LUTTE CONTRE LA VIOLENCE ROUTIÈRE (suite)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de
loi renforçant la lutte contre la violence routière.
M. Patrick Delnatte - Prévention,
dissuasion, répression, sécurité des infrastructures et des véhicules :
sur tous ces fronts, il nous faut combattre la violence routière, qui a
encore coûte 8 000 vies en 2001. Les chiffres de février sont
encourageants : 200 vies supplémentaires épargnées, une évolution à la
baisse qui se poursuit depuis neuf mois. Le nombre de tués n'est pas une
fatalité. Il peut être diminué, à condition de faire évoluer les
comportements des usagers de la route.
L'initiative du Gouvernement était donc attendue. Les mentalités
évoluent et l'opinion réclame qu'on lutte contre la violence routière en
faisant appel à la responsabilité des conducteurs. C'est l'objet de ce
texte, qui va rendre la répression plus efficace et renforcer la
prévention.
Après un accident grave, des vies peuvent encore être sauvées. Chaque
année 700 à 800 vies pourraient l'être si les premiers secours
arrivaient plus tôt, qu'il s'agisse d'accidents de la route, d'accidents
domestiques ou d'accidents liés aux loisirs. Chaque usager de la route
doit devenir acteur des secours, au lieu d'être inactif ou même
dangereux, sous le coup de la panique.
Pour ce qui est du secourisme, la France a un retard important à
combler. L'apprentissage des gestes qui sauvent est généralisé en
Allemagne depuis 1963 et en Autriche depuis 1973. En Suisse, depuis
1977, une telle formation est obligatoire pour passer le permis de
conduire. Je salue, à cet égard, l'initiative en faveur du secourisme de
l'académie d'Amiens.
Depuis 1993, la formation aux gestes qui sauvent est obligatoire à
l'école primaire et au collège, mais elle n'est pas toujours assurée
concrètement. Il ne serait de toute façon pas superflu de rappeler les
comportements à adopter au moment du passage du permis de conduire.
La Fédération française de cardiologie a fait de la formation aux
gestes qui sauvent la priorité de la Semaine du
c_ur.
La commission des lois a adopté un amendement visant à prévoir une
initiation aux premiers secours. Cet amendement reprend une proposition
que j'avais déposée avec deux cents de mes collègues. D'autres
initiatives ont été prises dans le même sens, à l'Assemblée comme au
Sénat. Je souhaite que vous acceptiez de mobiliser les autorités du pays
pour mettre en _uvre cette suggestion. Nous ne
ferions qu'appliquer enfin la décision prise par le comité
interministériel de la sécurité routière du 16 novembre 1974, présidé
par le Premier ministre de l'époque, M. Jacques Chirac, qui rendait
obligatoire cette formation pour les candidats au permis de conduire.
Cette décision a été reportée jusqu'à la fin des années 1970, puis
supprimée en 1980.
Dans un texte qui vise à combattre la violence routière, il est bon
de rappeler l'impérieuse nécessité d'un comportement responsable. C'est
la meilleure des préventions.
Trop souvent, le débat s'est limité au choix entre une formation
d'élite ou rien du tout. Il faut compléter le dispositif actuel par une
formation simple, pour que chacun sache réagir dès les premières
minutes.
Apprendre les gestes qui sauvent est un acte citoyen. C'est aussi
renforcer l'altruisme, dont manque notre société en quête de repères.
J'espère que la représentation nationale et le Gouvernement y
apporteront tout leur concours (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP).
M. Jean-Charles Taugourdeau - Le
Président de la République et le Gouvernement ont fait de la lutte
contre l'insécurité routière une cause nationale et je les approuve.
Ils ont déclaré la guerre aux chauffards qui, au mépris des règles
élémentaires de vie en société, transforment leur véhicule en arme
fatale contre les piétons, cyclistes, motocyclistes et automobilistes.
Cet électrochoc était nécessaire à la prise de conscience de chaque
automobiliste. Avant même que la loi soit votée, il y a déjà moins de
tués sur les routes. Il suffit de circuler un peu pour constater que
tout le monde roule moins vite. On voit l'effet bénéfique de la peur de
la sanction.
Mais je regrette que le texte ne fasse la part belle qu'à la
répression en négligeant la prévention. Quid de l'apprentissage
du code de la route à l'école ? Quid du respect de l'autre au
volant, c'est-à-dire du respect des priorités ? Quid de
l'élimination des points noirs sur le réseau routier ? Quid de
l'obligation du port de la ceinture de sécurité à l'avant et à
l'arrière ? Combien de mères de famille arrivent à l'école leur enfant
non attaché ? La ceinture attachée épargnerait 1 000 vies par an. Mais
les contrôles sont insuffisants.
Actuellement, des règles élémentaires du code de la route ne sont pas
respectées par les conducteurs je pense notamment au temps d'arrêt au
stop, aux priorités à droite en agglomération, au franchissement d'une
ligne blanche. Certes, ces infractions sont déjà réprimées par le code
de la route, mais les contrôles doivent être plus systématiques.
La violence routière n'est pas seulement le fait de la vitesse. En
effet, ce n'est pas la vitesse qui est dangereuse, mais l'excès de
vitesse. En ville, il peut être dangereux de rouler à 50 km/h.
Sur une autoroute, rouler à 130 km/h peut être
facteur de somnolence.
On dénombre 70 % des décès sur le réseau routier et 6 % sur les
autoroutes. A certaines heures, quand le trafic est faible, par exemple
de 23 heures à 5 heures du matin, la vitesse pourrait ne plus être
limitée. Cela inciterait les automobilistes à emprunter le réseau
autoroutier, d'excellente qualité, plutôt que les routes départementales
et nationales, plus dangereuses.
A n'importe quelle vitesse, le non-respect des distances de sécurité
lorsque vous pénétrez une nappe de brouillard peut provoquer des
carambolages dramatiques. Est-ce une raison pour limiter la vitesse par
temps clair, lorsqu'il n'y a personne ?
Je comprends l'objectif extrêmement noble des associations qui
militent pour la sécurité routière. Chacun d'entre nous a été meurtri
par la disparition d'un enfant, d'un parent, d'un ami, d'un voisin. Je
comprends leur action, mais la responsabilisation de l'individu par la
prise de conscience du risque est plus formatrice que la répression.
