la notion de mort évitée en sécurité routière

14 000  ou 25 000 vies sauvées par la réforme de 2002 ?

Résumé

Au cours des derniers mois, trois évaluations différentes du nombre de vies sauvées par la réforme de 2002 ont été utilisées par les responsables de la politique de sécurité routière. Ces fluctuations (de 14 000 à 23 000) nuisent à leur crédibilité.

J'ai déja publié sur ce site un document sur l'estimation des vies épargnées par les décisions de 2002. Ce nouveau document le complète.

Quand l'insécurité routière était régulièrement croissante (avant la première grande réforme efficace de 1973), les deux valeurs qui s'imposaient étaient le nombre de tués et son accroissement par rapport à l'année précédente. Si l'on souhaitait étendre le bilan à une période plus longue,il suffisait d'ajouter le nombre de morts annuelles des cinq, dix, ou vingt années précédentes pour savoir combien de vies avaient été perdues sur les routes pendant ces années là.

Quand la tendance croissante s'est inversée, cette simple addition a cessé d'avoir un sens. Il fallait envisager une soustraction, mais sa définition implique le choix d'une période de référence pour calculer le nombre de vies sauvées.  plusieurs méthodes sont envisageables en fonction du contexte et de la période à laquelle on souhaite se comparer :

  • nous pouvons considérer qu'en l'absence de décisions politiques efficaces, la mortalité routière ne diminue pas, mais à tendance à s'accroître. C'était la situation que nous connaissions avant 1973. Si une diminution de la mortalité inverse la tendance, il suffit d'ajouter chaque année la différence entre la mortalité de l'année et la mortalité du pic de mortalité le plus élevé (les 17 562 morts des douze mois finissant en juin 1973) pour obtenir le nombre total de vies épargnées.
  • quand nous voulons faire une comparaison avec des années qui se situent dans la période de décroissance postérieure à 1973, il est commode de prendre pour référence les résultats des décideurs précédents, par exemple les résultats du gouvernement Jospin pour calculer les résultats de la politique initiée par le gouvernement Raffarin. La comparaison ne se fait plus par rapport à une valeur fixe qui était le niveau maximal atteint , mais par rapport à une pente moyenne calculée sur plusieurs années, dans l'exemple choisi la réduction moyenne de 0,45% par an du nombre de tués sur les routes entre mai 1997 et mai 2002,
  • si l'on souhaite situer la politique de sécurité routière initiée en 2002 par rapport à l'ensemble des gouvernements qui ont agi pendant la période de décroissance de l'insécurité routière, il faut prendre pour référence les 2,1% de décroissance annuelle moyenne obtenus de 1974 à 2002.

C'est la première de ces méthodes qui a ma préférence, car la décroissance brutale observée en 1973, comme celle obtenue en décembre 2002, ont été produites par des décisions gouvernementales efficaces. Ce n'est pas parce que les pays industrialisés ont tous observés des réductions importantes de la mortalité routière au cours des quarante dernières années que nous pouvons imaginer un progrès général associant des facteurs de nature technique et un progrès du civisme des usagers qui respecteraient mieux les règles. La chronologie des progrès dans ces différents pays, la variation des taux de décroissances de l'accidentalité suivant les décisions prises permettent à la fois :

  • de reconnaître la régularité et l'importance des progrès réalisés au niveau des infrastructures (autoroutes, ronds points...) et des véhicules
  • d'affirmer que le bilan global est avant tout amélioré par les modifications du comportement humain obtenues par des évolutions du code de la route (limitations de vitesse, port obligatoire de la ceinture) et du dispositif de contrôle et de sanction.

Les faits

Le 30 mars 2011, un encart de quatre pages établi par le gouvernement et publié dans plusieurs quotidiens contenait la phrase suivante : "Sur 14 000  vies sauvées depuis 2002, 11 000 l'ont été grâce à l'amélioration des comportements des Français en matière de vitesse au volant".

Le 16 décembre 2010, lors du débat sur la LOPPSI 2, le ministre de l'intérieur Brice Hortefeux disait : "en 2009, il y a eu 4 273 morts sur la route. Il nous faut donc encore progresser. Cependant, en mesurant le chemin parcouru depuis 2002 – il y avait alors 7742 décès – je constate que l’accident n’est pas une fatalité. Et ce sont ainsi au moins 16 000 vies qui ont été épargnées. Chacun doit garder ce chiffre en mémoire, car ces vies ont été épargnées grâce à la politique qui a été engagée et appliquée".

