33 030 conducteurs sans permis, contre 9756 en 2004. Plus de trois fois plus. On en attendait autour de 70 000 en 2006, la croissance est phénoménale, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Car en cas d’interpellation, beaucoup s’en sortent en disant qu’ils n’ont pas leurs papiers sur eux ». La croissance des contrôles est bien entendu la cause principale de la croissance de l’interpellation d’usagers sans permis. L’attention des forces de l’ordre a été attirée sur l’importance de ces vérifications dans le cadre de la nouvelle politique de contrôle et de sanctions et elles sont facilitées par de nouvelles possibilités de consultation en bord de route du fichier des permis de conduire qui rendent dangereuse l’excuse des "papiers laissés à la maison". Si l’usager n’a même pas de carte d’identité et donne un faux nom, le gendarme ou le policier voit bien qu’il n’y a pas de permis correspondant à ce nom et il peut d’autre part interroger le fichier des immatriculations pour avoir le nom du propriétaire et son adresse. Il peut alors s’en servir comme entrée dans la recherche du statut du permis de conduire de l’usager concerné. Affirmer que l’on peut s’en tirer avec le paiement immédiat de l’amende de 11 euros et en envoyant dans les jours suivants un ami avec son vrai permis est une affirmation qui fait carrément rire les policiers et les gendarmes. Elle est en retard de deux épisodes sur les progrès du fichier des permis de conduire et des méthodes de contrôle.

 « En réalité, si l’on consulte les différentes sources, toutes contestées, le nombre de conducteurs sans permis se situerait entre 2 et 3,5, voire 4 millions s’il s’agit d’une conduite régulière ou épisodique ». Pour tenter d’expliquer pourquoi la proportion d’usagers impliqués dans des accidents corporels et n’ayant pas de permis en règle n’est que de 0,3% et que cette proportion est stable, Airy Routier en est réduit à dire que les conducteurs sans permis sont plus attentifs du fait de leur situation illégale et ont moins d’accidents que les autres. La réalité est inverse, les conducteurs sans permis ont plus d’accidents que les autres et ce fait est facile à attester car nous pouvons étudier tous les accidents, impliquant un seul véhicule et plusieurs véhicules, ce qui permet de comparer les proportions dans ces deux situations. 

 Les responsables présumés de l’accident sans permis sont proportionnellement plus nombreux que les non responsables sans permis, ce qui permet d’associer la notion de risque accru d’être impliqué dans un accident et la notion d’en être considéré comme le responsable si l’on n’a pas de permis. Quand on analyse la cause de l’absence de permis dans cette situation (pas de permis et responsable d’un accident mortel) on s’aperçoit que près des deux tiers des cas concernent des conducteurs dont le permis a été supprimé pour une conduite en état d’imprégnation alcoolique. Cette suppression ne l’a pas été pour une période de 6 mois, comme en cas de perte progressive de tous les points, mais le plus souvent pour une durée beaucoup plus longue, souvent de plusieurs années, à la suite d’accidents sous l’influence de l’alcool avec des blessures corporelles ou des morts chez les autres impliqués. Tous les magistrats, les policiers, les gendarmes savent cela, les accidents graves et notamment les accidents mortels avec un usager sans permis sont avant tout des récidives de conduite en état d’imprégnation alcoolique. La seconde cause de l’absence de permis est que l’usager impliqué ne l’a jamais passé.

 Si l’on étudie la situation des usagers non responsables de l’accident et sans permis, nous avons une représentation non biaisée par le surrisque d’accident de la conduite sans permis. Quand un conducteur roule en tenant sa droite, à une vitesse normale et se fait heurter par un véhicule dont le conducteur a perdu le contrôle, nous sommes dans une configuration d’accident qui permet de dire que ce conducteur a été impliqué dans l’accident indépendamment de sa conduite, il est représentatif de la population des usagers de la route. Pour l'année 2005 et en se limitant aux accidents mortels qui sont ceux que nous connaissons avec le plus de précision, cette population comportait 4,7% de conducteurs sans permis valide pour les conducteurs de voitures particulières responsables  et 1,06% % de conducteurs sans permis valide chez les non responsables. Cette proportion proche de 1% est la meilleure approche que nous puissions avoir du kilométrage parcouru sans permis.

 Un paragraphe suivant est consacré à l’usage de faux permis comme documents d’identité. Il est évident que le fait que le permis français soit valable à vie et soit un document d’un modèle ancien et peu sécurisé, beaucoup moins que les nouvelles cartes d’identité, en a fait un objet de trafic important. Il semble que les utilisateurs de ces faux permis les utilisent rarement sur la route qui est le lieu où des contrôles sont effectués et peuvent révéler que le permis est faux. Cette pratique a peu de conséquences dans le domaine de la sécurité routière.