Je voterai ce texte, en regrettant qu'il ne traite que de la violence
routière. En droit, dans « violence », il y a volonté de nuire. Je le
voterai en souhaitant que la lutte contre une violence routière
insupportable ne se traduise pas par une répression routière
insupportable.
Je préférerais l'excès de prévention à l'excès de répression.
Messieurs les ministres, combien de petites communes peuvent-elles
offrir à leurs écoliers les épreuves du critérium du jeune pilote ?
Combien de communes peuvent-elles se payer les ronds-points nécessaires
à l'élimination de carrefours dangereux ?
Enfin, combien de conducteurs peuvent-ils se payer l'éthylotest à
1 000 euros utilisé par la police et la gendarmerie ? Pourquoi ne pas
faire tous les tests avec un appareil à 100 euros qui serait en vente
dans le commerce ?
Je voterai ce texte, mais je souhaite qu'un prochain projet fasse
plus de place à la prévention routière.
En attendant, Messieurs les ministres, pensez bien à attacher votre
ceinture, même à l'arrière ! (Sourires et applaudissements sur les
bancs du groupe UMP et du groupe UDF)
M. Jean-Pierre Door - C'est un projet
sensible que nous examinons, puisqu'il a pour objet la sauvegarde de
vies humaines. Il est très attendu depuis l'annonce de Jacques Chirac,
le 14 juillet dernier.
La France est dans le peloton de queue en Europe. Avec ce texte, vous
donnez à la représentation nationale l'occasion de réagir. Je vous en
remercie, comme je remercie le rapporteur pour son excellent travail.
Au dernier Mondial de l'automobile, le ministre délégué à la famille
citait l'insécurité routière comme la cause première de l'éclatement des
familles, de même que la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées y
voyait la première cause de handicap.
S'il faut bien admettre que le risque zéro n'existe pas, il faut
substituer une véritable culture de la sécurité à une certaine tradition
du « pas vu, pas pris ». Ce texte tend donc à renforcer l'efficacité de
la justice pénale et la répression, dans certaines circonstances.
Pourtant, certains expliquent volontiers, que ce qui peut décourager,
c'est la répression mal appliquée, qui fait du code de la route la loi
la moins respectée en France. Aussi, distinguons bien la simple
maladresse de la faute criminelle. Ne considérons pas tous les
conducteurs comme des délinquants et des payeurs d'amendes. Ne
provoquons pas trop de réactions épidermiques par des contrôles en des
lieux que les conducteurs jugent inappropriés. C'est à ces conditions
que la répression sera efficace car perçue comme légitime.
Mais il est aussi indispensable de faire prendre conscience, à
rebours des habitudes, à la fois du danger de la route et du caractère
collectif de l'usage de la voiture. A défaut, il sera impossible que
soit perçue de façon positive une répression qui est bien un acte de
limitation de la liberté individuelle dont l'automobile reste un outil
et un symbole. Pour avoir été pilote de course dans ma jeunesse, je
pense qu'apprendre à conduire et à se conduire doivent être les axes
majeurs de notre démarche.
L'automobile est pour l'homme un objet mythique. Dans son enfance,
avec ses jouets, dans son adolescence, quand il rêve d'être pilote de
course, à l'âge adulte où il se croit invulnérable, comment ne pas
établir de relation entre le comportement et la fascination qu'exercent
des voitures de plus en plus confortables et même sûres, mais aussi de
plus en plus puissantes, rapides, séduisantes et presque sensuelles ?
Le Français se sent-il un homme différent dès qu'il est derrière un
volant ? Le comportement de nombreux automobilistes peut le laisser
penser, ainsi que bien des décisions mal maîtrisées et des attitudes
primaires, agressives et à risques. Le directeur de l'institut de
recherche sur les transports et leur sécurité pose sans doute la bonne
question : « est-ce que l'on est fait pour conduire une voiture ? »
Apporter une réponse suppose une réflexion sur la notion de formation
à la conduite dans laquelle il est temps d'intégrer la prise de
conscience du danger et l'apprentissage de certains gestes positifs.
Cela passe par une refonte complète de l'enseignement du permis de
conduire.
Par ailleurs, est-il normal que les constructeurs vendent des
accessoires, sans que l'usager connaisse leur fonction et sans qu'il ait
pu les tester en conditions normales ou en terrain hostile ? Je pense en
particulier aux systèmes ABS, antipatinage,
correcteur d'assiette... dont la méconnaissance peut avoir des effets
néfastes en cas d'urgence. Connaître ses possibilités et ses limites est
une nécessité absolue, surtout pour les jeunes qui sont les plus exposés
aux accidents.
Un mot, enfin, du volet médical du projet. Vous avez raison, Monsieur
le ministre, de réduire autant que possible, par la prévention, le
sur-risque accidentel. L'instauration d'un examen
médical obligatoire est une bonne mesure. Elle a le soutien du médecin
que je suis, agréé auprès de la Fédération française du sport automobile
et de la commission des permis de conduire. Un amendement de notre
collègue Estrosi pose l'obligation d'un tel examen
tous les dix ans. C'est une très bonne chose, car l'individu évolue. La
vision, l'audition, le diabète instable, les affections cardiologiques,
psychiques, les prises de médicaments, l'apnée du sommeil sont des
facteurs aggravants ou déclenchants de l'insécurité dans la conduite.
L'arrêté de 1997, qui fixe les incapacités médicales à la conduite des
véhicules légers, est trop peu respecté.
Messieurs les ministres votre action est nécessaire car la vie doit
sortir en vainqueur de la route, c'est pourquoi nous la soutenons
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Jean-Pierre Decool - La violence
routière est l'un des plus importants fléaux en France puisqu'on recense
chaque année près de 8 000 morts et plus de 100 000 accidents corporels.
Le Président de la République a fait de la lutte contre l'insécurité
routière une priorité nationale. Certes, depuis le mois de janvier 2003,
le nombre d'accidents mortels a diminué ; la baisse serait de 35,8 % en
février 2003 par rapport à février 2002. Cela n'en rend cependant pas
moins nécessaire de responsabiliser les individus. Ce projet répond à
cet objectif. Il est en grande partie consacré à améliorer l'efficacité
de la répression grâce notamment à l'aggravation des sanctions et en
particulier en cas de récidive. Pour ma part, je centrerai mon propos
sur la prévention.
