évolution de la mortalité sur les autoroutes en 2005

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Interprétation de la hausse de la mortalité sur les autoroutes en 2005.

Airy Routier écrit que : « Personne ne nous dit que le nombre de morts sur autoroute a augmenté de 16,7% en 2005, alors même qu’y diminuait la vitesse moyenne, ce qui laisse à penser que le strict respect de la limitation de vitesse a eu pour contrepartie une baisse de la vigilance chez certains, tandis que d’autres gardent en permanence un œil sur leur compteur au lieu de surveiller leur environnement »(FSP p.10).
Il revient sur ce sujet à la page 60 de son livre, dans une note particulièrement importante car elle accumule les précisions, en omettant celles qui permettraient d’interpréter correctement les faits.
« La vitesse moyenne sur autoroute n’a cessé de baisser depuis 2002 (131 km/h en 2002, 123 en 2003, 121 en 2004, 120 km/h en 2005), pour remonter un peu en 2006 (123 km/h). Or le nombre de tués sur autoroute a augmenté de 16,7% en 2005, l’année où la vitesse moyenne était la plus basse ! 30% des accidents mortels seraient dus à l’assoupissement »

Ces deux  passages de quelques lignes est un témoignage très explicite de détournement du bon usage du raisonnement et des méthodes quantifiées d’expression des résultats.
Il faut distinguer dans ce paragraphe :

L’extraction à partir d’un ensemble de données concernant l’évolution de la mortalité sur autoroutes depuis la réforme de la politique de sécurité routière en 2002 de la seule année pendant laquelle les résultats ont été moins bons que l’année précédente, tout en étant bien meilleurs que ceux observés avant cette réforme.

Un mensonge par omission, le résultat indiqué ne concerne pas l’ensemble des autoroutes, mais le seul réseau des autoroutes de liaison. Si l’on prend l’ensemble des autoroutes, l’accroissement de la mortalité de 2005 n’a pas été de 16.7% mais de 0,6%

Les hypothèses formulées pour expliquer cette dégradation, d’une part la baisse de la vigilance et d’autre part le fait d’être moins attentif parce qu’il faut regarder son compteur au lieu de regarder la route.
« Le personne ne nous dit »si apprécié d’Airy Routier peut être apprécié à sa juste valeur si l’on imagine :

Que la variation de 16,7% qu’il nous cite est extraite des textes et tableaux produits par l’Observatoire national interministériel de sécurité routière sous la responsabilité de Jean Chapelon, dont il nous dit (FSP p.40) que « cet excellent fonctionnaire, digne de Courteline, reconnaît avoir multiplié par vingt sa production de papier, mieux il s’en félicite ».

Que dans la dite production, il avait une bonne piste pour l’explication de la discordance entre la variation de la vitesse moyenne et la variation de la mortalité (voir ci-dessous).

Le graphique ci-dessous exploite les données de l’ONISR. Les tables correspondantes sont produites dans le document : Donisrtuesautoroutes.pdf

évolution de la mortalité sur les autoroutes

Nous pouvons donc observer que la mortalité sur les autoroutes était proche de 500 tués par an de 2000 à 2002, elle s’est abaissée aux environs de 320 en 2004 et 2005 puis au dessous de 300 en 2006. Sur la période 2002/2007, la réduction de la mortalité sur l’ensemble des deux réseaux autoroutiers a été de 48,2%, avec une très faible différence entre les autoroutes de liaison et de dégagement (47,6% et 49,4%).
Ce constat sur une série de valeurs a un sens très différent de « l’extraction sélective » d’un résultat en apparence défavorable à l’existence d’un lien entre vitesse moyenne et mortalité. Il faut apprécier cette discordance observée sur les autoroutes de liaison en fonction de plusieurs notions :

Les valeurs absolues sont relativement faibles, les 16.7% d’augmentation correspondent à 32 tués en plus, les variations aléatoires sont plus importantes avec de faibles effectifs,

La vitesse moyenne de circulation est un très bon indicateur du niveau de risque sur des séries importantes et suivies, elle n’est pas le seul facteur déterminant le niveau de risque. Il est possible d’avoir simultanément une diminution de la vitesse moyenne et un accroissement de la proportion de conducteurs roulant à une vitesse dépassant nettement la vitesse maximale autorisée. C’est cette discordance qui a été observé dans les résultats de l’observatoire de vitesse, publiés dans le bilan annuel de l’ONISR dans lequel Airy Routier a été extraire le résultat qui semblait venir à l’appui de sa manipulation des données (page 142 du bilan de l’ONISR). DevolvitesseARO2005.pdf. Le graphique situé en haut et à droite de la page reproduite (% de dépassement de la vitesse limite) met en évidence un accroissement de la proportion en 2005 par rapport à 2004 sur les autoroutes de liaison (tirets et triangles). Ce réseau est le seul sur lequel un accroissement a été observé.

