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Octobre 2000
La rentrée est marquée par une accentuation des contradictions qui dominent le dossier de la sécurité routière et plus généralement de la sécurité sanitaire. Peut-on accorder et comment les quatre notions suivantes ?
Voici la distribution de l'offre des constructeurs français et allemands à la rentrée 2000 (véhicules à essence et diesel, il s'agit de toutes les combinaisons de modèles et de motorisations):
Les partenaires de cette situation semblent accepter ces contradictions et vouloir continuer à faire coexister des logiques différentes et incompatibles. La facilité et le court terme prennent le pas sur le "raisonnable" et le long terme, ce qui n'est pas une nouveauté dans l'action politique, mais cette priorité à la facilité a rarement atteint un tel niveau d'incohérence.
En 1988, le livre blanc de sécurité routière (rapport commandé par le Premier ministre, Michel Rocard, et publié à la documentation française) avait reproduit un document indiquant les proportions de véhicules commercialisés en France (par année de première immatriculation) en fonction de la vitesse maximale qu'ils pouvaient atteindre. Le tableau était le suivant :
vitesse maximale | 90/110 Km/h | 111/130 Km/h | 131/150 Km/h | + de 150 Km/h |
1987 | 4% | 23% | 73% | |
1980 | 18% | 32% | 50% | |
1972 | 13% | 19% | 47% | 21% |
1967 | 28% | 29% | 33% | 10% |
Actualiser le tableau en 2000 est facile, parmi les 223 combinaisons de modèles et de motorisations offertes, il n'y a plus de modèle de voiture à essence chez les trois grands constructeurs français qui ne puisse atteindre 150 Km/h, à l'exception de cinq véhicules très orientés vers le "transport léger" que la motorisation la plus basse propulse cependant à plus de 140 km/h (3 Kangoo, 1 Partner et 1 Berlingo) , 55 véhicules peuvent dépasser 200 Km/h. 100 ont un poids dépassant 1250 kg à vide (à titre d'exemple un break 405 produit il y a dix ans pesait 1065 kilos à vide). Après une pause transitoire, la reprise économique a relancé la course à la puissance, malgré le prix élevé des carburants et la perspective d'avoir à respecter les engagements rappelés ci-dessus, tant au niveau mondial qu'européen.
Il faut savoir que malgré les progrès réalisés dans le rendement des moteurs, notamment des diesels, la consommation pour des véhicules légers qui ont des Cx comparables (je ne parle pas des 4x4 qui constituent une absurdité économique dans l'usage qui en est fait) dépend principalement du poids et de la puissance maximale du moteur. Une "Saxo" diesel de 910 kilos consomme 6,9 litres au 100 km en ville, la plus puissante des Xm (V6 de 3 litres de cylindrée d'un poids de 1591 kilos) 18 litres en ville. Les consommations respectives sur route sont de 4,3 et 8,4 litres. Je pourrais prendre des exemples comparables dans la gamme Renault, en comparant une "Clio" diesel (1020 kg, 6,7 litres en ville, 4,3 sur route) et une "Laguna" V6 de 3 litres (1415 kilos, 17,1 litres en ville et 8,3 sur route), ou dans la gamme Peugeot avec la 206 diesel (1070 kg, 6,6 litres en ville et 4,1 sur route) et la 607 V6 de 3 litres (1580 kg, 14,4 litres en ville et 7,8 sur route). Si l'on veut prendre en compte les caractéristiques de véhicules dont les volumes utiles sont plus proches, il est intéressant de comparer aux véhicules les plus lourds et les plus puissants cités ci-dessus un break 306 diesel Hdi qui pèse 1200 kg et a une consommation de 6,9 litres en cycle urbain et 4,3 litres sur route. Dans la gamme des modèles offerts il est assez facile de tracer la frontière entre l'acceptable et le déraisonnable.
A la contradiction entre l'exigence de réduction de la consommation de combustibles fossiles, productrice de dioxyde de carbone, et ces puissances inutiles, s'ajoute le risque pour la sécurité routière, longuement développé sur ce site à partir des données des assureurs. Le danger inacceptable, qui est le dommage corporel provoqué chez des tiers s'accroît rapidement avec la puissance et le poids des véhicules. Si l'on veut améliorer la compatibilité des véhicules et continuer à faire des petites voitures sûres, il faut renoncer aux véhicules dangereusement lourds. Si les poids lourds sont limités en vitesse, c'est bien pour des problèmes d'énergie cinétique et de risque de dommages pour les véhicules légers en cas de collision. Il n'y a aucune raison de ne pas appliquer ce raisonnement aux voitures dépassant 1250 kilos et aux véhicules utilitaires approchant souvent 2 tonnes, dont la puissance a crû dans des proportions importantes au cours des dernières années.
Le seul moyen d'agir sur ces dérives est d'avoir une dissuasion fiscale qui repose directement sur le rapport poids/puissance. Elle doit être mise en oeuvre progressivement, mais son calendrier doit être défini rapidement si l'on veut à la fois que l'industrie puisse s'adapter et remplir ses engagements au niveau de l'Union et que les usagers ou les entreprises sachent à quoi s'en tenir et puissent planifier le renouvellement de leurs véhicules. Il faut promouvoir des voitures agréables à vivre, d'un poids compris entre 900 et 1250 kilos, d'une puissance maximale nettement plus faible que celle des véhicules actuels et consommant peu, que ce soit avec des diesels modernes ou avec les nouvelles combinaisons de motorisation, peu polluantes et économes d'énergie, qui émergent actuellement. On peut rêver d'un gouvernement "responsable" qui programmerait une nouvelle vignette gratuite pour les véhicules ayant au moins 15 kg par cheval, et se situant dans une fourchette de masse délimitée. Sa valeur serait rapidement croissante d'année en année, en fonction du poids et de la puissance, pour atteindre plusieurs dizaines de milliers de francs par an en cinq ans pour des véhicules déplaçant moins de 10 kg par cheval et dont le poids serait excessif et dangereux.
On ne peut vouloir disposer d'un véhicule lourd, puissant, inutilement rapide et polluant, avoir des carburants bon marché, respecter nos engagements sur la production de dioxyde de carbone et prétendre agir pour accroître la sécurité routière. Il faudra bien, tôt ou tard, limiter la vitesse des véhicules à la construction, utiliser des enregistreurs pour faire respecter les règles, améliorer la compatibilité des véhicules et diminuer la pression sur le marché des carburants par notre aptitude à réduire notre consommation globale d'énergie. Il ne s'agit pas de mesures applicables immédiatement, mais ne pas les planifier, les annoncer et les expliquer serait une forme grave d'irresponsabilité.