Il faut faire prendre conscience à l'individu des dangers de la route
dès le plus jeune âge, bien avant l'obtention du permis de conduire.
MM. François Sauvadet et François
Rochebloine - Absolument !
M. Jean-Pierre Decool - Des dispositifs
existent déjà pour les jeunes. Le brevet de sécurité routière leur
permet d'appréhender les dangers. Mais il faut aussi encourager
l'apprentissage des gestes de premiers secours, qui permettrait de
sauver de nombreuses vies. Un programme existe, dès le primaire, au
ministère de l'éducation nationale. Mais cet apprentissage devrait être
rendu obligatoire et gratuit pour les élèves du secondaire. Une partie
de l'examen du permis de conduire devrait également y être consacrée,
comme le prévoit une proposition de loi de Patrick
Delnatte.
M. François Rochebloine -
Excellente proposition !
M. Jean-Pierre Decool - Les jeunes sont
les plus touchés par les accidents de la route. Les 15-24 ans
représentent plus de 25 % des tués sur la route. Ce projet instaure un
permis probatoire et je m'en félicite. Il est également important
d'encourager l'apprentissage anticipé de la conduite, qui ne concerne
pour l'instant que 17 % des jeunes de 16 ans.
Le conducteur prend des habitudes : vitesse, tenue du volant,
utilisation du téléphone portable... Des formations
post-permis - rendez-vous d'évaluation ou rendez-vous de
perfectionnement - sont déjà prévues. De même, l'auteur d'une infraction
peut opter pour un stage de formation qui se substitue au paiement de
l'amende. Jacques Remiller a déposé un amendement
visant à rendre un tel stage de remise à niveau des connaissances
obligatoire tous les douze ans.
A partir d'un certain âge, l'individu n'a plus les mêmes réflexes ni
la même attention. Il ne s'agit pas d'interdire l'utilisation du
véhicule pour les personnes âgées de plus de 70 ans, mais il serait bon
de prévoir un examen médical et d'aptitude régulier, à partir d'un
certain âge.
Tous les aspects de la sécurité routière doivent être envisagés. Le
conducteur n'est pas le seul responsable : le manque d'attention d'un
piéton, la vétusté des infrastructures, la présence d'un objet ou d'un
animal sur la route sont des facteurs aggravants. La population entière
est concernée par la violence routière. Messieurs les ministres, je
soutiens votre texte et espère que des mesures de prévention efficaces
seront prises rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP et du groupe UDF).
M. François Rochebloine - Dans l'esprit
de nos concitoyens, parler de sécurité routière conduit bien souvent à
déplorer le laxisme supposé des pouvoirs publics, à souligner les
insuffisances de la réglementation, voire à dénoncer le comportement de
telle ou telle catégorie d'usagers de la route. Mais en chaque citoyen
il y a un mauvais conducteur qui sommeille, même si, pour chacun, le
mauvais conducteur, c'est toujours l'autre...
En choisissant de faire de la lutte contre la violence routière une
priorité, le Gouvernement fait _uvre utile. Il a
d'ailleurs déjà marqué l'opinion publique de manière significative. Ses
premiers mois d'action sont un succès incontestable, comme en témoigne
la diminution importante du nombre de morts et de blessés. Nous ne
pouvons que nous en réjouir, mais la vigilance s'impose car rien n'est
définitivement acquis.
L'action des pouvoirs publics doit être globale, donc ne pas se
limiter à des incantations et à des effets d'annonce sur le terrain
répressif, comme ce fut trop souvent le cas par le passé.
Pour frapper les consciences, il faut marquer l'opinion par des
messages clairs. Le durcissement des textes doit s'accompagner d'une
volonté politique d'améliorer la qualité de notre réseau routier, ce qui
passe par la suppression des points noirs encore beaucoup trop nombreux.
M. Marc Le Fur - C'est vrai !
M. François Rochebloine - Par ailleurs,
est-il acceptable que l'Etat ait laissé se dégrader si longtemps un
grand nombre d'infrastructures relevant de sa responsabilité ? Est-il
normal que les investissements de requalification, indispensables pour
la sécurité des usagers et la bonne desserte des territoires, n'aient
toujours pas été programmés ? Les retards se sont accumulés ces vingt
dernières années, alors que la densité des trafics, y compris de poids
lourds, croissait de manière exponentielle sans que toutes les mesures
de sécurité soient prises.
Nous vous avons alerté, Monsieur le ministre, sur les besoins criants
dans nos départements ; vous connaissez l'ampleur de la tâche.
Le rapport d'audit sur les projets d'infrastructures de transport a,
vous le savez, suscité un réel émoi sur le terrain. N'y a-t-il pas une
véritable défaillance de l'Etat.
Une réflexion s'impose également sur la qualité de la signalisation,
qui doit d'abord être « instinctive » et ne pas faire obligatoirement
référence à la mémoire. En effet, des conducteurs qui ont quelque peu
perdu de vue leur code de la route peuvent être parfois déroutés par
l'implantation des panneaux et la configuration des lieux au risque
d'adopter des comportements dangereux.
Il faut aussi lutter avec force contre l'usage de l'alcool ou des
drogues au volant. Mais si la loi a été améliorée, les moyens financiers
manquent trop souvent pour la prévention et l'éducation, qui ne doivent
pas passer au second plan derrière la peur du gendarme et les contrôles.
C'est par la pédagogie qu'il faut en effet responsabiliser les citoyens.
Leur prise de conscience demande du temps, elle suppose une volonté
politique claire - comme la vôtre -, la réaffirmation de règles
compréhensibles par le plus grand nombre, des sanctions adaptées et une
plus grande efficacité de la justice pénale.
Nous approuvons les orientations de votre projet et vous faisons
confiance pour mener une politique équilibrée et volontariste propre à
renforcer la sécurité (Applaudissements sur tous les bancs).
La discussion générale est close.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice -
Je répondrai à quelques questions portant sur la partie pénale du
texte.
Monsieur Artigues, effectivement nous ne
souhaitons pas modifier les seuils, mais appliquer efficacement
les règles en vigueur, quitte à procéder à des modifications ultérieures
après évaluation. Est-il nécessaire d'aggraver les sanctions pour
provoquer une prise de conscience, s'est demandé Mme Jambu.
Malheureusement, oui. Cette aggravation marque les esprits.
J'ai été attentif à la nécessité d'une unité des réquisitions sur
l'ensemble du territoire, afin que la justice ne paraisse par plus ou
moins sévère selon les lieux.
