dommages liés aux véhicules

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risque de dommage corporel provoqué chez des tiers.

Il est surprenant de constater que certains indicateurs d’insécurité routière sont méconnus ou sous employés par ceux qui devraient en assurer la promotion et la vulgarisation pour aider à réduire le risque qu’ils mettent en évidence. L’indicateur le plus délaissé dans ce domaine est la relation entre les groupes de véhicules définis par les assureurs pour établir leur tarification des primes et le risque de provoquer un dommage corporel chez un tiers.

L’évolution récente vers le traitement judiciaire des dossiers de sécurité sanitaire va conférer à l’argumentaire technique de ce dossier une grande importance dans les années à venir. Les responsables politiques et administratifs de la circulation ont dans leur mission d’assurer la sécurité routière. En laissant circuler des véhicules particulièrement dangereux alors qu’ils ont eu connaissance de ce risque élevé, signalé par des experts dans des rapports officiels, ils ont fait courir à la population un risque évitable. Lors du procès des ministres devant la cour de justice de la république, le procureur général a indiqué que l’homicide par imprudence peut être utilisé pour développer une procédure devant cette cour, toutes les dispositions du code pénal étant utilisables pour fonder une action. Il faut remarquer que les exigences formulées par le procureur général, et qui étaient à ses yeux absentes dans l’affaire du sang contaminé, (notamment la nécessité d’être assuré que les ministres avaient été mis au courant et le fait que les experts devaient s’être exprimés nettement) sont satisfaites dans le domaine du risque lié aux véhicules puissants. L’importance du surrisque est publié dans les documents établis par les assureurs, il a en outre été clairement indiqué dans le livre blanc de sécurité routière de 1988 qui a été publié à la documentation française et ne peut donc être considéré comme un document insuffisamment connu des pouvoirs publics.

Les données du problème :

Les connaissances disponibles

La vitesse potentielle des véhicules a considérablement évolué au cours des cinquante dernières années. Cette évolution a été publiée dans le livre blanc de sécurité routière de 1988. Le tableau établi par Renault pour la période 1967-1987 indiquait la proportion de véhicules produits au cours d’une année en fonction de leur vitesse maximale possible lors de leur construction :

Année 90 à 110 km/h 110 à 130 km/h 130 à 150 km/h Plus de 150 km/h
1967 28% 29% 33% 10%
1972 13% 19% 47% 21%
1980   18% 32% 50%
1987   4% 23% 73%

Les résultats des assureurs ont été publiés de façon détaillée à partir du début de la décennie 70. Cette période allant de 70 à 90 a été particulièrement importante pour documenter la variation du risque avec le type de véhicule car il s’agissait d’une période de coexistence de véhicules rapides et de véhicules lents en nombres suffisants pour permettre des comparaisons statistiques significatives. Les tableaux publiés ci-dessous reproduisent les données publiées dans les recueils de données statistiques de l’assurance automobile en France (association générale des sociétés d’assurances contre les accidents). Cette publication bisannuelle indique les valeurs concernant les dommages corporels provoqués chez des tiers. Il ne s’agit par des données exhaustives mais d’un échantillon obtenu par un sondage auprès des sociétés d’assurance, disponible un ou deux ans après l’année de référence. Nous indiquons dans les tableaux suivants l’année de référence et entre parenthèse l’année de l’édition. Deux indices publiés par les assureurs sont utilisés dans ces tableaux. L’indice de fréquence (IF) qui est exprimé pour chaque groupe de véhicules (ou réunion de groupes) avec comme référence la base 100 pour l’ensemble des véhicules. Il s’agit d’un indice de " fréquence des sinistres avec suite, véhicules de 1ère catégorie, responsabilité civile ", la colonne retenue est celle des " sinistres corporels avec suite ". Le second est un indice de coût moyen (ICM) établi pour les mêmes groupes ou ensemble de groupes. Il est désigné dans les documents des assurances comme un indice de " coût moyen des sinistres avec suite, véhicules de 1ère catégorie, responsabilité civile et dommages ", la colonne retenue est celle intitulée " responsabilité civile " qui comporte une subdivision " dont sinistres corporels ". La base 100 est un indice de coût moyen pour l’ensemble des véhicules assurés. Les caractéristiques des risques liés aux véhicules évoluant (création de véhicules plus puissants, vieillissement des véhicules des groupes les plus faibles qui ne sont plus produits), les assureurs constituent de nouveaux groupes et adaptent les regroupements effectués suivant les éditions. Curieusement les assureurs qui publiaient ces indices n’ont jamais effectué la multiplication de l’indice de fréquence par l’indice de coût moyen pour obtenir un indice de coût global par groupe de véhicules. C’est ce produit qui est indiqué dans la colonne " Indice de coût total ". Il a été divisé par cent pour obtenir un indice moyen de 100 pour l’ensemble des véhicules, comme cela était fait pour les deux autres indices. La dernière colonne intitulée " Risque relatif " divise chaque indice de coût total par celui du groupe le plus faible (groupe 2 pour les résultats de 1971) afin de disposer d’un élément de comparaison entre les groupes. Par exemple pour le groupe 12, les coûts totaux moyens payés par assuré dans le cadre des dommages corporels au titre de la responsabilité civile étaient 7 fois plus élevés que pour le groupe 2.