 Il faut également constater que l’auteur parle peu des récupérations de points et des récupérations de permis, le seul but du livre étant d’inquiéter et jamais de rassurer. Il est évident que l’accroissement très important des contrôles dans le cadre du CSA accroît la proportion d’usagers qui n’ont plus tous leurs points, il est passé de 8% en 2003 à 22% en 2005 et va dépasser un tiers des usagers. La proportion de permis invalidés est passée de 0,03% à 0,11%. Ces proportions demeurent faibles et les comparer aux millions d’usagers sans permis évoqués par Airy Routier montre l’énormité de son imposture. Retirer des millions de points à la suite de contrôle par des radars automatiques provoque les modifications de comportement de très nombreux usagers. C’est cette diffusion de la dissuasion dans un groupe très important d’usagers commettant de faibles excès de vitesse qui a fait le succès de la politique de sécurité routière de ces dernières années. Les usagers ralentissent, récupèrent des points par des stages et finalement le nombre et la proportion d’annulation de permis sont très faibles.  Même si nous atteignons dans les années à venir l’annulation de 100 000 permis par an, avec une durée réelle de six mois avant de le repasser, ce nombre ne représente à un moment donné que 50 000 personnes sans permis du fait de l’annulation. Comparer ces 50 000 aux 3 à 4 millions indiqués par Airy Routier montre que sa seule volonté est de travestir la réalité, le rapport entre les deux valeurs allant de 1 à 60, voire de 1 à 80 avec son estimation haute. Plus il accroît son estimation des usagers sans permis, plus il met en évidence la mystification qui consiste à vouloir attribuer au CSA une part importante dans cette situation. Cette dernière ne peut être acceptée que par ceux qui partagent ses idées pour des raisons passionnelles et sont prêts à accepter ses mensonges sans réfléchir parce qu’ils n’ont surtout pas envie de réfléchir.

 La conclusion concernant les faits traités dans ce chapitre est opposée à celle de l’auteur, la part de permis retiré par perte de tous les points concerne une fraction très minoritaire des usagers conduisant sans permis. La réalité de cette situation explique un fait qui est passé sous silence par Airy Routier et qui est la bonne acceptation sociale du CSA. Les usagers ont compris que la période de tolérance des faibles excès de vitesse est passée. C’est l’action sur tous les usagers, en des lieux de contrôle de plus en plus nombreux et avec des critères stricts qui est assurée par le CSA. Ils savent maintenant que la réduction d’un peu moins de 10 km/h de la vitesse moyenne a produit le résultat que la modélisation permettait de prévoir, avec une réduction de la mortalité de plus de 40%. Cet aspect pédagogique du CSA, assuré par l’obtention rapide de résultats très importants est un élément déterminant de l’acceptation sociale. On accepte des contraintes quand les résultats obtenus en contrepartie sont évidents. Un sondage effectué en mars 2005 a montré que 68% des conducteurs sont favorables ou tout à fait favorables au CSA. 13% ne sont pas favorables à ce système tout en reconnaissant son efficacité et 19% sont opposés au dispositif et à tout contrôle des vitesses. Les conducteurs qui sont persuadés qu’ils ne sont pas dangereux quand ils conduisent vite changent rarement de conviction. Ils partagent les idées d’Airy Routier et sont inaccessibles aux réalités et à la notion de preuve, seule leur conviction est leur référence et elle dicte leur comportement. Faute de pouvoir agir sur eux par la rationalité et la notion sociale de respect des règles et des autres, leur modification de comportement ne sera obtenue que par l’accentuation des contrôles et l’application de sanctions, notamment la confiscation du véhicule qui est une sanction à laquelle ils sont particulièrement sensibles.

 Pour conserver le savoir faire, cherchons dans ce chapitre, à côté des « grosses erreurs » la « petite erreur significative », celle qui montre que l’auteur ne réfléchit pas un seul instant au sens des phrases qu’il construit. Commentant la difficulté du permis de conduire, il nous indique : « Des questions pièges, souvent sans rapport avec la sécurité, il en existe des dizaines auxquelles on ne peut répondre qu’au prix d’un bachotage intense, à la condition de maîtriser le français et de disposer de capacités intellectuelles et d’apprentissage au dessus de la moyenne. ». Le nombre de permis de conduire délivrés au cours des dernières années est proche de 850000. (845596 en 2003, 852693 en 2004 et 852110 en 2005). Les statistiques de l’INSEE nous indiquent que le nombre de personnes atteignant 18 ans au cours d’une année dans la période actuelle (enfants nés à la fin des années quatre-vingts) est proche de ces valeurs. Bien entendu il y encore des personnes qui passent leur permis tardivement et des usagers qui repassent un permis annulé, mais à l’évidence, dans un pays comme le nôtre, le suivi du nombre de permis délivré pendant les dernières décennies prouve que  la quasi-totalité d’une classe d’âge passe le permis avec succès. Airy Routier est donc un brillant défenseur de la haute valeur de notre population puisque selon lui la quasi-totalité d’une classe d’âge a des capacités intellectuelles au dessus de la moyenne. Je peux cependant retenir comme conclusion qu’oser cette affirmation exige des capacités en calcul mental très inférieures à la moyenne ! (F-20). En réalité je ne peux être assuré de la validité de cette conclusion, il y a une autre hypothèse plus vraisemblable, Airy Routier sait très bien qu’il dit n’importe quoi, mais il est persuadé que plus c’est gros, mieux cela passe.