M. Christian Estrosi - Très bien.
M. le Garde des Sceaux - J'ai déjà donné des
instructions en ce sens.
Comme M. Mariton, nous jugeons le terme de
violence routière tout à fait approprié car c'est bien de violence
causée par l'irresponsabilité qu'il s'agit. Je regrette donc
l'amendement socialiste visant à modifier cet intitulé.
M. François Rochebloine - Ils vont le
retirer ! (Sourires)
M. le Garde des Sceaux - Je peux assurer M. Dosière
que nous avons été très attentifs à ce que l'amnistie de 2002 ne porte
pas sur les comportements routiers à risque. Selon lui, les sanctions
prévues sont disproportionnées par rapport à celles appliquées pour
d'autres infractions non intentionnelles. Si l'homicide ou les blessures
sur la route sont effectivement involontaires, les sanctions dans ces
cas sont aggravées en fonction de comportements répréhensibles comme
l'usage d'alcool, des stupéfiants ou la conduite sans permis. A cet
égard, la comparaison avec les accidents de chasse est dépourvue de
fondement.
J'ai déjà exprimé un avis positif sur l'amendement de M. Garraud.
Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit nullement d'ouvrir un débat sur
l'IVG ou le statut de l'embryon, mais uniquement de protéger la femme
enceinte, en comblant un vide juridique source d'incohérence..
En réponse à M. Taugourdeau, je m'engage, comme
le ministre de l'équipement le fait déjà, à bien respecter le port de la
ceinture de sécurité (Sourires). Plus sérieusement, je pense que
les décideurs, qu'ils soient ministres ou élus locaux, ont cette
question très à coeur et que le petit jeu des
interventions, c'est terminé.
M. Christian Estrosi - Très bien.
M. le Garde des Sceaux - De même, lorsque M. Door
juge décourageante la façon dont la répression est parfois pratiquée sur
le terrain, j'entends bien sa remarque. Peut-être qu'effectivement
placer un radar sur une descente en ligne droite où la voiture, si je
puis dire, accélère toute seule, n'est pas de la meilleure pédagogie. Il
faudra sans doute faire passer le message aux forces de sécurité. La
modulation des peines en fonction des circonstances aggravantes est tout
à fait dans cet esprit.
Vous voudrez bien m'excuser si, en raison d'un « carambolage » entre
les ordres du jour des deux assemblées (Rires), je dois aller au
Sénat défendre un autre texte. M. le ministre de l'équipement répondra
bien sûr à toutes vos questions (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP et du groupe UDF).
MOTION DE RENVOI EN COMMISSION
M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des
membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée
en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.
M. Armand Jung - Un simple appel de la police, - parfois de
l'institut médico-légal - peut briser une vie, plonger une famille dans
la douleur. Nous savons tous combien, dans de telles circonstances, il
est difficile de trouver les mots qui conviennent. J'ai d'abord une
pensée pour les milliers de victimes de ceux qui confondent la route
avec un circuit de formule 1, pour tous ceux qu'a marqué à jamais un
coup de téléphone reçu la nuit ou un samedi soir, après la sortie des
discothèques.
Je salue également la qualité, la dignité du débat, et le travail
mené par des associations trop méconnues et par tous ceux qui militent
pour la sécurité routière, plutôt que contre la violence routière, car
je regrette le choix d'un tel intitulé.
M. François Sauvadet - Mais pourquoi ?
M. Armand Jung - Le Président de la République a fait de la
sécurité routière un des trois grands chantiers de son quinquennat et le
Premier ministre a déclaré que l'Etat devait être en première ligne. Ces
engagements nous obligent à élaborer une grande loi de sécurité
routière ; or ce texte n'aborde pas l'ensemble des problèmes.
L'élément nouveau du moins, c'est l'engagement formel d'un Président
très largement élu. Certes tous les gouvernements de ces vingt dernières
années avaient manifesté leur détermination à lutter contre l'insécurité
routière. Ainsi la loi du 10 juillet 1989 instituait le permis à points,
que l'opposition de l'époque jugeait trop répressif ; la loi du 18 juin
1999 créait le délit de grand excès de vitesse, que la même opposition
rejetait au motif que le retrait automatique de six points porte
atteinte de manière excessive à la liberté individuelle.
Nous avons eu un grand débat lors du vote de la loi d'amnistie, à la
demande du nouveau Président de la République, pour souligner les
conséquences dramatiques qu'a eues l'annonce prématurée de cette
amnistie, de longs mois avant l'élection. Je fais partie de ces rares
députés qui, dès novembre 2001, s'étaient engagés à ne voter aucune loi
d'amnistie, quel que soit le résultat des élections. Je me sens d'autant
plus libre de tenir aujourd'hui des propos qui reflètent mon engagement
antérieur en faveur de la sécurité routière.
Les morts sur la route ne sont ni de droite ni de gauche ; ils
représentent un drame humain que rien ne peut consoler.
Votre projet, issu notamment des travaux du CISR du 18 décembre
dernier, nous gêne moins par son contenu que par ce qui n'y figure pas.
Vous avez en effet privilégié l'aspect répressif, et de fait la
répression est nécessaire. Ainsi, à Strasbourg, le 2 octobre 2002, en
centre-ville, un bébé a été fauché mortellement dans sa poussette sur un
passage pour piétons. Le dépistage n'a révélé chez le conducteur aucune
présence d'alcool ni de drogue. Seule certitude, l'automobiliste s'est
arrêtée 37 mètres après l'impact. Le comble est que l'automobiliste qui
a dissimulé son identité encourt de ce fait jusqu'à cinq ans
d'emprisonnement, alors que pour l'homicide involontaire elle ne risque
que trois ans de prison. Ainsi, dans notre pays, mieux vaut être
responsable d'un homicide que d'usurper une identité ! Comment, face à
une telle incohérence, faire de la prévention auprès de nos
concitoyens ? La répression, d'accord ; mais y ajouter la pédagogie,
c'est mieux. Or cette pédagogie n'est guère présente dans votre projet.
Et que dire de ces deux articles étrangers à la sécurité routière
relatifs l'un aux enquêtes techniques concernant les accidents
d'aéronefs militaires, l'autre aux conditions d'encellulement des
détenus ? Ces deux cavaliers sont indignes et brouillent le message que
nous voulons transmettre à nos concitoyens. Jacques Floch
a eu raison de vous demander de les retirer.