Valeurs pour le sondage de 1971 (publication 1972) concernant les accidents ayant produit des dommages corporels chez des tiers :

Groupe = groupe de tarification des assureurs,

Fréquence = indice de fréquence des accidents avec dommages corporels chez des tiers pour chaque groupe,

Coût moyen = indice de coût moyen des dommages corporels produits chez des tiers par les véhicules de ce groupe,

Coût total = Indice du coût total de ces dommages corporels,

Risque relatif = risque relatif par rapport au groupe qui a le plus faible indice

Groupe Fréquence Coût moyen Coût total Risque relatif
2 58 68 39 1
4 58 67 39 1
5 89 89 79 2
6 79      
7 84 87 73 1,9
8 116 92 107 2,7
9 105 119 125 3
10 121 108 131 3,4
11 126 118 149 3,8
12 179 152 272 7

Valeurs pour la période pendant laquelle la publication regroupait les groupes 1 à 4 (à noter que les indices de coût moyen publiés en 84 ne correspondent pas à la même année que les indices de fréquence publiés cette année là. La valeur entre parenthèses correspond à l'année de la publication des données.

Groupes IF 75 (76) ICM 75 (76) IF 82 (84) ICM 81 (84) IF 84 (86) ICM 84 (86)
1 à 4 60 57 47 57 33 27
5 et 6 80 57 60 80 58 64
7 87 86 80 87 100 80
8 107 96 120 83 100 67
9 113 79 100 101 100 108
10 113 123 100 106 100 114
11 133 93 133 114 133 104
12 147 140 125 111 125 118
13 et plus 187 177 125 130 125 118

Le calcul d’un indice de dommages corporels payés par les assureurs au titre de la responsabilité civile des assurés produit les valeurs suivantes :

Groupes ICG 75 RR 75 ICG 82 RR 82 ICG 84 RR 84
1 à 4 34 1 27 1 9 1
5 et 6 46 1,4 48 1,8 37 4,1
7 75 2,2 70 2,6 80 8,9
8 103 3 100 3,7 67 7,4
9 89 2,6 100 3,7 108 12
10 139 4,1 106 3,9 114 12,7
11 124 3,6 152 5,6 127 14,1
12 206 6,1 139 5,1 147 16,3
13 et plus 331 9,7 162 6 162 18

Il est utile de placer ces résultats des différents sondages dans le même tableau pour faciliter les comparaisons et montrer la variation relativement importante de ces indices d’une série à l’autre. Plusieurs facteurs interviennent et ils sont difficiles à dissocier car les assureurs ne publient pas le nombre d’accidents utilisés pour chaque sondage et il est impossible de calculer une médiane et des écarts types. Un accident très coûteux inclus dans l’échantillon peut modifier d’une façon importante le coût moyen d’une année pour un groupe. Il est probable que l’indice de fréquence est moins influençable par le hasard des sélections d’échantillon. Quand des véhicules appartenant aux groupes de tarification les plus faibles ne sont plus produits, leur vieillissement dans le parc assuré s’accompagne d’une réduction du kilométrage annuel parcouru, ce qui réduit l’indice de fréquence des accidents. Ce phénomène a certainement joué un rôle important dans la faible valeur de l’indice de coût global pour 1984 dans le groupe 1 à 4 qui induit un risque relatif très important pour le groupe 13 et plus.

