Apolitique2002organisationjuridique.doc
Analyse de la description faite par Airy Routier d’un dispositif technique
et juridique « unique au monde » qui ne correspond par à la réalité des
faits
Deux manipulations différentes tentent de transformer la politique de
sécurité routière initiée à la fin de l’année 2002. L’une tente de détruire
ses résultats (Apolitique2002resultats.html)
en les attribuant à une évolution générale observée dans l’ensemble de
l’Europe. L’autre lui donne des caractéristiques qui ne correspondent pas à
la réalité, c’est cet aspect qui sera envisagé ici.
Comme pour les trois autres constructions artificielles développées par Airy
Routier (politique de 1973 – notion de France sans permis – résultats de la
politique de 2002), nous commencerons par décrire des désinformations
majeures qui détruisent les bases de son argumentation sur la nature du
système de permis à points mis en place en France, puis nous citerons
l’ensemble des phrases qu’il a produites pour dégrader et transformer la
réalité, avec leur analyse.
L’objectif est de présenter le permis à points français comme un dispositif
original avec des caractéristiques inacceptables, alors que les différences
avec les autres permis à points sont minimes.
« Parmi tous ces pays, la France est le seul qui a mis au point un système
de répression totalement automatisé, écartant délibérément toute
responsabilisation individuelle et toute analyse des situations
particulières» (FSP p.9).
« Dans tous les autres pays du monde, il revient à un magistrat de doser le
nombre de points retirés en fonction de la nature de l’infraction, de ses
circonstances et de la personnalité du conducteur » (FSP p.54)
« Rien ne peut justifier dans notre pays, qui est et qui doit rester un
modèle de démocratie, que les automobilistes, qui sont aussi des citoyens,
soient condamnés sans pouvoir faire appel ». (FSP p.83)
Le recours à une surveillance automatisée se généralise dans tous les pays
industrialisés. Il convient de ne pas confondre surveillance et répression
automatisée. Des caméras couplés à des radars photographient des véhicules
en infraction et les données sont transmises à un centre de traitement,
d’emblée ou après enregistrement si le radar automatique est déplaçable. Une
reconnaissance automatique des immatriculations permet d’identifier le
propriétaire et de lui adresser l’avis de contravention. La partie non
automatisée est une procédure de contrôle visuel par des opérateurs
entrainés qui peuvent éliminer les situations où un doute existe (plusieurs
véhicules dans le champ, plaques à l’immatriculation dégradée) et
paradoxalement, le taux de rejet des infractions constatées, qui est une
garantie de la sécurité du dispositif, est souvent présentée comme une
imperfection !
Le dispositif décrit par Airy Routier
Nous n’envisagerons pas ici la critique d’un Etat qui aurait comme objectif
« une société où de plus en plus nombreux sont ceux qui se mobilisent sans
état d’âme, comme au temps de l’Inquisition, pour faire triompher le Bien
contre le Mal », ou du « racket légal de l’Etat » (FSP p. 238/239). Tout
citoyen peut exprimer librement son opinion sur des choix de l’Etat, y
compris avec des considérations péjoratives et des analogies discutables.
L’objectif est de démontrer que de nombreuses affirmations factuelles
destinées à déconsidérer dans l’opinion publique les choix politiques de
2002/2003 sont fausses, notamment le fait que l’Etat aurait laissé
« quelques hauts fonctionnaires mettre en place un système aveugle qui leur
a échappé » (FSP p 235) et le caractère unique au monde du dispositif retenu
en France, alors que la procédure suivie est celle utilisée par la majorité
des pays industrialisés qui ont mis en place un permis à points
Les citations pertinentes pour l’analyse de l’organisation juridique du
permis à points sont les suivantes :
« Parmi tous ces pays, la France est le seul qui a mis au point un système
de répression totalement automatisé, écartant délibérément toute
responsabilisation individuelle et toute analyse des situations
particulières. Qu’il est le seul où a été écartée l’intervention des juges,
garants de l’équité, au profit d’un système entièrement robotisé » (FSP
p.9).
« La sécurité routière offre un parfait exemple de la dérive administrative
sur fond de laxisme budgétaire et de démagogie électoraliste qui caractérise
la France » (FSP p.40).
« La façon dont cette politique est conduite suscite en revanche, de
nombreuses interrogations et même une réprobation croissante. En particulier
depuis que le permis à points, associé à l’installation, unique au monde (à
l’exception d’expériences conduites dans certains Etats d’Australie et de
Nouvelle Zélande), d’un système de radars entièrement automatisés, faisant
fi des cas individuels et parfois de toute équité, transforme des millions
de citoyens en délinquants » (FSP p.50/51).