Votre projet est le résultat d'une ambition inachevée, et risque de
n'avoir plus guère d'effets au-delà des vacances d'été. Nous souhaitons,
nous, une démarche de sécurité routière durable, conforme aux
v_ux du Président de la République et du Premier
ministre. En ne misant que sur la répression et sur la peur du gendarme,
vous obtiendrez sans doute, dans l'immédiat, des résultats
spectaculaires, mais les réveils pourraient bien être cruels.
Le chaînon manquant de votre projet est l'analyse du phénomène de la
vitesse. Il existe en France un lobby de la vitesse. Toute la publicité
pour la vente de voitures repose sur cette idée. Sous le titre
« vitesse, quelques vérités bonnes à dire », un document du ministère
des transports souligne que « la vitesse représente la première cause de
mortalité sur nos routes. Elle intervient dans un accident mortel sur
deux ». Rappelons également une déclaration prémonitoire du Premier
ministre le 30 décembre 2002 : « L'ennemi public numéro un, c'est la
vitesse. Tous les drames viennent de là. L'alcool accélère la vitesse. »
De fait, comment tolérer qu'on puisse impunément mettre en circulation
des véhicules dont la vitesse maximale dépasse la vitesse la plus élevée
autorisée sur nos routes ? Dans ce cadre, l'amendement accepté par la
commission à l'initiative de M. Estrosi, tendant à
fixer à 150 km à l'heure la vitesse maximale sur
autoroute, est une provocation. Vous saurez le rejeter.
Pour limiter la vitesse, on peut agir sur les comportements par la
répression, comme vous le faites. Cette méthode peut donner des
résultats, mais dès que la pression diminue, le naturel revient au
galop. Nous souhaitons, nous, définir une sécurité routière apaisée et
inscrite dans la durée.
Une deuxième méthode touche à la construction même des véhicules. La
quasi-totalité du parc automobile français est capable d'atteindre, sur
simple pression du pied, des vitesses interdites sur tout le réseau
routier. Or le code de la route dispose dans son article L.311-1 que
« les véhicules doivent être construits, utilisés, entretenus de façon à
assurer la sécurité de tous les usagers de la route. » Le bilan de la
sécurité routière nous interdit de nous abriter plus longtemps derrière
le prétendu immobilisme de l'Union européenne. Nous devons soit
convaincre nos partenaires que les véhicules ne doivent plus être
homologués s'ils peuvent notablement dépasser la vitesse supérieure
autorisée dans le périmètre de l'Union, soit en les avertissant que la
France prendra des mesures unilatérales pour limiter le nombre
effroyable de victimes.
Par ailleurs, les industriels doivent proposer les enregistreurs de
données qui permettent, en cas de choc, de reconstituer ce qui vient de
se passer. L'avenir de l'industrie automobile est lié, j'en suis sûr, à
moins d'accidents et à moins de pollution. Les constructeurs doivent
construire des véhicules structurellement moins dangereux.
La troisième méthode de limitation de vitesse consiste à brider les
moteurs et à installer des limiteurs de vitesse. Sur ce point, j'ai
trouvé une alliée prestigieuse en Mme Bernadette Chirac qui déclarait
dans Le Parisien du 13 janvier 2003, « Moi, je serais assez pour
le bridage des moteurs ». Il s'agit d'équiper les voitures d'un
dispositif limitant leur vitesse à une valeur correspondant au maximum
autorisé, ou à limiter la puissance maximale des moteurs. Cette
préconisation figure dans les conclusions du comité interministériel de
sécurité routière du 18 décembre dernier, mais vous ne l'avez pas
reprise ici. Je me suis moi-même porté candidat pour que ma voiture soit
bridée. J'invite mes collègues à en faire autant. M. Louis Schweitzer,
lors d'une rencontre avec un groupe de parlementaires dont le rapporteur
faisait partie, a évoqué une autre piste, celle des limiteurs
intelligents de vitesse. Ils sont à l'essai dans plusieurs pays
européens. Le principe consiste à aider les conducteurs à respecter
l'ensemble des limitations en vigueur. Pour cela, la vitesse autorisée
sur chaque tronçon est transmise au véhicule selon des techniques
variées. La question centrale n'est quasiment plus d'ordre
technologique, elle est celle de son acceptation sociale. L'Institut
belge pour la sécurité routière a ainsi réalisé une enquête auprès de
2 500 personnes, pour savoir si « ce fleuron de la technique passera un
jour dans le domaine public, permettant ainsi de sauver de nombreuses
vies ».
En Suède, le limiteur de vitesse est expérimenté dans quatre villes,
sur 5 000 véhicules. Aux Pays-Bas est testé un dispositif qui commande
automatiquement la vitesse par une action sur l'accélérateur. Au
Royaume-Uni, des expériences identiques sont menées.
Je n'ignore pas les arguments opposés à cette technique. Cependant
les limiteurs intelligents régulent la vitesse sur la base d'une
cartographie reliée par satellite aux voitures munies d'un
GPS. Les données cartographiques qui indiquent
toutes les limitations de vitesse sur l'ensemble des routes doivent être
mises à jour en permanence. De plus, des pannes dues à des facteurs
climatologiques peuvent brouiller les informations. C'est pourquoi nous
proposons que la France expérimente ce dispositif dans une région ou sur
un type de véhicule donné.
Deuxième oubli majeur du texte : les publics les plus exposés. On
n'est pas égaux devant le risque d'accident selon que l'on est jeune,
vieux, piéton, cycliste ou automobiliste. Le texte fait fi des piétons,
plus exposés en France qu'ailleurs à l'incivisme des automobilistes, y
compris sur les passages dits « protégés ».
M. Christophe Masse - C'est hélas vrai !
M. Armand Jung - A notre connaissance, le non-respect des
passages protégés fait l'objet de très peu de sanctions préventives.
Bien souvent, la sanction ne tombe qu'après l'accident et encore
n'a-t-elle rien d'automatique.
Les cyclistes paient eux aussi un lourd tribut aux accidents de la
route. Il est courant de fustiger leur parcours de funambule sur les
trottoirs ou leur défaut d'éclairage mais on n'a jamais vu un vélo
renverser une voiture ! Nous attendions de ce texte qu'il lance un
programme ambitieux de promotion de la bicyclette...
