effets de la ceinture et de la vitesse en 1973

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Les raisonnements invalides d’Airy Routier

L’exemple de l'interprétation des effets respectifs de la ceinture de sécurité et des limitations de vitesse en 1973

La description et l’interprétation des décisions politiques de 1973/1974 concernant l’obligation du port de la ceinture et les limitations de vitesse est importante pour comprendre les mécanismes d’une manipulation complexe. Pour réduire l’importance de la limitation de la vitesse dans le succès de la politique de sécurité routière initiée en juillet 1973,  Airy Routier indique que : « La France fut le premier pays européen à imposer la ceinture. Pierre Messmer décidait en même temps, pour la première fois en France, d’instaurer des limitations de vitesse : 110 km/h sur ces autoroutes qui commençaient à mailler la France et avaient été conçues pour une vitesse moyenne de 140 km/h » (FSP p.34). Il différencie ensuite les objectifs des deux mesures en indiquant pour les limitations de vitesse : « Sur ce point, l’objectif affiché était moins la sécurité routière que les économies d’énergie. Car 1973 est aussi l’année du premier choc pétrolier, aussi violent qu’inattendu, provoqué par l’OPEP après la guerre du Kippour ». Il développe ensuite l’opposition entre les deux mesures (p.34) : « L’obligation du port de la ceinture est liée à la sécurité alors que la limitation drastique de la vitesse suit des objectifs avant tout économiques. Il faut, à tout prix, réaliser des économies d’énergie. La conjonction de ceux deux mesures a un effet immédiat : la courbe des accidents et des décès, régulièrement croissante, s’inverse pour la première fois. Mais la simultanéité des deux mesures pose problème : elle empêche d’analyser objectivement leur effet spécifique sur la sécurité routière. Quelle est la part de chacune ? Aucune expérimentation précise de ces éléments séparés, ne serait-ce que sur une partie du territoire, ne sera jamais réalisée. Rétrospectivement il apparaît clairement que l’obligation du port de la ceinture fut la mesure décisive »(FSP p.35). Pour achever de persuader le lecteur, l’auteur ajoute : « Cette pratique de la double ou triple décision sera systématiquement utilisée par la suite, de sorte qu’on ne pourra jamais tester l’effet exact des limitations de vitesse.»

Analyse de ces affirmations en nous limitant à cette conclusion sur l’impossibilité de distinguer l’effet des limitations de vitesse et l’effet du port de la ceinture.

Nous avons utilisé cette affirmation pour illustrer une contradiction logique,  Airy Routier affirmant que la prise simultanée de la décision de rendre obligatoire le port de la ceinture et la limitation de vitesse sur les autoroutes empêchait d’évaluer le rôle respectif de chaque mesure. Il ajoutait que « Rétrospectivement il apparaît clairement que l’obligation du port de la ceinture fut la mesure décisive », comme si nous disposions d’éléments nouveaux permettant de quantifier  en 2007 ce qui était impossible en 1973/1974.
Nous analysons maintenant un fait différent de cette contradiction en montrant que l’évaluation du rôle propre de chaque mesure pouvait être réalisée et qu’elle l’a été.
Ces deux décisions agissent sur deux mécanismes différents de la sécurité routière, l’une relevant de la sécurité primaire, l’autre de la sécurité secondaire. Les effets de ces deux mécanismes distincts sont connus.

Des études sur l’efficacité de la ceinture avaient été entreprises en France depuis la fin de 1970 par le groupe de recherche associant les constructeurs automobiles aux médecins de l’hôpital de Garches ou travaillait Claude Got. C’est la connaissance de la réduction par un facteur légèrement supérieur à deux du risque d’être tué pour un automobiliste impliqué dans un accident qui à conduit le gouvernement a adopter la décision du port obligatoire hors agglomération en juillet 1973. La connaissance de ce niveau de protection peut être utilisée dans des évaluations documentant le taux de port hors accident et après accident.

Des études accidentologiques étaient déjà disponibles en 1973, distinguant les effets combinés de la ceinture de ceux de la vitesse de circulation, notamment l’étude de Bohlin publiée en 1968 (SAE transactions Volume 76 page 2981 et suivantes). Dbohlinceinturevitesse.pdf

Des chercheurs de l’INRETS (à l’époque ONSER) ont analysé ces effets pour les distinguer : « Limitations de vitesse, les décisions publiques et leurs effets » Simon Cohen, Hubert Duval, Sylvain Lassarre et Jean-Pierre Orfeuil – 1 volume 200 pages – éditions Hermès et Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité, (notamment  la page 64 dans Dlimitationsdevitessedec1973Cohen.pdf  ). Pendant la période allant de décembre 1973 à novembre 1974, les gains en mortalité ont été attribués pour 60% aux limitations de vitesse et pour 40% au port de la ceinture.