octobre 2002
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Liste des éditoriaux
Quel espoir raisonnable pour les années à venir ?
Nous vivons une période de transition avec une double échelle de
temps :
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à court terme nous attendons les décisions du comité
interministériel programmé le 12 décembre 2002. Après la décision d'avril
dernier de mettre un terme à l'amnistie des fautes de conduite, puis
l'annonce des priorités du président de la République le 14 juillet plaçant
en tête la lutte contre l'insécurité routière, la réunion du 17 septembre a
été une manifestation symbolique de la volonté d'agir du gouvernement. Six
ministres et le Premier ministre rencontrant et écoutant des représentants
d'associations, des élus, des experts, ou d'autres acteurs de la sécurité
routière constituait une événement tellement inhabituel que les plus
sceptiques se mettaient à nouveau à espérer. Il leur paraissait difficile
qu'un tel signe ne débouche pas sur des décisions importantes susceptibles
de nous sortir de la faible réduction du risque routier observée au cours
des dernières années. La réunion du 17 septembre a été prolongée par une
consultation ouverte sur le site internet du ministère de l'équipement
(www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr), un formulaire en ligne permettant
d'exprimer des propositions en exposant pour chacune d'entre elles le
problème concerné, l'objectif visé, les avantages et les inconvénients de la
mesure proposée et les conditions de sa mise en oeuvre. Avec d'autres, j'ai
participé à cet exercice utile pour élargir le champ des propositions
possibles (voir
propositions 2002). Il faut maintenant attendre le communiqué publié à la
sortie du comité interministériel pour avoir une première idée du sérieux du
plan gouvernemental. Quels objectifs ? Quels décisions ? Quels moyens ?
j'essaierai d'écrire un commentaire dès le soir de la publication de ce
communiqué. Rendez-vous donc le 13 décembre pour ce premier point sur les
intentions et les méthodes envisagées.
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à moyen et long terme nous sommes dans l'attente d'une
transition inévitable dans le domaine de l'adéquation de l'outil automobile
aux préoccupations concernant l'environnement, la consommation des
combustibles fossiles et la sécurité routière. L'échelle de temps est
totalement différente, l'unité de compte est la décennie, mais l'évolution
est inéluctable. L'expérience montre que ces transitions ont une maturation
longue avant de subir une accélération rapide, voire parfois brutale. La
discordance entre les objectifs de Kyoto, la perception croissante du risque
de catastrophes climatiques, la sécurité routière, et la production de
superbes monstres techniques, lourds, puissants et agressifs dont la
consommation sera toujours proportionnelle à leur poids et à la
puissance maximale de leur moteur, particulièrement en ville, finira par
devenir insupportable. Les risques de fibrose pulmonaire provoquée par
l'amiante sont connus depuis le début du siècle dernier, ceux de cancers de
la plèvre et des poumons depuis les années cinquante, il a fallu attendre
1997 pour que la fibre soit interdite, remplacée par d'autres isolants ou
d'autres matériaux utilisables dans les embrayages ou les plaquettes de
freins. Un moment viendra où le véhicule inutilement dangereux du fait de sa
vitesse et de sa masse, sera remplacé par des modèles qui assureront la même
fonction, mais avec des caractéristiques très différentes. Je ne sais pas si
ce sont les dirigeants de l'Europe qui prendront leurs responsabilités ou si
des événements intercurrents, notamment un procès pénal, déclencheront la
phase terminale de cette évolution, mais elle est inévitable.
En attendant ces évolutions fondamentales, un événement
particulier à fait l'actualité du début du mois d'octobre : le débat à
l'Assemblée Nationale sur la proposition de loi de M. Dell'Agnola visant à
modifier la législation sur la conduite sous l'influence de stupéfiants. Le
débat sur ce sujet difficile est ouvert depuis de nombreuses années, en France
depuis le livre blanc sur les drogues licites et illicites et la sécurité
routière qui fut une commande du comité interministériel de 1993. Nous avions
recommandé dans ce rapport de mettre en oeuvre une recherche des stupéfiants
dans les accidents de la route et de développer des études permettant de mieux
apprécier non seulement le rôle des stupéfiants (ce sont les drogues dont la
consommation est illégale dans le droit français) mais également celui des
médicaments ou d'autres produits détournés de leur usage (solvants etc.). Il a
fallu attendre le 18 juin 1999 pour que la loi institue cette recherche dans les
accidents immédiatement mortels. Deux ans ont été nécessaires pour établir les
textes réglementaires organisant l'application de la loi et les recherches sont
faites depuis le 1er octobre 2001. Simultanément une étude épidémiologique a été
entreprise sur l'intégralité de ces examens destinés à préciser quels produits
étaient en cause et quel était leur responsabilité dans la survenue de
l'accident. Dès le mois suivant l'application de la loi de 1999, la loi dite de
"sécurité quotidienne" du 15 novembre 2001 a rendu possible la recherche de
stupéfiants dans les accidents corporels sans en faire une obligation, ce qui
était un complément utile de la loi de 1999. La proposition de loi étudiée le 8
octobre par le Parlement a des objectifs beaucoup plus larges, elle rend
obligatoire la recherche de stupéfiants chez tous les conducteurs impliqués dans
un accident corporel, elle la rend possible à titre préventif en dehors de tout
accident ou infraction, enfin elle institue un délit de conduite après
consommation de stupéfiants avec une peine de prison pouvant atteindre deux ans.
Je considère ce texte comme inadapté et inapplicable et le sujet est si
important et complexe que j'essaye de préciser ma position à l'aide d'un
ensemble de documents :
- un texte général expliquant le
problème, les avantages et les inconvénients des différentes solutions,
- une présentation utilisant le logiciel
Powerpoint, établie pour la réunion du groupe ITA (Institut Technique
d'Accidentologie) des 14 et 15 novembre 2002. Ce diaporama étant accompagné de
commentaires oraux, j'ai résumé ces
commentaires
dans un troisième document.
Par ailleurs, le texte du débat devant l'Assemblée Nationale, comme le texte de
la proposition de loi, sont disponibles sur le site internet de l'Assemblée.
Pour résumer ma position, le texte dans son état actuel :
-
ne tient pas compte des incertitudes sur le niveau de risque
lié au stupéfiant le plus consommé : le cannabis,
-
définit un niveau de sanction (deux ans de prison) qui n'est
pas cohérent avec les niveaux retenus pour des risques encourus plus élevés
que celui qui est documenté pour le cannabis (une alcoolémie entre 0,50 g/l
et 0,80 g/l est sanctionnée par une contravention alors que le risque est
supérieur à celui actuellement reconnu pour le cannabis dans les études
établissant le surrisque le plus élevé.
-
ne peut être mis en oeuvre dans l'ensemble des accidents
corporels par les gendarmes et les policiers, compte tenu des contraintes
matérielles provoquées par le dépistage médical dans les urines de tous les
impliqués. Cette pratique doublerait les effectifs engagés lors d'un
accident corporel. Il s'agirait d'un véritable détournement de moyens qui se
ferait nécessairement aux dépens des activités prioritaires de la sécurité
routière (contrôles de la vitesse, de l'alcoolémie et du port de la ceinture
de sécurité).