« L’association, unique au monde, du permis à points et d’un système de
contrôle entièrement automatisé des vitesses constitue l’outil privilégié de
cette répression » (FSP p.53)
« Dans tous les autres pays du monde, il revient à un magistrat de doser le
nombre de points retirés en fonction de la nature de l’infraction, de ses
circonstances et de la personnalité du conducteur » (FSP p.54)
«Officiellement, la mise hors la loi du juge vise à accélérer les procédures
et à désencombrer les prétoires. Dans la réalité, c’est une monstruosité
juridique dont peu de gens à l’époque mesurent la gravité. Les maigres
débats portent sur l’intérêt ou non d’instaurer un permis à points, pas sur
le cadre juridique de cette innovation. Pas sur le bien fondé de cette
entorse aux droits fondamentaux de tout homme à pouvoir se défendre, devant
un magistrat indépendant, des accusations portées contre lui. La faute
est-elle la même et mérite-t-elle le même nombre de points retirés, pour
celui qui grille un feu rouge à pleine vitesse, sans visibilité, ou celui
qui ralentit, s’arrête, regarde de tous les côtés et constatant qu’il n’y a
personne, tourne à droite, ce que le code de la route a autorisé pendant de
nombreuses années » (FSP p.54)
« Doit-on sanctionner de la même manière un primo délinquant ou un
multirécidiviste ? L’administration ne veut pas le savoir, à la différence
du juge qui modulera la peine prononcée en fonction du passé du prévenu et
de son avenir présumé » (FSP p.55)
« Rien ne peut justifier dans notre pays, qui est et qui doit rester un
modèle de démocratie, que les automobilistes, qui sont aussi des citoyens,
soient condamnés sans pouvoir faire appel ». (FSP p.83)
« je dis que dans tous les pays démocratiques sauf la France, et je veux que
cela se passe en France, quand on se sent lésé pour une raison grave, on a
le droit de prendre l’arbitrage d’un juge, je dis pas que toutes les
contraventions doivent aller devant un juge, j’ai pas écrit ça, je dis
simplement que quand on risque de perdre son permis, donc son emploi, on
doit pouvoir être soumis à l’appréciation d’un juge. » (vidéo mise sur le
site du Nouvel Observateur le 27 mars 2007 -
AvideoNO27mars2007.html ).
L’historique de la mise en place du dispositif actuel associant le permis à
points et les radars automatiques.
Le choix politique de mettre en œuvre un permis à points a été fait en 1989.
La loi est appliquée à partir du 1er juillet 1992. Le contrôle des vitesses
excessives est assuré comme dans la période antérieure à cette loi par des
radars exploités avec deux méthodes différentes :
- soit avec une interception immédiate
des contrevenants,
- soit avec un dispositif automatisé
prenant une photographie qui sera ensuite développée, le numéro
d’immatriculation du véhicule étant utilisé pour obtenir l’adresse du
propriétaire et établir la procédure en fonction du niveau de l’excès de
vitesse.
Un obstacle majeur à l’application équitable des règles de sécurité routière
était identifié depuis des décennies, la pratique d’indulgences sans
fondement objectif qui réduisait au dessous de 50% la proportion de
contraventions relevées aboutissant au paiement de l’amende (en dehors des
contraventions de stationnement ne posant pas de problème de sécurité
routière). Ce fait a été documenté dans un premier temps par des études de
chercheurs, notamment par les travaux de Claudine Perez-Diaz (Jeux avec les
règles pénales – éditions L’Harmattan 1998 :
Djeuxreglespenales.pdf) . Une commission se situant dans le cadre de
l’évaluation des politiques publiques, dirigée par Michel Ternier, a été
mise en place en 2001 pour étudier ce problème dans cinq juridictions, avec
une analyse de 5000 infractions relevées. Le rapport a été publié en 2003
par la Documentation française, mais il était achevé en 2002 au moment où la
nouvelle politique de sécurité routière à été définie (la politique de
sécurité routière : les systèmes locaux de contrôle-sanction. Rapport de
l’instance d’évaluation présidée par Michel Ternier). Le rapport est
reproduit intégralement car il a eu une importance considérable dans le
choix du développement des automatismes quand ils permettaient d’éviter les
tâches de secrétariat répétitives (DrapportTernierControleSanction.pdf).
L’amalgame entre l’automatisation de tâches de collectes de données
concernant les infractions, notamment les excès de vitesse, et une
robotisation des policiers associée à une disparition du rôle du juge est
dépourvue de fondement. Avoir une image numérique en place d’une image
argentique ne fait que faciliter le traitement de l’information en évitant
d’avoir à faire des développements de pellicule. Faire une recherche
informatique d’une adresse associée à une immatriculation n’est pas une
déshumanisation de la procédure, c’est le transfert à des machines de
fonctions qui n’exigent pas une interprétation des données. Comme dans la
plupart des pays industrialisés qui ont mis au point un dispositif de permis
à points, certaines infractions provoquent l’émission d’un avis signifiant
au propriétaire le constat d’une infraction et le montant de l’amende qu’il
doit payer. S’acquitter du montant de l’amende signifie que l’on reconnaît
l’infraction et le renseignement des données concernant le permis de
conduire provoqueront le retrait du nombre de points correspondant à
l’infraction. Il est possible de contester l’infraction après avoir effectué
un dépôt qui est destiné à éviter des recours abusifs destinés à bloquer le
dispositif.