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports,
du logement, du tourisme et de la mer - Ce n'est pas son objet !
M. Armand Jung - Mais je ne désespère pas et j'ai du reste
rencontré M. Bussereau pour lui présenter la
proposition de loi que j'ai déposée à ce sujet et lui communiquer le
rapport que j'avais soumis au Gouvernement précédent. Nous espérions
ainsi que le texte soutiendrait les plans de déplacements urbains et
tendrait à généraliser les zones limitées à 30 km/h
en milieu urbain pour sécuriser piétons et cyclistes.
M. Christophe Masse - Voilà de bonnes mesures !
M. Armand Jung - Rien non plus pour les enfants d'âge scolaire
qui rejoignent leurs centres de vacances en autocar, souvent de nuit.
Après les accidents de sinistre mémoire de Beaune ou de Valence, nous
préconisons l'interdiction des transports scolaires par autocar entre
22 heures et 4 heures du matin. Tout le monde y est favorable :
associations de conducteurs professionnels, parents d'élèves, médecins.
Votre texte ignore de la même façon les accidents du travail mortels,
lesquels sont très souvent des accidents de la circulation. L'Etat
doit prendre l'initiative de doter tous ses véhicules de boîtes noires.
Le chapitre trois n'aborde que très partiellement la question
essentielle de la prévention. Il faut insister sur la nécessité
d'assurer un véritable continuum éducatif, de l'école maternelle à
l'apprentissage de la conduite. Une attestation de première éducation à
la route permettrait à l'enfant de se sentir plus concerné et d'acquérir
tout au long de sa scolarité une véritable culture de la sécurité
routière. C'est à ce prix que l'on fera changer les mentalités.
Plus globalement, comment ne pas déplorer que les crédits de la
prévention routière restent parmi les plus faibles d'Europe et que votre
projet n'y remédie pas ?
Monsieur le ministre, vous-même avez regretté le 15 mars dernier
qu'il n'existe pas d'agence européenne pour la sécurité routière alors
que de telles structures ont été constituées pour traiter de la sécurité
maritime, ferroviaire ou même alimentaire. Que n'avez-vous saisi
l'occasion d'introduire dans ce texte une telle proposition. Vous auriez
pu vous y référer pour convaincre nos partenaires européens d'avancer
dans cette voie.
L'engagement du Président de la République et du Gouvernement devait
se traduire dans une grande loi de sécurité routière. Dès lors, nous
regrettons que votre texte se concentre sur le volet
contrôles-sanctions. En voulant aller vite, vous
négligez la prévention et d'autres sujets essentiels. L'ambition
affichée par le Gouvernement appelait un examen plus approfondi et, au
minimum, la saisine pour avis de la commission des affaires économiques.
Pour toutes ces raisons, je défends au nom de mon groupe cette motion
de renvoi en commission afin d'aboutir à un texte plus complet et plus
équilibré. En l'état, il y a lieu de craindre que les bénéfices
immédiats tirés de la forte médiatisation du sujet ne s'estompent
rapidement.
La technologie permet aujourd'hui de limiter le risque. N'attendons
pas pour y recourir. N'attendons pas qu'un procès pour non-assistance à
personne en danger soit intenté à l'Etat ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe socialiste).
M. le Président - Sur la motion de renvoi en commission, nous
en venons aux explications de vote.
M. Hervé Mariton - Monsieur Jung a
développé nombre d'arguments pertinents mais le mieux est parfois
l'ennemi du bien. Le texte comporte des dispositions solides et
équilibrées : il faut le voter. Certes, vous avez évoqué non sans raison
la responsabilité des constructeurs ou notre devoir d'adopter des
dispositifs efficaces dans la durée mais il y a quelque contradiction à
nous reprocher aujourd'hui d'être trop répressifs après nous avoir fait
grief de ne pas l'être assez hier !
Le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).
M. René Dosière - Monsieur Jung a exposé
avec sérénité et conviction tous les motifs qui justifient d'approfondir
l'examen de ce texte. Ne voyez pas dans notre position une critique du
travail de notre rapporteur. Dans le délai très resserré - qui devient
habituel depuis le changement de majorité (Murmures sur les bancs du
groupe UMP et du groupe UDF) - Monsieur
Dell'Agnola a largement auditionné mais il
reconnaît lui-même dans son rapport écrit qu'il n'a pas disposé du temps
nécessaire pour affiner son point de vue sur la ratification des
ordonnances. Je déplore pour ma part que l'efficacité des dispositifs de
permis probatoire à l'étranger ne nous ait pas été démontrée de manière
plus argumentée.
Il est donc essentiel d'approfondir l'examen du projet. Pour autant,
Monsieur Mariton, nos réserves n'ont rien à voir
avec les critiques virulentes de l'opposition d'hier et nous n'avons pas
l'intention de saisir le Conseil constitutionnel sur l'automatisation
des sanctions ou sur la responsabilité pécuniaire du propriétaire du
véhicule que certains dans vos rangs qualifiaient naguère de
liberticides !
Nos divergences portent aussi sur le fait que le texte soit pollué
par des dispositions n'ayant aucun rapport avec son objet.
Disposé à un débat serein et loyal mais encore approfondi grâce à un
nouvel examen en commission, le groupe socialiste votera la motion de
renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. Gilles Artigues - Le groupe UDF ne la
juge pas justifiée. La commission s'est réunie trois fois et a
auditionné les ministres concernés, ainsi que « Monsieur sécurité
routière » du Gouvernement . Les débats vont se
poursuivre en séance publique ici-même aujourd'hui
et demain, puis au Sénat, et de nouveau dans cette enceinte en deuxième
lecture. Or, il y a urgence car le texte doit être applicable avant les
grands départs de l'été prochain. C'est pourquoi nous ne voterons pas la
motion de renvoi en commission
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).
M. le Ministre de l'équipement- Monsieur
Artigues, vous avez été le premier à rejeter une politique exclusivement
axée sur la répression, et avez insisté sur la formation du conducteur
et une politique de santé publique. Le Gouvernement y travaille, et un
décret sortira dans le courant du deuxième semestre pour associer la
médecine du travail à notre objectif. Ce projet de loi n'a pas vocation
à résoudre tous les problèmes de la sécurité routière, et M. Jung a beau
jeu de demander un renvoi en commission pour des propositions d'ordre
réglementaire, et qui seront prises dans le cadre d'une politique
générale de sécurité.