Le 10 février 2011, Brice Hortefeux effectue un déplacement au péage de St Arnould. Le communiqué du ministère de l'intérieur rapporte les propos du ministre : "Il a indiqué que « nous sommes passés, pour la première fois depuis plus d'un demi-siècle, sous la barre des 4 000 morts » et que le nombre de décès sur les routes a été « quasiment divisé par 2 en seulement 9 ans alors qu'il avait fallu 30 ans, de 1972 à 2002, pour le diviser par 2,4 ». Et Brice HORTEFEUX de souligner qu'au total,  depuis 2002, 23 000 vies ont été épargnées et 300 000 hospitalisations ont été évitées."

Alors ? 14 000 ? 16 000 ? 23 000 ? Il faut remarquer que les trois valeurs émanent du gouvernement. Ces annonces de valeurs très différentes dévalorisent la communication sur la sécurité routière. Il semble possible de faire dire n'importe quoi aux données statistiques et de renforcer la confusion très répandue entre l'incertitude sur la connaissance objective d'une donnée et les mauvaises pratiques.

Une notion souvent mal comprise

La notion de mort évitable est symétrique de celle de mort attribuable à un facteur de risque (épidémie de grippe, épisode de canicule). L'évaluation du nombre de morts évitées repose sur la comparaison des résultats avant et après l'apparition d'un risque ou une modification de l'exposition au risque étudié. Dans le domaine de la sécurité routière cette notion est utilisée dans des contextes très différents. Elle peut s'appliquer aux résultats globaux de la politique de sécurité routière d'une période donnée ou, à l'opposé, s'appliquer à l'évolution d'un facteur de risque bien identifié et facile à isoler d'autres facteurs (cette facilité peut n'être qu'apparente).

 L'interaction entre de multiples facteurs d'influence est permanente dans le domaine de la sécurité routière et il faut éviter de disjoindre abusivement le rôle des différents facteurs pour tenter de valoriser une mesure aux dépens des autres. Se donner les moyens statistiques pour apprécier le poids d'un facteur, "toutes choses égales par ailleurs", ne doit pas être un moyen pour convaincre les usagers que l'action sur ce facteur dispense d'agir sur les autres. Le meilleur exemple est celui de l'influence des variations de la vitesse de circulation sur la mortalité routière. Pourquoi la mortalité routière s'est elle stabilisée pendant la période 1997/2002 ? Parce que les vitesses de circulation n'ont pas été réduites par un dispositif de contrôle et de sanction efficace. Réduire la vitesse accroit l'efficacité d'une ceinture de sécurité, des air bags, des améliorations de la structure des véhicules, des ronds points ou des glissières de sécurité. Cette modification est même capable de réduire la mortalité par accident sous influence de l'alcool, sans que l'alcoolisation des usagers se réduise, nous en avons la preuve. Il faut donc toujours avoir à l'esprit qu'un système ne se comprend qu'en associant les analyses de tous les facteurs d'influence qui se combinent entre eux. Si les autres facteurs d'insécurité sont stables, l'action sur la vitesse aura une efficacité considérable car elle agit sur pratiquement tous les facteurs de risque, comme sur les facteurs de protection.

L'évolution de la mortalité pendant la période mai 2002/février 2011

Les dénombrements de la mortalité routière sont incontestables. Deux sources indépendantes, d'une part les gendarmes et les policiers qui constatent les accidents et d'autre part les médecins qui signent des certificats de décès qui seront ensuite traités statistiquement par l'INSERM, produisent des résultats concordants à quelques dizaines d'unités près chaque année.

