commentaires sur le protocole du 28/7/2011

le contexte

Dans le concours de comportements asociaux visant à réduire le pouvoir de dissuasion des gendarmes et des policiers qui ont pour mission de faire respecter les règles du code de la route, le signalement des radars automatiques avait remporté la palme au cours des dernières années. La mutualisation immédiate des renseignements, rendue possible par le développement de la géolocalisation et des transmissions de données en temps réel a permis d'assurer une forme d'impunité à ceux qui s'équipaient des appareils assurant la fonction d'avertisseur de radars.

Le CISR du 11 mai 2011 a pris la décision d'interdire le signalement des radars fixes ou mobiles.

la fausse suppression des panneaux signalant les radars fixes

Quelques jours plus tard, la première mesure était abandonnée, la suppression des panneaux avertisseurs de radars étant remplacée par l'installation de radars pédagogiques, la seule différence théorique étant l'absence d'indication précise sur la distance séparant ce radar informatif du radar qui provoquera éventuellement la sanction. Avec ou sans radar pédagogique, la stabilité du positionnement des radars fixes rend très facile la production d'applications téléchargeables gratuitement, elles existent déjà et seront mises à jour. Cette reculade gouvernementale n'avait donc pas une grande importance.

la suppression des avertisseurs de radars

Le véritable enjeu, dans l'attente des radars opérant dans des véhicules en déplacement, est de supprimer le signalement en temps réel des radars mobiles. Les sociétés qui ont développé cette fonction et qui font des affaires en réduisant la dissuasion de commettre des infractions, donc aux dépens de la vie des usagers, ont exprimé leur opposition aux mesures du CISR et le ministère de l'intérieur a fait le choix de la négociation et non de la solution législative interdisant ces pratiques dangereuses.

Le protocole signé le 28 juillet concrétise l'accord entre les deux parties. Il convient donc d'analyser les phrases et les mots clés de ce texte pour se faire une idée sur la crédibilité de l'accord. Comme toujours dans le domaine des tentatives de régulation intervenant dans des domaines porteurs d'intérêts financiers, postuler sur la bonne foi de ceux qui verront leurs ressources financières diminuer si l'accord est appliqué correctement est aventureux, il est plus solide de faire confiance à un texte de qualité, apportant des garanties. Quand les banques spéculent sur les dettes des Etats souverains après avoir contribué à alimenter leurs déficits par des prêts risqués, les Etats tentent de réguler le dispositif, mais les mesures adoptées sont toujours trop timides. J'ai la même inquiétude avec ce protocole et c'est l'avenir qui permettra de savoir s'il est appliqué et si ma méfiance est justifiée. Je n'envisage pas ici la confiance que l'on peut accorder aux utilisateurs des avertisseurs de radars, un grand nombre d'entre eux continueront à signaler les radars et les contrôles, malgré toutes les instructions qui pourront leur être données par les opérateurs, j'envisage seulement la sincérité de la collaboration des membres de l'AFFTAC avec les pouvoirs publics pour éviter que le protocole soit contourné.

pourquoi le protocole est-il construit sur une base inadaptée

Avant même de lire la première  ligne de ce protocole, nous savions qu'il allait reposer sur une base inadaptée, développée depuis de nombreuses années par les adversaires des contrôles de vitesse, sans que les responsables de la sécurité routière aient mis en oeuvre la moindre pédagogie pour s'opposer à cette notion périmée. Il s'agit du concept de "zone dangereuse" ou de "point dangereux". J'ai développé une analyse spécifique de ce problème dans un document accessible sur le site : la notion de zone dangereuse. Le concept de zone d'accumulation d'accident corporel  (ZAAC) est défini depuis longtemps, il est utile pour les aménageurs locaux qui veulent réduire les dernières sections de longueurs réduites justifiant un aménagement plus sûr que celui existant, ce qui n'est pas le cas de toutes les ZAAC. Ce concept ne concerne pas les sections longues de voies où sont observés la majorité des accidents corporels graves ou mortels. L'idée qu'il suffirait de placer les radars sur une faible partie du réseau désigné par le terme de section dangereuse pour obtenir des bons résultats en matière de sécurité routière est une source de malentendus. Il faut expliquer, avec des cartes à l'appui, dans chaque département, que l'ensemble des voies secondaires très circulées sont le siège de la majorité des accidents et que ces dernièrs surviennent tout au long de ces voies. Ceux qui mettent constamment en avant le concept mal défini de "zone dangereuse" ont pour seul objectif de pouvoir prétendre qu'il serait inutile de faire des contrôles sur le reste du réseau. Faire respecter strictement les règles sur la totalité du réseau ne serait destiné qu'à permettre à l'Etat d'accroître ses ressources en "piégeant les usagers" sur des voies qui ne seraient pas dangereuses, sous-entendu où l'on peut faire des excès de vitesse qu'il est injustifié de sanctionner.

L'avantage de l'insistance avec laquelle ce concept peu opérationnel a été mis en avant est que les départements vont devoir le documenter. Je suis curieux de voir sous quelles formes vont apparaître ces cartes des zones dangereuses et quelles définitions seront utilisées pour les établir. Certains départements ont fait un très bon travail dans ce domaine et j'en donne des exemples dans le texte sur la notion de zone dangereuse, mais les documents produits ne permettront pas de délimiter des sections réduites de voies. Ils montreront avant tout que les grands itinéraires départementaux sur des chaussées dépourvues de séparateurs médians sont le siège d'un grand nombre d'accidents. Ce travail aura l'avantage de faciliter la compréhension de l'évolution du risque routier au cours des cinquante dernières années. La division par un facteur proche de 10 de la mortalité au kilomètre parcouru a été produit par une conjonction de facteurs qui se sont renforcés mutuellement. La réduction des vitesses, l'amélioration des voies par la suppression d'un grand nombre de points noirs et le développement des ronds points, se sont associées aux améliorations de la structure des véhicules pour obtenir ce résultat. Il est encore possible d'obtenir des réductions de risque par l'infrastructure  mais ce n'est pas en signalant des "sections de voies dangereuses" et des "points précis" où le risque serait particulièrement élevé que l'on va agir sur la mortalité.

les éléments importants du protocole

les phrases ambigües du protocole

ce que l'on peut prévoir à court terme

J'ai déjà envisagé les difficultés et les pièges de cette tentative de régulation. Les médias qui se sont faits une spécialité de lutter contre les mesures contraignantes qui ont divisé par deux la mortalité sur les routes à partir de fin 2002 ont immédiatement indiqué les méthodes permettant de contourner le protocole. Elles sont également décrites sur les forums d'usagers d'avertisseurs de radars et elles vont être précisées et organisées dans les semaines à venir grâce aux facilités de l'internet.

Exemples :

Site internet Auto-plus le 29/07 : "Les usagers pourront donc aussi indiquer la présence d'un coup de frein à proximité d'un contrôle... radar ! "

Forum moncoyote le 29/07 : "J'espère que Coyote saura trouver une parade légale sinon, quel intérêt. A moins que la communauté Coyote se mobilise et ne signale comme perturbations uniquement les radars".

Une fois le constat d'échec fait, le gouvernement aura deux options possibles :