argumentaire de la lcvr sur la récupération des points

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Ligue contre la violence routière

3 juillet 06

Commentaires sur le projet de facilitation de la récupération d’un nouveau permis après annulation du permis en cours par perte de tous les points

Après avoir consulté les experts et quelques membres du CNSR, nous avons mis au point l’argumentaire suivant :

Les arguments les plus importants

Une procédure dissuasive ne permet pas d’avoir simultanément un effet et son contraire. Le permis à points a été conçu pour permettre une meilleure application des sanctions prévues en cas de délits ou de contraventions routières. C’est la répétition des infractions qui conduit à la perte du permis, et compte tenu du nombre de points et des conditions des pertes de points, il faut véritablement être un habitué des infractions au code de la route pour perdre son permis, d’autant qu’un stage de 2 jours permet de récupérer facilement 4 points. Une fraction importante des usagers commet épisodiquement des infractions, le conducteur parfait étant une exception. Après chaque retrait de points ces inattentifs ou ces conducteurs qui aiment aller vite font plus attention, bénéficient éventuellement d’un stage de récupération et continuent de conduire « normalement ». Le système a simplement stimulé leur souci de respecter les règles, c’est l’objectif recherché.

9 conducteurs sur 10 ont tous leurs points, moins de 2 sur mille ont vu leur permis annulé en 2005 par épuisement de leur stock de points. Ces nombres permettent de comprendre ce que serait l'effet de cette mesure sur la population non concernée, soit la quasi-totalité des gens. Cette majorité qui a développé depuis 4 ans son souci de respecter les règles ne sait pas qu'il faut six mois avant de récupérer le permis annulé ! En le découvrant la seule chose qu'elle retiendra est que le gouvernement devient plus clément, et que l’on peut « y aller », accélérer un peu plus, téléphoner au volant un peu plus, etc. Le message global va bien au-delà du petit message archi technique à destination de quelques personnes qui à la fois perdraient tous leurs points ET voudraient rouler sans permis pour l'unique raison qu'ils ne veulent pas attendre six mois. C'est ce message global qui est pernicieux, et c'est lui bien sûr qui intéresse Perben: il fait semblant de s'adresser à quelques-uns, mais il s'adresse à tous.

Personne n’est capable au ministère de nous donner la proportion d’usagers conduisant sans permis par épuisement du nombre de points. Présenter une telle mesure sans avoir ces données est une forme d’incompétence. Les données disponibles semblent indiquer que la majorité des usagers conduisant sans permis ne l’ont pas passé, ou ont perdu pour plusieurs années le droit de le repasser à la suite d’une infraction grave avec accident. Rappelons que la durée de l’interdiction de redemander un nouveau permis est doublée en cas de délit de fuite ou de conduite sous l’influence de l’alcool ou de récidive. L’interdiction peut aller jusqu’à 8 ans.

S’inquiéter du nombre de conducteurs sans permis après annulation est un argument à la fois inexact et relevant d’une logique absurde :

L’article L 223-5 du code de la route dit que l’usager qui a perdu la totalité des points et donc le droit de conduire un véhicule « ne peut solliciter un nouveau permis de conduire avant l’expiration d’un délai de six mois ». Ce texte étant dans la partie législative du code il faut un vote du Parlement pour le modifier. Si le débat venait devant le Parlement nous produirons des données concernant la proportion de conducteurs sans permis par perte de points supérieure à 12. Effectuer ce travail dans un délai de deux mois est possible et le résultat démontrera que l’argument de la conduite sans permis de tels conducteurs est négligeable et que le Ministre de l’Equipement a fait une proposition sans faire l’étude indispensable pour la fonder. Sa motivation est donc purement politique, sans avoir consulté les experts ni le CNSR. Quand on veut prendre une décision inappropriée, il faut bien entendu éviter de consulter ceux qui connaissent le problème.

La crainte des délits associés, notamment de l’attribution de la faute à un proche qui ne conduit plus et a ses 12 points fait également partie de cette logique de protection des plus asociaux, alors que ce sont ces usagers qui sont les plus dangereux sur les routes. Il est facile de dépister ces fraudes avec des méthodes de sélection sur des critères épidémiologiques. Quand un homme adulte est propriétaire d’un véhicule, proche de la perte de tous ses points et qu’il signale une femme ou un homme âgé qui a tous ses points comme responsable de l’excès de vitesse, une enquête d’une grande simplicité peut le confondre et permettre d’appliquer les sanctions très sévères prévues pour ces fausses déclarations. Il serait plus utile d’annoncer lors du CISR le développement de ce type de dépistage que d’affaiblir le dispositif.

Affirmer que les autres mesures accompagnant l’annulation du permis seront toujours là pour assurer la dissuasion est ridicule, oser mettre en avant la nécessité d’un examen médical et le fait que l’on récupère un permis probatoire est une provocation plutôt qu’une absence de bon sens. Il n’y a pas de commune mesure entre le fait de ne pas pouvoir conduire pendant 6 mois et ces contraintes qui existent déjà. En outre la dissuasion liée à l’attribution d’un permis probatoire est également affaiblie si l’on récupère plus facilement un permis supprimé. La mesure affaiblira à la fois la dissuasion concernant le permis normal et celle concernant le permis probatoire. Actuellement, dans les deux cas, l’usager est incité à respecter les règles par le risque de perdre son permis pour une durée qui est raisonnable : six mois.

Si vous avez un doute sur le caractère dangereux de cette mesure, faites un test très simple en répondant à la question suivante :

La réduction du délai de 6 mois entre l’annulation de son permis par perte de tous les points et la possibilité d’en demander un autre est une mesure qui :

Le fait que ce test élémentaire n’est pas utilisé dans l’argumentaire de ceux qui préconisent la mesure permet de les classer dans les politiquement malfaisants, la caractéristique de ce comportement étant de mettre en avant des arguments qui ne sont pas ceux qui sont réellement à l’origine de la décision envisagée. Il serait difficile de dire, « nous avons peur de perdre des électeurs avec la pression exercée sur les usagers pour leur faire respecter les règles, nous allons lever le pied pendant la période qui précède les élections de 2007 ».

Rappel de quelques données statistiques

Données concernant le permis à points :

Les aspects plus généraux de cette erreur majeure