Si nous voulons comparer deux périodes, la forme la plus extrême de la méfiance statistique consiste à se limiter aux aspects descriptifs, sans prendre parti sur les causes. Si l'on souhaite comparer les effets des politiques de sécurité routière de gouvernements successifs, la première étape est la description de l'évolution de la mortalité routière pendant la période ou un Premier ministre a exercé ses fonctions. Les changements de Premier ministre s'étant souvent effectués au milieu du mois de mai, à l'exception de la prise de fonctions de de Villepin le 31 mai 2005, il est commode de prendre en compte des "mois communs" de valeurs glissantes annuelles. Cette facilité introduit une inexactitude minime et elle permet d'avoir le même nombre pour le début d'un mandat et la fin du précédent :

  • la mortalité des douze mois se terminant fin mai 1997 s'est élevée à 8 561 tués (mortalité recalculée au 30ème jour après l'accident avec le coefficient de 1,069 par rapport à la mortalité à 6 jours). Cette valeur annuelle glissante était de 8 368 en mai 2002 (. La diminution de la mortalité routière pendant les cinq années du gouvernement Jospin a donc été de 193 (2,25 %), soit un taux de réduction annuel moyen de 0,45 % et une réduction mensuelle moyenne du nombre de tués de 3,2
  • la mortalité pendant les 36 mois des trois gouvernements Raffarin (mai 2002/mai 2005) est passée de 8 368 à 5 504 (- 2864) soit une réduction de 34,23 %. Le taux de réduction annuel a été de 11,41 % et la réduction mensuelle moyenne du nombre de tués de 79,55
  • la mortalité pendant les 24 mois du gouvernement de Villepin est passée de 5 504 tués à 4 824 (- 680) soit une réduction de 12,35 %. Le taux de réduction annuel a été de 6,18 % et le nombre moyen de tués par mois s'est réduit de 28,3
  • la mortalité pendant les 58 mois des 4 gouvernements Fillon est passée de 4 824 tués à 4 072 en février 2011 (- 752) soit une réduction de 15,59 %. Le taux de réduction annuel a été de 3,23 % et la réduction mensuelle du nombre de tués de 12,97.

évolution de la mortalité par gouvernement

Passer de la description à l'attribution d'une différence de mortalité à un activisme ou à une passivité politique est un problème d'une autre nature. Un gouvernement peut préparer des mesures qui "bénéficieront" au gouvernement suivant. Il faut cependant remarquer :

  • que les quatre périodes décrites ci-dessus sont relativement longues, un gouvernement a pu les marquer de sa volonté d'agir dans ce domaine, de la pertinence de ses choix et de la qualité de la mise en oeuvre des mesures retenues
  • que le choix de Jacques Chirac faisant de la lutte contre l'insécurité routière une priorité a été annoncé dès le 14 juillet 2002 et son contenu établi au cours des 5 mois suivants. Les décisions initiées en décembre 2002 (notamment par la fin des "indulgences" dont l'importance a été constamment sous estimée par les commentateurs des succès de 2002/2003) ont eu un effet très important d'un mois sur l'autre. Cette transformation brutale des résultats ne peut être attribué à des effets tels que les progrès des véhicules ou des infrastructures qui agissent sur le long terme. Les effets à court terme passent par des modifications des comportements humains, soit dans le domaine de la sécurité secondaire (port obligatoire de la ceinture de sécurité ou du casque), soit dans celui de la sécurité primaire (instauration de limitations de vitesse, valorisation du permis à points par la fin des tolérances sur les excès de vitesse et la fin des indulgences).
  • que des indicateurs intermédiaires peuvent objectiver l'efficacité d'une action politique, la baisse des vitesses de circulation décrites par l'observatoire des vitesses fait partie de ce type d'argument.

La difficulté est de dissocier les effets d'une politique mise en oeuvre à un moment donné de ceux attribuables à des facteurs  associés agissant sur le long terme. C'est le problème posé par l'interprétation de la période récente (1997-2011). Faut-il attribuer une part de la division par deux de la mortalité débutant à la fin 2002 à des effets autres que ceux des décisions politiques qui ont été prises ?

Un argument souvent entendu est que tous les pays industrialisés ont observé une diminution importante de leur mortalité routière au cours des quarante dernières années, qu'elle soit exprimée au kilomètre parcouru ou par un taux de mortalité par habitant. Cette évolution favorable serait avant tout le produit de l'amélioration des véhicules, des infrastructures et des comportements individuels, sans que ces derniers soient obligatoirement liés à des actions politiques et au dispositif de contrôle et de sanctions. C'est une interprétation "progressiste" et optimiste, tout deviendrait meilleur, le conducteur, son outil et son environnement. Elle est en contradiction complète avec ce qui a été observé en France depuis 1973. Nous avons connu deux modifications majeures de l'accidentalité, elles ont été brutales et provoquées par des décisions réglementaires (1973) ou par des modifications de la crédibilité du dispositif de contrôle et de sanctions (2002/2003). Elles n'excluent pas la coexistence avec un ensemble de facteurs agissant en sens contraire susceptibles de se neutraliser :