Dans l’édition de 1988 des données statistiques de l’assurance automobile (données de 1985 vues à la fin de 1987), le tableau 98 n’identifie plus un groupe 1 à 4 et réunit tous les véhicules dont le groupe est inférieur à 7. Le tableau devient le suivant :

Groupes de véhicules Indice de fréquence Indice de coût moyen Indice de coût total par groupe Risque relatif par rapport au groupes inférieurs à 7
Moins de 7 62 86 53,5 1
7 77 90 69,5 1,3
8 100 82 82 1,5
9 100 101 101 1,9
10 108 103 111 2,1
11 115 101 116 2 ,2
12 123 112 138 2,6
13 131 120 157 2,9
14 et plus 130 142 184,5 3,4

Ce regroupement a été justifié par la réduction de l’effectif des véhicules des groupes 1 à 4 et leur vieillissement. Dans l’édition 1988, la proportion de ces véhicules pour l’année 1987 est de 1,9%. Il faut remarquer que les délais retenus pour établir le bilan financier des accidents étant d’environ deux ans, ce sont les effectifs des groupes de 1985 qui ont été retenus dans la publication des résultats en 1988. Les effectifs des groupes 1 à 4 pour l’année 1985 ne sont pas précisés dans les différentes éditions des résultats des assurances, les sondages sur ces effectifs n’étant pas réalisés chaque année. Ils étaient de 3,1% en 1983 et l’on peut donc estimer ce parc à 2,5% des véhicules de première catégorie en 1985 (diminution de 0,3% par an de 3,1% à 1,9% sur une période de quatre ans). Sur un parc proche de 20 millions de véhicules assurés à cette période, il faut remarquer que 2% de l’ensemble représentent environ 400 000 véhicules. Il était encore possible d’individualiser un groupe 1 à 4 à la fin des années 80 en adaptant la technique du sondage pour conserver une représentativité de chaque groupe. Cette pratique aurait permis de documenter ce risque relatif en tenant compte des faits qui réduisent le risque (vieillissement du parc). Si ces valeurs n’avaient pas un intérêt important pour les assureurs afin d’établir leurs barèmes, il était important pour les accidentologistes et les décideurs d’avoir la connaissance des indices de coût moyen des accidents provoqués par les différents groupes de véhicules. Il faut remarquer que si la fréquence est influencée par l’exposition au risque donc par le kilométrage, le coût moyen l’est peu ou pas du tout, il est lié à la gravité des lésions, donc à la violence des traumatismes subis par les tiers.

C’est à cette période (1988) que la commission qui a rédigé le livre blanc de sécurité routière s’est intéressée à ces valeurs et a demandé à plusieurs compagnies d’assurances de les compléter par des renseignements concernant le montant des primes et le montant des dommages payés. L’objectif était de savoir si le taux de couverture des recettes par les dépenses était identique pour tous les groupes de véhicules assurés. Deux grandes compagnies d’assurances privées et une mutuelle ont communiqué ces données, elles ont fait apparaître que le taux de couverture des dépenses par les recettes était beaucoup plus élevé pour les véhicules les moins puissants que pour les plus puissants. Autrement dit les propriétaires de véhicules provoquant le moins de dégâts payaient pour ceux qui en faisaient le plus. La seconde exploitation de ces valeurs était celle qui a été détaillée ci-dessus et qui consistait à multiplier l’indice de fréquence des accidents par l’indice de coût moyen pour obtenir un indice de coût total et permettre des calculs de risque relatif entre les groupes de véhicules. Les valeurs ont été communiquées à la commission dans un document qui constituait des annexes provisoires au rapport qui a été ensuite publié par la documentation française. Il est intéressant de noter que le graphique définitif publié dans le livre blanc (page 105) n’est pas celui qui avait été produit dans les annexes provisoires. L’indice de dommages corporels produits chez des tiers a été remplacé par un indice de l’ensemble des dommages provoqués chez des tiers, ce qui réduisait dans des proportions importantes le risque relatif entre les différents groupes. J’ai fait cette découverte plusieurs années après la publication du livre blanc et je n’ai jamais su qui avait décidé cette substitution. Possédant encore le volume des annexes provisoires, je peux facilement apporter la preuve de cette modification du choix des annexes d’un rapport après la dernière réunion de la commission.