Ces dispositions n’ont pas été définies par l’administration, elles ont été
débattues devant le Parlement et deux lois les précisent :
La loi du 18 juin 1999 a prévu que : « le titulaire du certificat
d'immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l'amende
encourue pour des contraventions à la réglementation sur les vitesses
maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des
véhicules, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre
événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant
d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. »
La loi du 13 juin 2003 a précisé ces dispositions en établissant que : « «
Art. 529-10. - Lorsque l’avis d’amende forfaitaire concernant une des
contraventions mentionnées à l’article L. 121-3 du code de la route a été
adressé au titulaire du certificat d’immatriculation ou aux personnes visées
aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 121-2 de ce code, la
requête en exonération prévue par l’article 529-2 ou la réclamation prévue
par l’article 530 n’est recevable que si elle est adressée par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception et si elle est accompagnée :
« 1° Soit de l’un des documents suivants :
« a) Le récépissé du dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule,
ou une copie de la déclaration de destruction de véhicule établie
conformément aux dispositions du code de la route ;
« b) Une lettre signée de l’auteur de la requête ou de la réclamation
précisant l’identité, l’adresse, ainsi que la référence du permis de
conduire de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque la
contravention a été constatée ;
« 2° Soit d’un document démontrant qu’il a été acquitté une consignation
préalable d’un montant égal à celui de l’amende forfaitaire dans le cas
prévu par le premier alinéa de l’article 529-2, ou à celui de l’amende
forfaitaire majorée dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l’article
530 ; cette consignation n’est pas assimilable au paiement de l’amende
forfaitaire et ne donne pas lieu au retrait des points du permis de conduire
prévu par le quatrième alinéa de l’article L. 223-1 du code de la route.
La coordination des différents acteurs du dispositif
La juxtaposition d’un dispositif judiciaire organisant le traitement pénal
des infractions et d’un dispositif administratif traitant en aval les
retraits de points est adoptée par la majorité des pays qui ont instauré un
dispositif de permis à points. Il n’est pas envisageable de reproduire et de
traduire plusieurs codes de la route de pays industrialisés, mais l’accès à
des codes de pays francophones permet de prouver que le dispositif français
n’est pas unique.
Le Luxembourg a instauré un permis à points par la loi du 2 août 2002 publié
au journal officiel du grand duché de Luxembourg du 16 août 2002. (Dloiluxembourgpermisapoints.pdf).
Un texte simplifié rappelant les fondements et les modalités des permis à
points appliqués dans d’autres pays est utile pour comprendre les
motivations et les choix possibles :
Dconceptpermisapointsluxembourg.html
Le Québec a également un permis à points proche du nôtre. Une de ses
particularités est la délégation par la loi de la gestion du permis à points
par la SAAQ (Société d’Assurances Automobile du Québec). Les documents
présentés sont :
- le code de circulation routière (DcodesecuriteroutiereQuebec.pdf)
- le site internet de Justice Québec
dans sa partie « bureau des amendes »
https://www.amendes.qc.ca/RPVVirtuel/Page_accueil_BIA.asp?lang=French
- le texte législatif déléguant certains
pouvoirs à la Société d’assurances automobiles du Québec (Dsaaqpouvoirs.pdf)
- un document établi par la SAAQ et
résumant le dispositif de permis à points, il indique notamment que : « Les
points d'inaptitude demeurent inscrits à votre dossier pendant les 2 années
qui suivent la date de la déclaration de culpabilité ou du paiement de
l'amende. Le paiement de l'amende équivaut à une déclaration de
culpabilité. » (Dsaaqpermisapoints.pdf)
La Suisse n’a pas instauré de système de permis à points, la Belgique a une
loi mais elle n’est pas encore mise en œuvre.
Une analyse détaillée des critiques dépourvues de fondement exprimées par
Airy Routier à l’égard du permis à points français est développé dans le
document
Pf7justiceautomatiseeetpermisapoints.html
Commentaires
Airy Routier affirme que le dispositif français de permis à points est
unique au monde et écarte le juge au profit d’un système robotisé, c’est
faux. La contestation d’une infraction est possible, aussi bien en cas
d’infraction relevant de l’amende forfaitaire que dans les autres
infractions.
Airy Routier nous décrit par ailleurs dans le détail les recours possibles
devant les tribunaux administratifs et il a lui-même obtenu la restitution
de son permis devant une juridiction administrative avec des arguments de
pure forme.
La revendication d’un mélange des genres qui permettrait au juge pénal de se
prononcer sur l’annulation de permis faute de points est contraire au
principe de ce type de permis. Il a été créé pour que ce soit le cumul des
infractions qui produise l’annulation. C’est une garantie pour l’usager, car
l’inattention est possible chez les meilleurs conducteurs et ce n’est que la
répétition des infractions qui aura des conséquences importantes. Chaque
infraction permet un recours, mais il ne peut se situer que dans le cadre
judiciaire. Le juge administratif ne peut avoir à juger le bien fondé de
chacune de ces sanctions, il a en charge le respect des modalités
administratives de gestion des points.
Le débat sur la déjudiciarisation du contentieux routier a été repris
récemment dans le cadre de la commission dirigée par Serge Guinchard en 2008
et il n’a pas abouti à des propositions de transfert de compétences entre
les décisions judiciaires et administratives. (DrapportGuincharddejudiciarisation.html).