avis du conseil d'orientation de l'ONISR en 1995

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Recommandation du Conseil d’Orientation de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière. (ce texte a été adopté en 1995, entre l'élection présidentielle et le vote de la loi d'amnistie)

Avant les élections présidentielles de 1988 des publications ont attiré l’attention du public sur l’amnistie qui accompagne ce événement. Pendant les cinq premiers mois de 1988, le nombre de tués sur les routes a dépassé de 645 celui de la période correspondante de l’année précédente. Au cours des 7 derniers mois de l’année, le nombre des victimes ne dépassa que de 36 tués celui de 1987.

De 1989 à 1994 le nombre de tués a été constamment inférieur chaque année à celui de l’année précédente. Au cours des 9 premiers mois de 1994 la réduction de la mortalité fut particulièrement importante, 655 tués de moins qu’en 1993. Comme en 1988, mais plus précocement, des publications ont décrit les mécanismes de l’amnistie accompagnant l’élection présidentielle, transformant un geste réduisant la conséquence d’une faute déjà commise en une incitation à en commettre d’autres avec l’assurance de l’impunité. Au cours des 7 moins suivants, la poursuite espérée de la réduction de la mortalité s’est transformée en un accroissement de 263 du nombre des tués.

Il est difficile d’affirmer en se fondant sur deux événements séparés par un intervalle de sept ans le lien de causalité entre l’anticipation d’une amnistie assurée et l’augmentation de la mortalité. Il faut cependant remarquer que nous n’avons pas d’autre explication de cette détérioration de la situation et que d’autres indicateurs, par exemple l’augmentation des vitesses sur le réseau routier, sont en faveur d’une modification du comportement des conducteurs et non de l’intervention d’autres facteurs de risque, par exemple l’augmentation de la circulation ou des particularités climatiques. A l’opposé les conditions de circulation observées en janvier et février auraient du provoquer une réduction de la mortalité (inondations, conditions de circulation réduisant la circulation de loisir).

Nous estimons qu’il existe une forte probabilité que l’amnistie assurée ait provoqué une modification du respect des règles de circulation, en particulier des limites de vitesse. Dans ce domaine c’est le comportement du plus grand nombre et non celui d’une minorité d’usagers qui provoque les renversements de tendance. Chaque excès de vitesse important fait courir un plus grand risque qu’un faible dépassement des vitesses autorisées et cela justifie des sanctions individuelles plus sévères, mais dans un bilan global de la mortalité la distinction entre les conséquences des forts et des faibles excès de vitesse n’a pas de fondement épidémiologique. Un grand nombre d’usagers responsable de faibles excès de vitesse peut provoquer une surmortalité plus importante qu’un faible nombre dépassant plus largement les vitesses limites. En conséquence nous recommandons au Parlement de ne pas amnistier les fautes de conduite mettant en jeu la sécurité, quel que soit leur niveau de gravité et de maintenir toutes les suppressions de points du permis de conduire. Nous avons pour mission et pour devoir de donner notre avis sur le drame humain que constitue l’augmentation récente de la mortalité sur les routes de notre pays. Le conseil scientifique de l’observatoire de sécurité routière ne peut engager par un silence coupable sa responsabilité dans la surmortalité provoquée par les effets pervers d’une amnistie annoncée. L’élection présidentielle est un acte important de notre démocratie, il ne doit pas être à l’origine de plusieurs centaines de morts évitables.

Les membres du conseil d’orientation et d’évaluation de l’observatoire de sécurité routière.