août 2011

La signature du protocole d'accord entre les membres de l'AFFTAC et le ministère de l'intérieur peut-elle faire espérer un retour à la rationalité dans la gestion de l'insécurité routière ?

le contexte

Dans un mois, il y aura un an que la gestion politique de la sécurité routière s'est engagée dans une démarche profondément irrationnelle. Au cours des quarante dernières années, cette gestion a été marquée par des alternances de périodes d'activisme et de relative passivité, mais nous n'avons jamais connu de régression attribuable, avec un faible risque d'erreur, à un affaiblissement majeur de la réglementation.  Des oppositions fondées sur le déni de réalité pouvaient exister dans des groupes de pression, notamment dans des médias spécialisés prisonniers de leur clientélisme, mais elles n'avaient pas envahi le Parlement au point de permettre l'adoption de mesures destructrices pour la sécurité routière. La dégradation des résultats depuis le début de l'année 2011 a provoqué deux décisions gouvernementales importantes, adoptées dans la précipitation, lors du comité interministériel du 11 mai.

le CISR du 11 mai

La suppression des panneaux signalant les radars fixes était un choix discutable. D'une part ces radars sont bien connus des usagers locaux et d'autre part il est facile d'avoir les coordonnées de leurs localisations sur une application utilisant un GPS. Après une période de cafouillage décisionnel affligeant, la décision a été prise de pré signaler les radars fixes par des radars "pédagogiques". La seule modification sera finalement la faible variation "aléatoire" de la distance entre le radar pédagogique et le radar constatant les infractions. Elle sera facilement neutralisée par ceux qui ont pour objectif de réduire l'efficacité des contrôles.

La suppression des avertisseurs de radars déplaçables est à l'opposé une mesure majeure, qui peut redonner un pouvoir de dissuasion important aux contrôles de vitesse si elle est effective. Les conditions sont multiples. Les négociations entre le ministère de l'intérieur et les entreprises commercialisant des avertisseurs de radars ont abouti à la rédaction d'un protocole. Son efficacité va dépendre de deux conditions.

Le protocole et un commentaire sur les dispositions retenues sont disponibles sur le site.

quel avenir ?

 Si, comme pour la suppression des panneaux indiquant les radars fixes, la suppression des avertisseurs de radars se limite à un protocole non appliqué dans la pratique, le bilan de l'accidentalité de 2011 sera en hausse, pour la première fois depuis les réformes de 2002.

Il suffit d'aller sur les forums de discussion des adversaires de la suppression des avertisseurs de radars, ou sur celui d'Auto-Plus, pour comprendre pourquoi le gouvernement n'aura pas le choix. Soit il fait adopter rapidement une loi, soit il accepte que les deux mesures annoncées lors du CISR du 11 mai soient neutralisées, l'une par la mutation des panneaux avertisseurs de radars fixes en  "radars pédagogiques", l'autre par le comportement des usagers d'avertisseurs de radars qui contourneront le protocole en ne signalant que les radars et les contrôles.

Un nouveau délégué interministériel à la sécurité routière vient d'être nommé. Son rôle va être difficile, comme toutes les tâches des dirigeants de l'administration dans une période pré-électorale. En dehors des incertitudes politiques, il est handicapé par l'insuffisance de dotation en personnel de ses "outils de travail", notamment l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière. J'ai travaillé avec plusieurs organismes d'Etat qui avaient des fonctions de ce type, leurs moyens étaient mieux adaptés à leur rôle. Il faut notamment créer une cellule de veille en matière de désinformation, capable d'identifier et de réagir aux formes les plus dangereuses de la manipulation des faits ou de l'incompétence dans leur interprétation. Aucune politique de sécurité routière ne peut maintenir son efficacité si une désinformation massive la dévalorise.

Quand une "Société de calcul mathématique SA" réalise à la demande d'Auto-Plus une étude concluant à l'absence d'efficacité des dispositions législatives et réglementaires prises au cours des dernières décennies il faut s'inquiéter et traiter ce type de problème avec sérieux et rapidité, même si l'étude rassemble une série impressionnante de procédures inadaptées, ce qui est le cas. Comme je l'ai fait dans le passé (La violence routière - des mensonges qui tuent, Collection Sciences du risque et du danger, éditions Lavoisier 2005), j'analyserai ce document qui demeurera un exemple difficile à égaler de mauvaises pratiques épidémiologiques en matière de sécurité routière. Si elles sont involontaires, nous serons dans le domaine de l'incompétence et de la malfaçon, si elles sont volontaires elles se situeront dans celui de la malfaisance. Il est toujours difficile de faire la différence entre les deux mécanismes de la désinformation. Les commentaires d'Auto-Plus et le lien avec ce travail d'incompétents dans le domaine de l'accidentologie sont accessibles à l'adresse suivante :

http://news.autoplus.fr/news/1443018/route-statistiques-morts-Auto-Plus-ceinture-s%C3%A9curit%C3%A9

Lisez le un stylo à la main en notant les erreurs. Les enseignants dans le domaine de l'analyse des séries chronologiques possèdent là un document de choix pour apprendre à leurs étudiants ce qu'il ne faut pas faire.

Conclusions

Le problème de la sécurité routière a toujours constitué un bon test de la volonté des politiques de faire un choix entre l'action démagogique leur apportant un succès d'image à court terme auprès d'une fraction de leurs électeurs et l'action rationnelle produisant des effets dans la durée, bénéficiant à l'ensemble de la population. L'affaiblissement du permis à points par la LOPPSI2 fin 2010 et les réformes du dispositif de contrôle et de sanctions en 2002 se classent facilement dans l'une ou l'autre de ces deux catégories.

Le plus inquiétant dans cette situation est la pusillanimité qui s'exprime au niveau gouvernemental. Au lieu d'obtenir de la majorité parlementaire qu'elle neutralise les effets de la LOPPSI2 en réduisant à 2 la récupération de points par un stage, ou en abaissant de 10 km/h les vitesses maximales hors agglomération, le gouvernement a fait le choix de deux mesures susceptibles de renforcer la dissuasion par les radars automatiques. L'une a été rapidement dénaturée par la transformation des panneaux d'avertissement en radars pédagogiques. La seconde impliquait l'adoption d'une loi interdisant de réduire l'efficacité des contrôles mobiles de la vitesse par leur signalement en temps réel. La négociation a remplacé la loi, comme si l'on pouvait avoir le moindre espoir que des réseaux asociaux visant à affaiblir l'application des règles pouvait se transformer comme par miracle en réseaux sociaux visant à améliorer les "aides à la conduite".

Mon pronostic est simple, le protocole ne sera pas appliqué. Les usagers qui refusent de respecter les limitations de vitesse continueront de signaler les radars comme des "sections de voies dangereuses". Le gouvernement sera ramené à la case départ après un épisode qui ne sera pas à sa gloire.