L’hypothèse de la perte de vigilance associée à un détournement de l’attention des automobilistes par l’obsession de la vérification de leur vitesse sur leur compteur fait partie des thèses récurrentes de ceux qui souhaitent une augmentation des vitesses maximales autorisées sur les autoroutes. Si cette hypothèse était vraie, la réduction de la vitesse moyenne de circulation sur les autoroutes françaises depuis 2002 aurait du accroître la mortalité, or elle a été divisée par deux. Ce problème est analysé dans le livre « La violence routière – des mensonges qui tuent » page 124 en commentaire d’un article d’un journaliste du Figaro, Jacques Chevalier.

« L’autre démarche classique d’inversion de la réalité des faits utilisée par Jacques Chevalier concerne le risque d’accident par inattention provoqué par le respect de la vitesse maximale : “ Pourquoi les automobilistes roulent-ils 20 ou 30 km/h au-dessus de la limite ? ” Ce serait parce que : “ redescendre au-dessous de 130 km/h c’est observer son compteur pour rouler à une allure antinaturelle, anesthésiante ”. Cet argument a été également utilisé par le ministre italien des Transports Pietro Lunardi, pour justifier l’accroissement à 150 km/h de la vitesse sur certaines autoroutes à trois voies : “ La vitesse cause moins d’accidents dus à la distraction. Aller vite éveille l’esprit. Cela empêche de s’endormir. J’aime moi-même aller à une vitesse soutenue ”. Avec 5,57 tués par milliard de kilomètres parcourus, l’Italie a actuellement une mortalité sur ses autoroutes plus de deux fois supérieure à celle de la France. Heureusement, les sociétés d'autoroutes italiennes n'ont jamais utilisé la possibilité d'accroître la vitesse maximale sur certains secteurs autoroutiers comme le permettait la décision de Pietro Lunardi.

Une analyse récente de la mortalité par hypovigilance pendant la période d’effondrement de la mortalité globale sur les autoroutes a été réalisée par l’ASFA (Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes et d’ouvrages à péage). Ses résultats contredisent l’hypothèse de l’augmentation des accidents par trouble de la vigilance après la réduction des vitesses de circulation obtenues en 2003/2004. (DaccidentsAROhypovigilance.pdf). Leur taux est demeuré stable entre 33% et 36% des accidents mortels (36% en 2001, 34% en 2002, 33% en 2003 et 35% en 2004). L’hypothèse la plus vraisemblable est que ces causes d’accidents sur lesquelles le système de contrôle et de sanction n’a aucune prise ont été peu influencées par les réformes de 2002, mais que le ralentissement des vitesses de circulation a rendu leurs conséquences moins dangereuses, réduisant la mortalité que l’on peut leur attribuer dans les mêmes proportions que la mortalité globale. Le même phénomène a été constaté pour les accidents mortels liés à l’alcool pendant la période de division par deux de la mortalité. La proportion d’accidents mortels avec une alcoolémie d’un des impliqués à un taux illicite est stable en pourcentage, mais le nombre d’accidents de ce type a été divisé par deux, comme la mortalité de l’ensemble des usagers. Autrement dit les usagers n’ont pas modifié leur comportement vis-à-vis de l’alcool, mais les conséquences ont été réduites par la diminution des vitesses de circulation.

Commentaires :
Les deux paragraphes du livre d’Airy Routier analysées ci-dessus illustrent la différence entre des erreurs involontaires et une manipulation construite. L’erreur involontaire est un fait isolé. La manipulation est une procédure complexe destinée à convaincre en utilisant un raisonnement invalide dont l’analyse ne trompe pas. Extraire un accroissement de 32 tués sur les autoroutes de liaison en 2005 par rapport à 2004 en l’exprimant sous la seule forme d’un pourcentage (+ 16,7 %) sans préciser que la réduction a été d’environ 200 tués sur l’ensemble des réseaux routiers pendant les quatre années qui ont suivi les réformes de 2002 est une pratique contraire aux bonnes pratiques épidémiologiques les plus fondamentales.

Ce détournement des faits à associé :