Après cette exploitation des données des assureurs (qui avaient contribué à convaincre les membres de la commission d’envisager de limiter la vitesse maximale des véhicules à la construction), la publication détaillée des résultats de l’assurance automobile a été interrompue après l’édition de 1988. Il n’y a pas eu d’édition 1990. Quand les accidentologistes qui exploitaient ces résultats ont demandé aux responsables de l’AGSAA quels étaient les motifs de cette interruption, nous avons appris qu’il s’agissait d’une décision politique, les assureurs ne désiraient plus rendre publics des résultats aussi détaillés au moment où le développement de l'Europe modifiait les règles de la concurrence. Cette décision a été modifiée quatre ans plus tard et la publication reprise sous la forme d’une 10ème édition en 1992. L’éditeur n’était plus dénommé Association générale des sociétés d’assurances contre les accidents (AGSAA), mais Assemblée plénière des sociétés d’assurances dommages (APSAD). Le volume imprimé était remplacé par une édition plus rustique sous la forme d’un fascicule de photocopies au format A4. La fréquence des sinistres corporels est toujours indiquée dans un tableau référencé 2.7.5 et le groupe 1 à 4 est de nouveau isolé. Le coût moyen des sinistres corporels est exprimé seulement à partir du groupe 7, aucune valeur n’est indiquée pour les groupes 1 à 6, même en les regroupant. Il est donc devenu impossible de continuer la comparaison avec les années précédentes. Cette décision s’explique par la quasi-disparition des véhicules neufs dans ces groupes. Cependant les deux séries de valeurs concernant la fréquence des accidents et les coûts moyens présentent toujours un intérêt considérable car elles permettent de documenter la permanence d’une différence de risques de dommages corporels très importante liée aux groupes de tarification des véhicules. Les valeurs publiées en 1992 concernent les résultats de 1989 :

Groupes de véhicules Indice de fréquence Risque relatif en fréquence par rapport au groupe 1 à 4 Indice de coût moyen Risque relatif en coût moyen par rapport au groupe 7
2 à 4 30 1    
5 et 6 44 1,5    
7 78 2,6 66 1
8 93 3,1 67 1
9 103 3,4 77 1,2
10 114 3,8 87 1,3
11 105 3,5 103 1,6
12 102 3,4 146 2,2
13 123 4,1 136 2,1
14 et plus 154 5,1 171 2,6

On voit donc que malgré ces limitations des calculs possibles, même si l’on affectait au groupe 2 à 4 un coût moyen identique à celui du groupe 7, le risque relatif pour le coût global entre le groupe 1 à 4 et le groupe 14 et plus serait une multiplication par plus de 13.

La 11ème édition de ces résultats d’assurance a été publiée en 1994 pour les résultats de 1993. Avec un nouveau changement dans l’expression des coûts moyens qui sont exprimés pour les groupes inférieurs à 7 :

Groupes de véhicules Indice de fréquence Risque relatif en fréquence par rapport au groupe 1 à 4 Indice de coût moyen Risque relatif en coût moyen par rapport au groupe 7
2 à 4 37 1    
5 et 6 44 1,2 74 (moins de 7) 1,1
7 62 1,7 69 1
8 98 2,6 88 1,3
9 100 2,7 99 1,4
10 105 2,8 93 1,3
11 111 3 108 1,6
12 111 3 100 1,4
13 138 3,7 130 1,9
14 89 2,4 126 1,8
15 99 2,7 120 1,7
16 et + 104 2,8 121 1,8

Il faut noter que l’expression isolée des groupes 14 et 15 puis 16 et au delà fait apparaître des différences notables, c’est le groupe 13 qui a le risque relatif le plus élevé en fréquence de provoquer des dommages corporels chez des tiers ( x 3,7), c’est également lui qui a le risque relatif le plus élevé pour le coût moyen comparé au groupe 7 ( x 1,9), soit un risque relatif pour le coût global du groupe 7, nettement inférieur à ce qui était observé auparavant.

La 12ème édition (1996) devient incompréhensible car le tableau publié en 2 .7.7 indique que les résultats correspondent à la statistique commune automobile de 1993, c’est-à-dire la même année que celle publiée dans la 11ème édition. Une précision est apportée, cette statistique 1993 serait " vue fin 1995 ". Il est possible que le bilan plus tardif que celui connu en 1994 modifie le coût moyen (les accidents graves et donc coûteux peuvent imposer un délai plus long pour fixer définitivement le niveau des séquelles), mais on voit mal comment il peut modifier dans des proportions importantes la fréquence. Un accident est identifié comme impliquant un tiers avec un dommage corporel dans les jours qui suivent le sinistre. Malgré cela les valeurs données au titre de 1993 dans l’édition de 96 sont très différentes de celles publiées pour la même année en 94. Il faut tenir compte du fait que les fréquences isolent encore un groupe 2 à 4 dans la 11ème édition alors que les groupes inférieurs à 7 sont fusionnés dans la 12ème édition. Les valeurs sont les suivantes :