  • des facteurs d'aggravation du nombre de tués (augmentation du kilométrage parcouru jusqu'en 2002, véhicules de plus en plus rapides, second développement de l'usage de la moto depuis 1998)
  • des facteurs très divers améliorant la protection (développement des ronds-points, transfert d'une partie du trafic sur les autoroutes, meilleure sécurité secondaire des véhicules, développement de correcteurs électroniques de trajectoire, accroissement du prix du carburant).

La période 1997/2002 est particulièrement intéressante car elle documente la possibilité d'une période longue sans progrès important, mais permettant d'identifier l'intervention de facteurs capables de modifier l'accidentalité sur des périodes plus courtes. L'absence de progrès sur les 5 ans (réduction de 2,2% de la mortalité) ne doit pas laisser imaginer l'absence de fluctuations au cours de cette législature. Il est possible de constater que le résultat final a été  obtenu au terme de trois périodes nettement différenciées :

  • une détérioration initiale allant de mai 1997 à janvier 1999, caractérisée par le passage de 8 561 à 9 029 du nombre de tués (+ 468, soit + 5,35%).
  • une amélioration pendant toute l'année 1999, se prolongeant jusqu'en mai 2001 avec un point bas à 7 998 tués (- 1031 soit - 11,42%)
  •  une nouvelle aggravation faisant remonter la mortalité à 8 368 en mai 2002 (+ 370 soit +4,63 %).

Cette évolution suit assez fidèlement le prix du carburant qui a diminué de mai 1997 à janvier 1999, puis a remonté jusqu'en mai 2001 avant de redescendre vers un point bas en février 2002. Ces variations se sont accompagnées d'une évolution des indices de circulation témoignant de l'influence du prix du carburant sur les kilomètres parcourus.  Le second facteur capable d'influer sur la sécurité routière a été l'adoption de la loi Gayssot sur les grands excès de vitesse en juin 1999.

Ma conclusion sur cette période est qu'elle a été peu influencée par les politiques. Le prix du carburant apparaît comme le facteur d'influence le mieux lié aux évolutions de la mortalité sur les routes.

A partir de ces constatations, comment évaluer le nombre de vies épargnées par les réformes de 2002/2003 ?

  • La méthode la plus simple consiste à affirmer que les variations importantes et se manifestant dans des délais courts après des décisions politiques reconnues comme pertinentes et correctement mises en oeuvre, peuvent être attribuées à ces décisions. En l'absence de décisions efficaces, l'hypothèse d'une poursuite de la tendance de la période qui a précédé  est acceptable.
  • si la réduction de 0,45 % par an de la mortalité observée de 1997 à 2002 s'était prolongée jusqu'au mois de février 2011, la mortalité de février 2011 en valeur glissante des 12 derniers mois aurait été de 8041 tués, soit une réduction de 327 représentant en proportion une différence de - 3,9 %.  La valeur observée de 4072 représente une différence de - 51,3 %.
  • Comparer l'évolution observée depuis 2002 à celle de la période 1973/2002, 1973 ayant marqué le début d'une période particulièrement active de gestion politique de l'insécurité routière. Une telle comparaison n'a pas à mes yeux une signification particulière, car elle associe l'effet de décisions politiques très nombreuses et très différentes à une croissance importance des kilomètres parcourus, ce qui n'est pas le cas de la période récente qui a connu une croissance minime de la circulation et un nombre relativement réduit de décisions importantes (pas de modification des vitesses maximales, action sur le dispositif de contrôle et de sanctions).

