limiteurs et enregistreurs de vitesse

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note d'avril 2008 : le texte ci-dessous est un texte ancien (2000), je le conserve en l'état parce qu'il décrit un moment de l'histoire de la limitation de la vitesse à la construction et de l'enregistrement en continu de la vitesse de circulation.

La réduction du risque routier par l'usage des limiteurs et des enregistreurs de vitesse

Ce dossier n'est pas nouveau, il comporte deux volets, à la fois distincts et complémentaires.

La limitation de la vitesse à la construction est une mesure de prévention des vitesses excessives qui a été mise en oeuvre pour les cyclomoteurs, les tracteurs et plus récemment pour les poids-lourds, d'abord par une décision unilatérale de la France puis par un ralliement de l'Union Européenne à cette mesure. Au lieu de mettre la responsabilité sur l'usager en lui imposant de limiter sa vitesse pour respecter la réglementation, (il est alors piégé par l'incohérence entre les vitesses maximales autorisées et la puissance de son véhicule), c'est l'outil qui impose de respecter la vitesse maximale autorisée. le principe est celui de la sécurité "intrinsèque", dite aussi "structurelle", par opposition à la sécurité "volontaire" assurée par une décision humaine. L'inconvénient est de n'agir que sur la vitesse maximale la plus élevée de la réglementation, en France le 130 km/h sur autoroute.

L'enregistreur de vitesse, la "boîte noire", est un dispositif qui permet d'enregistrer la vitesse. La conservation sur un support physique de la vitesse réelle pendant une durée variable permet d'effectuer des contrôles plus faciles, moins dangereux et plus extensifs de la vitesse de circulation. Ce n'est pas la vitesse à un moment donné qui est contrôlée comme avec un radar, mais la vitesse pendant une période qui peut atteindre plusieurs heures, voire plus. En cas d'accident l'enregistreur est capable de documenter non seulement la vitesse mais également d'autres paramètres qui ont pu jouer un rôle dans sa survenue. De tels dispositifs ne sont pas nouveaux, les trains, les avions, sont dotés depuis longtemps d'enregistreurs dans un but de sécurité et de recherche des causes d'accidents. Les poids-lourds ont des enregistreurs destinés prioritairement au contrôle du temps de travail, ils sont également utilisés après des accidents pour vérifier la vitesse. Initialement mécaniques avec des enregistrements sur disque amovible, ils sont devenus mixtes (électronique et mécanique) et seront purement électroniques quand le travail de normalisation en cours sera achevé. On peut espérer que le nouveau règlement sera mis en oeuvre l'année prochaine malgré le retard pris sur le calendrier prévu.

Les preuves de l'efficacité de ces systèmes de surveillance ont été obtenues depuis longtemps. Un transporteur comme l'entreprise Prost avait mis en évidence l'importance de l'analyse systématique des disques dans une politique intégrée de sécurité routière. Elle avait permis aux frères Prost de réduire l'accidentalité de leur flotte de poids-lourds à des niveaux inférieurs de plus de 50% à celle de leurs concurrents. Plus récemment l'usage des nouvelle générations d'enregistreurs électroniques, aux USA et en Europe, a prouvé l'efficacité de la dissuasion des excès de vitesse par de tels dispositifs. Le problème a été également renouvelé par l'apparition d'un ensemble de dispositifs électroniques d'aide à la conduite ou de sécurité secondaire sur les véhicules légers qui fait craindre aux constructeurs le risque d'être considérés comme responsable en cas d'accident. L'usager de véhicules dotés de tels équipements peut être tenté de se retourner contre le producteur en invoquant un dysfonctionnement du système (assistance au freinage qui bloque une roue, coussin gonflable provoquant un accident par son expansion avant l'accident et non après le choc etc.). L'électronique embarquée est suffisamment développée et bon marché pour que les constructeurs puissent lui faire assurer ce rôle de "protecteur de leur responsabilité". Dans un tel contexte il deviendra bientôt intenable de ne pas utiliser l'ensemble des ressources de l'enregistrement électronique des données. Les responsables politiques et administratifs qui ont la possibilité de généraliser de tels dispositifs de sécurité seront rapidement accusés de "négligence" ou "d'imprudence" s'ils ne les mettent pas en oeuvre alors qu'ils peuvent le faire pour un faible coût et sans effet adverse, ce qui est particulièrement important dans le domaine de la sécurité. On s'aperçoit que les obstacles sont principalement psychologiques, le même objet est tantôt la boîte noire que l'on recherche activement dans la carcasse d'un avion qui s'est écrasé sur le Mont Sainte Odile ou au fond de l'Atlantique, c'est l'instrument utile qui va renseigner sur les causes de l'accident, tantôt le "mouchard", surveillant intraitable de toutes nos erreurs et de nos fautes. L'étude récente la plus démonstrative de l'efficacité des enregistreurs a été celle portant sur les véhicules utilisés par la police de Berlin. Une réduction de 36% du coût des accidents a été observée, cela se passe de commentaires. Le problème n'est plus celui de l'efficacité mais celui du calendrier de la généralisation de ces dispositifs.

Ce dossier passionnant va renouveler le débat en cette année de la "Sécurité Routière - Grande Cause Nationale". Il va nous faire sortir du discours incantatoire et de la velléité de réduire de 50% en cinq ans la mortalité sur les routes, sans programme crédible pour atteindre cet objectif.