Groupes de véhicules Indice de fréquence (11ème édition) Indice de fréquence (12ème édition) Indice de coût moyen (11ème édition) Indice de coût moyen (12ème édition)
2 à 4 37      
5 et 6 44 50 (moins de 7) 74 (moins de 7) 96
7 62 63 69 100
8 98 100 88 102
9 100 100 99 85
10 105 100 93 103
11 111 113 108 100
12 111 113 100 94
13 138 125 130 106
14 89 113 126 129
15 99 125 120 143
16 et + 104 125 121 97

Ces modifications de valeurs paraissent inexplicables. Il convient que les compagnies d’assurances qui publient ces résultats nous expliquent ces variations. Soit les calculs sont effectués sur des échantillons trop faibles et les variations sont dépourvues de signification et alors pourquoi les publier ? Soit il y a des erreurs dans ces tableaux et il convient de les corriger. Il est possible que des variations importantes de coût moyen puissent être produites par des accidents rares mais très coûteux dans un groupe. Il est beaucoup plus improbable que les indices de fréquence puissent être modifiés de façon importante sur une courte période. Il est facile de lever les doutes dans un domaine aussi important en documentant le nombre d’assurés et le nombre d’accidents étudiés dans l’échantillon (calcul des fréquences) et en donnant les valeurs moyennes, les médianes et les écarts-types pour les coûts moyens.

Les facteurs à prendre en compte dans l’interprétation de ces valeurs

Conclusions

Un indicateur très important dans la variation du risque de subir un dommage corporel par un accident de la route produit par un tiers responsable a été méconnu : la relation entre le groupe de tarification utilisé par les compagnies d’assurances pour fonder le montant des primes à payer par le propriétaire d’un véhicule et le risque de provoquer un dommage corporel chez un tiers. Cette relation est sous la dépendance de plusieurs facteurs. Les véhicules des groupes les plus élevés sont habituellement des véhicules qui ont une vitesse maximale plus grande que celle des véhicules appartenant aux groupes les plus bas de la hiérarchie des assureurs. Ce facteur agit sur la fréquence des accidents. Le second facteur est le poids souvent plus élevé de ces véhicules, plus protecteurs pour leurs occupants que les véhicules légers, mais générateurs de dommages plus importants chez les tiers (dans un choc frontal, les occupants du véhicule le plus lourd subissent une variation de vitesse plus faible que les occupants du véhicule le plus léger). Ce facteur va influencer le coût moyen des dommages corporels provoqués chez les tiers, il s’associe au facteur vitesse . Une statistique globale qui s’intéresse à l’ensemble des dommages corporels (chez les occupants du véhicule assuré et chez les tiers) va minimiser les différences entre les groupes, la meilleure protection des usagers d’un véhicule lourd étant associée à la plus grande agressivité pour les occupants des véhicules plus légers. Si l’on isole les dommages corporels provoqués chez les tiers par des conducteurs responsables d’un accident et dont l’assurance va indemniser les victimes, le surrisque induit par les véhicules des groupes les plus élevés apparaît dans toute son ampleur. Pendant la période où le groupe 1 à 4 était encore important et permettait d’avoir des valeurs significatives, on a observé un risque relatif établi sur le coût global payé par les assureurs de 6 à 16 fois plus important pour les véhicules des groupes 13 et plus que pour ceux des groupes 1 à 4. Cela signifie que quand les assureurs payaient 1 franc de dommages corporels produits chez des tiers par des propriétaires de 2CV, ils en payaient jusqu’à 16 pour les propriétaires des véhicules les plus puissants.