Monsieur Artigues, je salue votre enthousiasme
pour ce texte, et la justesse de votre ton pour évoquer les drames de la
route.
Mme Jambu doute de la détermination du
Gouvernement à se donner les moyens de sa politique. Qu'elle se
rassure ! Le budget de la sécurité routière ne sera pas touché par le
gel budgétaire, et s'élève à 54 millions d'euros, auxquels s'ajoutent
30 millions pour les plans régionaux d'action de sécurité routière
- 3 millions seront d'ailleurs consacrés au problème des glissières.
Quant à la communication, elle se voit dotée d'un budget annuel de
12,54 millions d'euros, et sera consacrée à la vitesse et à l'alcool. Si
l'on totalise la justice, la gendarmerie, la police, la recherche,
l'éducation nationale et les finances, l'effort global de la nation en
faveur de la sécurité routière excédera 1 500 millions d'euros.
Je rejoins le souhait de M. Mariton de
développer l'intermodalité, et j'irai fin mai
assister, sur place, à l'expérimentation du wagon
Modalor - il s'agit de camions portés par des
plates-formes ferroviaires.
Vous avez souligné à juste titre, Monsieur
Mariton, le caractère pédagogique du titre du projet et insisté sur la
valeur de l'exemplarité. Eh ! bien, oui, l'Etat sera exemplaire et j'ai
donné consigne à mon ministère d'acheter dès que possible des véhicules
équipés pour les uns de régulateurs de vitesse, pour les autres de la
puce mémoire dont l'expérience de la police municipale de Berlin a
démontré l'extraordinaire effet préventif. Tout le monde se met au
travail, à commencer par les constructeurs qui jusqu'à présent surtout
soucieux de la sécurité passive - air bag, systèmes de freinage -
devront désormais s'attacher à la sécurité active. Quant aux sociétés
d'autoroutes, elles achètent des pages complètes de la presse pour
appeler les conducteurs à la responsabilité. Enfin, les contrôles
d'alcoolémie ont augmenté de 30 % et les contrôles de vitesse, de 15 %.
Monsieur Dosière, vous avez voulu retarder ce
débat...
M. René Dosière - Le reporter !
M. le Ministre - C'est la même chose. Il faut agir un jour ou
l'autre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Un texte
est prêt, et même s'il n'est pas parfait, ne laissez pas passer cette
occasion d'_uvrer en faveur de la sécurité
routière. Ce projet contribuera à réduire le nombre de morts et de
blessés. Il faut donc le voter dès maintenant en attendant une prochaine
étape. Je vous remercie cependant d'avoir jugé avec objectivité l'action
du Gouvernement et d'avoir souligné que la majorité avait su évoluer. Si
nous sommes meilleurs dans la majorité, permettez-nous d'y rester
longtemps (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et
du groupe UDF).
Vous jugez notre texte trop répressif, mais le Gouvernement n'a pas
le monopole de la sécurité routière. Songez à toutes les initiatives
prises par les communes, les agglomérations, les départements ou les
régions !
Quant à vos interrogations sur le rôle du conseil national de la
sécurité routière, vous aurez des réponses précises dans un avenir
proche, car l'Etat compte renforcer son rôle d'orientation, d'impulsion
et d'expertise. Enfin, la répartition du produit des amendes entre les
collectivités locales et l'Etat ne sera pas modifiée.
Monsieur le Président Salles, vous avez souligné la pertinence du
permis probatoire, sur lequel vous aviez déjà déposé une proposition de
loi. Vous avez également évoqué les régulateurs de vitesse et
l'immatriculation des cyclomoteurs de moins de 50 cm3.
M. Sarkozy y travaille.
Monsieur Viollet, vous avez eu raison d'insister
sur le continuum éducatif, de la classe maternelle jusqu'à la formation
continue du conducteur. Par ailleurs, je retiens votre idée du
rendez-vous santé.
Monsieur Bertrand, votre projet d'un contrat d'objectif avec les
auto-écoles est intéressant et nous y travaillerons. Développer le
tropisme de la sécurité routière dans la pratique médicale est de
surcroît une excellente suggestion.
La prévention était un v_u de l'intervention de
M. Lambert qui s'est plaint des lacunes de ce texte, aussi ne puis-je
que le renvoyer aux décisions du
CISR.
Monsieur Luca, vous vous préoccupez de l'état de
nos infrastructures, qui ne sont pourtant pas de si mauvaise qualité
comparées à celles de nos voisins européens. Il faut tout de même les
optimiser, car des inégalités subsistent suivant les départements.
Monsieur Masse, vous souhaitez un dispositif plus ambitieux en milieu
scolaire. Nous ne pouvons que partager cet objectif. Nous sommes en
négociation constante avec les constructeurs, qui ont compris que la
sécurité était une des préoccupations de leurs clients. Vous avez dit :
« La route tue ». Il faut changer de vocabulaire. Ce n'est pas la route,
ni l'alcool, qui tuent, mais le comportement du conducteur.
M. François Rochebloine - Très bien !
M. le Ministre - Il faut cesser de rejeter sa faute sur des
facteurs extérieurs. Je vous le dis pour que nous fassions tous passer
les mêmes messages.
M. Delnatte souhaite intégrer l'apprentissage
des gestes qui sauvent à la formation des conducteurs. Il a raison.
M. Taugourdeau souhaite, à juste titre, que les
décideurs donnent l'exemple. Ainsi, le ministère de l'intérieur vient
d'adresser une circulaire aux préfets pour mettre fin à toutes ces
indulgences qui constituent des exemples déplorables. Donnez l'exemple,
lorsque vous êtes sollicités. Moi je ne le suis plus : on sait que ce
n'est pas la bonne adresse...
L'éthylotest électronique, c'est pour demain. Il sera vendu à un prix
modique afin qu'il reste accessible à tous. Il en ira de même du
modulateur.
M. Door a raison de considérer que la sécurité
routière doit devenir une véritable culture. S'agissant des aptitudes
médicales à la conduite, vous connaissez les engagements du
Gouvernement. Nous travaillons, avec le ministère de la santé, à
l'élaboration d'un décret.
