juin 2011

Le bilan de mai 2011 ne donne aucune garantie pour l'avenir proche

Après quatre mois de hausse de la mortalité, la tendance s'inverse et le bilan de mai 2011 est de 317 tués sur les routes (-3,7 %). Depuis le début de l'année, le nombre total de tués à été de 1584, soit une croissance de +125 tués (+8,6 %). Les cinq premiers mois de l'année représentant 36,5 % de la mortalité annuelle, la poursuite jusqu'en décembre de la tendance actuelle aboutirait à une mortalité de 4340 tués (ce mode d'expression des résultats a l'avantage de ne pas être influencé par la comparaison avec l'année précédente).

Les éléments importants
Le détail

Nous pouvons faire la liste des facteurs qui ont déterminé le résultat, mais il est actuellement impossible de pondérer leur influence, certains d'entre eux étant trop "atypiques" ou mal connus pour permettre de les rattacher à un modèle quantifié ((nous ne connaissons pas l'évolution jour par jour de l'accidentalité du mois de mai qui permettrait de comparer la période du 11 au 24 mai et les 7 jours suivant les annonces contradictoires ou ambiguës du 24 mai). Il est cependant possible d'en établir la liste en distinguant le "connu" de "l'inconnu" :

L'inconnu ou plutôt le "non quantifiable" est la perception par les usagers du débat politique sur la sécurité routière :

Il est impossible actuellement de mesurer les effets contradictoires d'une annonce "sécuritaire", suivie deux semaines plus tard d'annonces qui créent la confusion. Si les mots et les phrases utilisées dans le communiqué du 27 mai du ministère de l'intérieur ont un sens, il sera impossible pour les membres de l'AFFTAC de continuer à signaler les contrôles mobiles et c'est l'enjeu majeur de la décision du CISR du 11 mai dernier. Le signalement de "zones dangereuses" ne peut être qu'un signalement permanent et non le signalement du danger produit par la présence d'un contrôle mobile qui va faire perdre des points à l'usager en excès de vitesse !

Tout va donc dépendre du calendrier de l'application des décisions du CISR et de leur interprétation. Les usagers pouvaient croire le soir du 11 mai que les effets d'affaiblissement du permis à points par la LOPPSI2 étaient effacés et qu'il était nécessaire d'être à nouveau plus attentif aux règles limitant la vitesse. A partir du 24 mai, ils pouvaient comprendre que l'application de ces décisions était différée dans le temps et que leur signification ne correspondait pas à ce qui avait été annoncé. Si ce constat et cette interprétation se confirment, l'accidentalité peut croître à nouveau en juin et au cours de l'été. Si des annonces précises sur le calendrier de l'application et la suppression de l'avertissement des radars mobiles sont faites, les bons résultats de mai peuvent se prolonger.

Ceux qui n'imaginent pas la réactivité des usagers à un effet d'annonce n'ont rien compris à la puissance de la médiatisation de certaines informations. L'annonce du risque potentiel des concombres espagnols a réduit dans des proportions très importantes la vente de plusieurs catégories de légumes frais en Europe, de façon totalement irrationnelle, sans tenir compte de leurs lieux de production. Dans le domaine de la sécurité routière, nous savons qu'un effet d'annonce recherché pour lui même, sans accompagnement concret est dépourvu d'effet. Le meilleur exemple est le premier CISR du Gouvernement Jospin en 1997 qui fixait un objectif de réduction de 50% de la mortalité en 5 ans, sans mesure capable de rendre crédible cette annonce. La réduction a été de 2,2% entre mai 1997 et mai 2002. A l'opposé, un ensemble de mesures concrètes et crédibles a été annoncé lors du CISR de décembre 2002 et l'accidentalité s'est effondrée immédiatement de 30% par mois. L'efficacité d'une prévention par la dissuasion de commettre des infractions dépend de la représentation personnelle du risque d'être sanctionné. Si l'annonce médiatisée du 11 mai ne se concrétise pas dans des délais courts, la situation se détériorera à nouveau. Quand on connaîtra la date à laquelle les avertissements de la présence d'un radar seront interrompus par les membres de l'AFFTAC, nous aurons une preuve de la détermination du gouvernement.

Quand j'ai analysé les effets sur l'accidentalité de l'anticipation d'une amnistie présidentielle, des critiques ne reposant sur aucune étude statistique sérieuse ont été exprimées. Cet effet est maintenant reconnu. Les 4 dernières élections présidentielles ont toutes produites un accroissement de la mortalité routière dans la période précédant l'élection. Le début de cette détérioration de la sécurité routière correspondait aux dates d'annonce dans les médias d'une amnistie en perspective, notamment dans la presse "automobiles", avec des pages de description de l'attitude à avoir pour bénéficier de cette amnistie (ne rien reconnaître, ne pas payer, faire traîner la procédure).

Les causes de la mortalité sur les routes sont connues. Elles peuvent être encore précisées, mais depuis le développement des études d'accidents à la fin des années soixante nous savons que.

L'intervention dans le débat de la notion de "zone dangereuse", avec la volonté de la lier à la présence d'un radar (il ne devrait y avoir de radars que dans les zones dangereuses !), pour justifier la poursuite du signalement des radars est un prétexte sans fondement accidentologique. J'ai expliqué pourquoi dans dans la page : 27 mai 2011 - le communiqué de l'intérieur. Les routes sont structurellement de plus en plus sûres et les zones d'accumulation d'accidents se réduisent. La dissuasion des excès de vitesse doit être exercée sur la totalité du réseau et vouloir la limiter à une fraction réduite des routes exprime uniquement la volonté de réduire l'efficacité de cette dissuasion. Quand les départements auront identifié les "zones dangereuses", il sera facile de calculer la fraction de tués sur les routes observée sur ces zones au cours des dernières années (ou avant l'implantation d'un radar fixe) et de porter un jugement sur la pertinence de la démarche. Nous connaissons la réponse, la réduction de la mortalité sur les routes passe par le respect des limitations de vitesse sur l'ensemble du réseau, à tout moment, et pas seulement en certains points durant des périodes limitées.

Le code de la route est à la base du compromis social établissant des contraintes, tout en permettant d'exercer une liberté de se déplacer.  L'enjeu d'un CISR est à ce niveau. Ceux qui veulent caricaturer le système en opposant les chauffards et les bons citoyens n'ont rien compris à la notion de continuité des comportements humains face à des enjeux de sécurité personnelle et collective. Nous pouvons tous perdre un, deux, trois points de permis sur les routes, 90% des usagers sont dans cette situation d'une perte nulle ou minime de leur capital de points. Ceux qui ont perdu leurs 12 points ou s'approchent de cette situation critique ont des comportements qu'il faut dissuader. Le dispositif du permis à points est une forme de sursis adapté à cette délinquance d'habitude. L'affaiblissement de ce dispositif avec des arguments d'une démagogie dangereuse témoigne d'une incompréhension complète de l'efficacité de la prévention par la dissuasion de la transgression des règles dans un tel domaine.

Nous saurons à la fin de l'été si le Gouvernement a le courage de mettre en oeuvre les décisions annoncées le 11 mai. Le risque existe qu'il s'aplatisse face à une minorité profondément asociale, capable d'utiliser les services de sociétés qui font des bénéfices en empêchant des gendarmes et des policiers d'effectuer une de leurs missions qui est de faire respecter les règles.