avril 2002

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Elections et sécurité routière

Il n'y aura pas d'amnistie des fautes de conduite en 2002.
Il y a six mois cette affirmation faisait sourire. Une amnistie a constamment suivi l'élection présidentielle au suffrage universel et même si son étendue s'est progressivement rétrécie depuis l'instauration de cette pratique curieuse, peu de gens croyaient que les fautes de conduite seraient exclues de son champ. Une décision exceptionnelle marquant une volonté de réconciliation nationale à la fin d'une période difficile pour la république s'était transformée en une routine de suppression des conséquences pénales d'un nombre important de fautes, permettant d'anticiper la mesure et donc de réduire la capacité de dissuasion de la loi. Nous avons maintenant une réponse précise de tous les candidats à l'élection, les dernières précisions ayant été apportées par les deux principaux d'entre eux.

Quand Jacques Chirac a reçu un certain nombre d'acteurs de la sécurité routière le 8 octobre dernier, ses propos indiquaient nettement la volonté de prolonger cette pratique en cas de réélection, en excluant simplement les fautes les plus graves "susceptibles de mettre en danger la vie d'autrui". Cette formulation était imprécise car le délit de mise en danger de la vie d'autrui était déjà exclu de l'amnistie de 1995 qui avait cependant concerné par exemple des excès de vitesse jusqu'à 40 km/h. Il était nécessaire de préciser le sens de l'expression. Je viens de recevoir la réponse suivante , également adressée aux autres intervenants dans ce débat. Elle n'est pas seulement symbolique, elle témoigne d'une évolution de la société et de ses représentants face à une incitation délibérée à la transgression des règles.

Paris le 2 avril 2002

Monsieur le Professeur,

Vous m'avez fait part de vos inquiétudes quant aux conséquences sur la sécurité routière de l'anticipation de la loi d'amnistie qui suit traditionnellement les élections présidentielles.

Dès le 8 octobre 2001, je me suis prononcé fermement contre toute amnistie des infractions susceptibles de mettre en danger la vie d'autrui

Je tiens à vous préciser que naturellement cela signifie que j'écarte de l'amnistie toutes les infractions au code de la route à l'exclusion des infractions au stationnement non dangereux. Je veillerai à ce que la loi d'amnistie soit conforme à cette exigence.

Je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Jacques CHIRAC

La formulation adoptée par Lionel Jospin est un peu différente :

"L'amnistie succédant à chaque élection présidentielle s'inscrit dans une tradition que je n'entends pas remettre en cause. Mais il faut veiller à ce qu'elle n'encourage pas les comportements dangereux et irréfléchis, en particulier en matière de sécurité routière.
Si je suis élu, je demanderai au gouvernement de préparer la loi d'amnistie en veillant à l'impératif de sécurité routière en cohérence avec la politique menée depuis 1997 car la constance est nécessaire à ce sujet.
Dans cet esprit pourront être inclus dans le champ de l'amnistie les contraventions qui ne sanctionnent pas un comportement dangereux susceptible de se traduire par le retrait d'un ou plusieurs points."

En pratique la quasi-totalité des fautes de conduite susceptibles d'influer sur la sécurité routière provoquent le retrait de points de permis. Il y a cependant quelques exceptions, notamment l'usage du portable en conduisant.

Nous sommes un certain nombre à regretter que cette évolution n'ait pas été jusqu'à son terme logique, en excluant de l'amnistie toutes les infractions au code de la route, notamment celles qui concernent  le stationnement. Le souhait général de redonner une valeur au civisme et au respect des autres n'est pas compatible avec une pratique de l'amnistie qui permet de ne plus tenir compte des règles de stationnement pendant plusieurs mois.