Les différences entre les montants de dommages corporels produits chez des tiers entre les types de véhicules actuellement les plus répandus se situent à des niveaux moins élevés que dans le passé car les véhicules ont pratiquement tous des performances qui dépassent largement les limites de vitesse autorisées. Les vitesses réelles pratiquées par les conducteurs des différents groupes peuvent donc être plus proches les unes des autres maintenant qu’il y a 15 ou 20 ans. C’est pendant la période de diversité maximale des performances des véhicules que l’accidentologie vue par les assureurs a pu documenter ces différences avec le plus de netteté. Ces données ont été insuffisamment prises en compte par les responsables de la sécurité routière. Il est toujours difficile d’expliquer dix ou vingt ans après des faits les raisons d’une absence d’exploitation des indications qu’ils comportaient. La foi dans les progrès de la sécurité secondaire et dans certaines formes de sécurité primaire est une des explications possibles. Elle s’est probablement associée à la volonté de ne pas voir le risque lié a une dérive technologique absurde qui a progressivement fait produire des véhicules dont les vitesses maximales sont sans rapport avec celles qui sont autorisées sur les voies les plus rapides (130 km/h sur les autoroutes). L’homologation de ces véhicules par les services de l’Etat, alors que le risque qu’ils induisaient était documenté, a constitué une erreur grave qui engage la responsabilité des pouvoirs publics. Il est indéfendable d’avoir limité les vitesses maximales des cyclomoteurs, des poids lourds, des tracteurs, pour des raisons de sécurité et de n’avoir pas adopté la même attitude pour les véhicules légers qui produisent le plus grand nombre de décès. Evaluer le risque acceptable est une charge qui incombe aux pouvoirs publics. Ce sont eux qui définissent les règles (y compris par leurs initiatives au niveau européen dans un domaine qui relève maintenant de l’Union) et l’on ne peut sérieusement défendre le développement de véhicules dont les performances sont en contradiction avec la réglementation.

Cette situation incite actuellement des victimes d’accidents et des structures associatives qui les représentent à envisager des actions devant la cour de justice de la république. Leurs arguments sont fondées d’une part sur les procédures qui ont été mises en œuvre dans les procès dits du sang contaminé, d’autre part sur l’évolution des attitudes publiques dans des domaines relevant de la sécurité sanitaire. Les affaires récentes concernant la contamination de poulets par la dioxine, l’éventuelle pollution externe de boites de coca-cola, ou le traitement par les pouvoirs publics du risque lié à l’encéphalite spongiforme bovine ou à la présence de listéria dans des fromages, démontre une réactivité beaucoup plus grande de ces pouvoirs publics au risque couru par des populations dans des domaines où l’Etat exerce un pouvoir réglementaire ou de contrôle. Cette plus grande sensibilité des décideurs et des gestionnaires est liée à l’évolution de l’appréciation de la responsabilité politique et administrative à la suite des différents procès liés à l’affaire dite du sang contaminé. Les procédures les plus importantes n’étant pas achevées, il est difficile de préciser l’étendue de la nouvelle jurisprudence qui établira l’équilibre entre les incertitudes scientifiques des experts, les erreurs ou les fautes qu’ils peuvent commettre, et en aval les décisions administratives et politiques. D’une façon générale il est pratiquement impossible de fixer des limites au principe dit " de précaution " car son application extensive conduirait à cesser toute activité susceptible de présenter un risque. C’est la jurisprudence qui fixera les limites entre le raisonnable et l’excessif dans ce domaine. Il sera cependant impossible de conserver dans ce domaine une hétérogénéité trop grande entre les différents facteurs de risque. Comment imaginer qu’un secteur alimentaire par exemple, soit soumis à des contraintes coûteuses pour des risques sanitaires minimes ou impossibles à évaluer alors que d’autres secteurs industriels pourraient maintenir des risques mortels sans justification d’un service rendu en contrepartie qui le justifierait ?

C’est le système judiciaire qui donnera une réponse à ces questions. Leur judiciarisation est la conséquence inéluctable du retard pris par les décideurs dans l’appréciation de l’évolution de l’opinion publique et du refus de traitement efficace de certaines formes d’insécurité évitables. Ceux qui doutent encore du sérieux de ces procédures doivent lire celles qui concernent le procès des ministres devant la Cour de justice de la République, en particulier le réquisitoire définitif du Procureur général, M. Jean-François Burgelin (qui avait requis le classement de la procédure et qui n’a pas été suivi par la commission d’instruction de la Cour de justice). Ce texte définit avec une grande précision :

Depuis de nombreuses années, je fais partie de ceux qui attirent l’attention des pouvoirs publics sur le risque induit par la mise en circulation de véhicules inutilement rapide. Je vais reproduire sur le site les textes publiés qui établissent le plus explicitement la relation entre vitesse et risque. Ce document est un élément de cette série.