Les résultats des trois comparaisons envisageables sont les suivants :

  • si la mortalité n'avait pas évoluée, les 8 368 tués en valeur annuelle glissante de mai 2002 auraient produit une mortalité cumulée pendant 8 ans et 10 mois de 73 917. La mortalité observée a été de 44 764  tués, soit une différence de 29 153 qui est à mes yeux le nombre de vies épargnées depuis mai 2002.
  • si la mortalité avait décru avec la même pente que celle observée de 1997 à 2002 (0,45 % par an), la valeur glissante annuelle aurait été abaissée de 8 368 à 8 041 et il est possible de calculer l'influence de cette différence sur la mortalité cumulée. Cette dernière aurait été abaissée de 73 917 à 72 461 et la différence entre cette réduction faible et celle qui a été observée s'élève à 27 697. La différence est minime par rapport aux 29 153 vies sauvées obtenues avec la méthode précédente, car la réduction mensuelle du nombre de tués n'aurait été que de 3,18 tués par mois en moins en début de période (juin 2002) et 3,057 en fin de période (février 2011).
  • si la mortalité s'était réduite avec une pente de 2,1% par an comme pendant la période 1973/2001, la valeur glissante annuelle aurait été abaissée de 8 368 à 6948 et la mortalité cumulée se serait abaissée de 22 687.

L'attribution de 11 000 de ces vies sauvées à "l'amélioration des comportement des Français en matière de vitesse au volant"

La phrase : " sur 14 000 vies sauvées depuis 2002, 11 000 l'ont été  associe deux notions très différentes :

  • une indication quantifiée précise
  • une explication imprécise

Nous avons vu que le nombre de 14 000 vies sauvées est dépourvu de signification en l'absence de période de référence. La situation est identique pour les 11 000 vies sauvées attribuées aux modifications de la vitesse de circulation des usagers.

Tous les accidents sont liés à la vitesse. Pour que l'attribution d'une fraction des accidents à la vitesse soit acceptable, il faut savoir de quelle vitesse on parle et utiliser une méthode d'évaluation adaptée à ce critère. Les bulletins d'analyse des accidents établis par les gendarmes et les policiers ne permettent de définir avec précision une vitesse de circulation qui permettrait de retenir l'excès de vitesse par rapport à celle qui est autorisée à l'endroit de l'accident. Ce sont seulement les grands excès de vitesse qui ont des caractéristiques évidentes permettant d'attribuer l'accident à un excès de vitesse. Etablir avec précision une vitesse de circulation est un travail de spécialiste utilisant des logiciels spécialisés et des données sur les structures des véhicules et leurs déformations en cas de chocs. Fréquemment, les personnes qui établissent le procès verbal de l'accident ne peuvent retenir que la notion de "défaut de maîtrise du véhicule" qui ne fait pas référence à la vitesse autorisée.

Une méthode indirecte peut utiliser des modèles établis lors d'études accidentologiques de séries d'accidents établissant la relation entre des variations de vitesses moyennes de circulation et le risque d'accident mortel. La relation la plus couramment admise est celle proposée par Nilsson en 1982. La variation de mortalité est proportionnelle à la relation entre les vitesses moyennes comparées portées à la puissance 4. L'expression simplifiée pour de faibles différences de vitesse indique une réduction de 4% de la mortalité quand la vitesse moyenne est réduite de 1%. Nous disposons en France d'une connaissance de la vitesse moyenne des voitures légères faisant la synthèse des différents réseaux. Elle s'est abaissée de 90,5 à 79,3 km/h entre la fin 2001 et la fin 2010. Le rapport entre 79,3 et 90,5 est de 0,8762, soit 0,5894 si ce rapport est élevé à la puissance 4. L'application de cette proportion (multiplication par 0,59 soit une réduction de 41%) pourrait être utilisée pour évaluer le gain en vies humaines dans les voitures légères entre 2001 et 2010. Il est discutable de l'appliquer à l'ensemble des accidents, notamment aux accidents de motos. De toutes façons, la méthode ne produit pas cette valeur de  11 000 vies sauvées "grâce  à l'amélioration des comportements des Français en matière de vitesse au volant".

Conclusions

Une communication honnête et utile doit être fondée sur une réalité précise commentée avec sincérité. Ces caractéristiques la distinguent de la publicité qui est fondée sur la séduction. Les quatre pages établies par le gouvernement sur le rôle de la vitesse dans la mortalité routière constituent une première étape importante vers la mise à disposition du public d'une information visant à rappeler les faits établis et luttant contre la désinformation.

Il fallait cependant éviter des erreurs qui réduisent la crédibilité de l'ensemble du texte. Le but de mon analyse est de contribuer à un meilleur usage de la notion de "vies sauvées". Ce concept ne doit pas avoir une géométrie variable. Il doit être expliqué et fondé sur des méthodes mises à la disposition du lecteur. Cela pouvait être fait dans le cadre de ces quatre pages.