M. Decool a insisté sur l'apprentissage anticipé
de la conduite. Cette formule existe déjà et je suis favorable à son
développement. Quant au stage que vous proposez, il faudrait s'assurer
qu'un tel dispositif est applicable dans un pays qui compte 30 millions
de conducteurs. Chaque fois que nous adoptons un dispositif
inapplicable, c'est toute l'autorité de l'Etat qui est affaiblie.
Monsieur Rochebloine, soyez assuré que le
Gouvernement fait le maximum pour améliorer les infrastructures. Les
collectivités locales doivent prendre leur part à cet effort et elles le
souhaitent. Proches des citoyens, elles savent bien que le moindre
défaut de signalétique leur sera reproché.
Dans votre discours très équilibré, vous avez montré la
complémentarité de la sanction et de la prévention. Il n'y a de
répression qu'en cas d'infraction. Si tout le monde respecte les règles,
il n'y a plus de répression. Ce texte est surtout dissuasif ; les
mesures répressives ne visent qu'à donner un coup d'arrêt à la violence
routière.
Monsieur Jung, après avoir entendu votre longue et intéressante
démonstration, je vous le dis franchement : ce texte n'a pas besoin
d'être renvoyé en commission. Vous avez affirmé qu'il était
exclusivement répressif. Ce n'est pas le cas. D'une part, il s'intègre
dans un ensemble de textes et d'actions en faveur de la sécurité
routière. D'autre part, toutes ses dispositions ne sont pas répressives.
Le permis probatoire, l'allongement de l'épreuve pratique, est-ce de la
répression ? Quand nous faisons dépendre les inspecteurs du permis de
conduire du directeur départemental de l'équipement au lieu de la Grande
Arche de la Défense, nous ne faisons pas de répression.
La loi Dell'Agnola n'était pas répressive et le
Gouvernement avait approuvé cette excellente proposition.
Le décret qui va fixer des critères médicaux d'aptitude à la conduite
n'est nullement répressif.
Vous nous avez parlé d'un « texte inachevé ». En réalité, notre
démarche ne sera jamais achevée tant qu'il y aura du danger sur nos
routes. Mais le travail de la commission, de son président et de son
rapporteur a été remarquable, si bien que le texte peut être maintenant
discuté.
Vous avez parlé de vitesse et de publicité. Or une grande marque
étrangère d'automobile vient de couvrir nos murs de panneaux
publicitaires sur le thème de la sécurité de ses véhicules. N'y a-t-il
pas là l'indice d'un petit changement culturel ?
M. Jean-Louis Idiart - C'est très
opportuniste.
M. le Ministre - Ne critiquons pas une bonne initiative.
Certains ont cité Mme Chirac, qui souhaite elle aussi que les véhicules
soient moins rapides. La bonne façon de procéder, c'est de donner
l'exemple. On n'a pas toujours besoin d'une loi. Ainsi, les
limitateurs adaptés à la vitesse autorisée sont
testés en Ile-de-France. Cela n'entre pas dans le cadre d'une loi, mais
nous encourageons et nous suivons de près ces tests. S'ils sont
concluants, nous les multiplierons et nous équiperons les véhicules de
l'administration, pour donner l'exemple.
Vous avez suggéré de brider les véhicules. Mais est-ce bien
responsabiliser les conducteurs ? On nous parle souvent des conducteurs
américains ; ils roulent très doucement, alors qu'ils disposent de
voitures à huit cylindres qui pourraient aller vite. En outre, que faire
du parc actuel ? Paradoxalement, ce seraient les voitures neuves qui,
bridées, iraient moins vite que les véhicules anciens. Quid des
véhicules venant de l'étranger ? Quid des Français qui voudraient
rouler à 140 km/h sur une autoroute allemande ? En
outre, brider un véhicule à 130 km/h ne résoudrait
pas le problème en ville, où la vitesse est limitée à 30 ou à 50
km/h. Ce n'est donc pas la solution.
Sur les vélos, vous êtes comblé, puisque je viens de prendre un
décret pour protéger les cyclistes en ville.
S'agissant des autocars, j'ai été le plus volontariste des ministres
européens des transports en réclamant, au cours du dernier conseil
européen, que tous les cars de transport scolaire soient équipés de
ceintures de sécurité. J'ai même obtenu que le délai ne soit que de cinq
ans, au lieu de sept ou huit. Ces transformations exigées coûtent cher,
les conseils généraux en savent quelque chose. C'est notre Gouvernement
qui a fait prendre cette mesure à l'Europe.
Je ne veux pas retarder notre débat. Revenir en commission, ce serait
perdre du temps (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du
groupe UMP).
M. Richard Dell'Agnola - Nous avons un
débat de qualité, sérieux, qui va au fond des choses et le ton modéré de
chacun montre que nous partageons les mêmes préoccupations. En fait,
nous vivons un moment rare et précieux où se rencontrent volonté
politique, accueil favorable des Français et résultats positifs. Je
crains donc qu'un retard pris dans l'adoption des mesures législatives
n'inverse cette tendance favorable et ne soit préjudiciable à la
sécurité routière. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à repousser la
motion de renvoi.
La motion de renvoi en commission,
mise aux voix, n'est pas adoptée.
M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet
de loi dans le texte du Gouvernement.
ARTICLE PREMIER
M. François Sauvadet - Le ministre a bien
posé l'enjeu d'un débat qui doit être digne car le sujet est capital.
Cet article va dans le sens que nous souhaitons tous en aggravant les
peines pour les faits les plus graves, liés à la grande vitesse et à
l'alcool, dont nous savons qu'ils sont les premières causes de mortalité
sur nos routes. Mais c'est moins la question des seuils qui doit être
posée que celle de leur strict respect.
M. Christian Estrosi -
Absolument !
M. François Sauvadet - C'est pourquoi je
pense qu'il faut se garder de toute surenchère. Ainsi, abaisser le seuil
d'alcoolémie à 0,1 ou 0,2 serait irréaliste.
M. François Rochebloine - Et
démagogique...
M. François Sauvadet - De même, augmenter
la vitesse autorisée donnerait un signe négatif.
Pour que les règles en vigueur soient respectées, il faut engager
chacun à adopter un comportement responsable. Plus de 60 % des victimes
d'accidents n'en étaient pas responsables. N'oublions pas, quand on
parle ici de liberté individuelle, qu'elle passe, d'abord, par le
respect des autres. Oui, quand on va trop vite, quand on a trop bu, on
peut provoquer des accidents graves, faire perdre la vie à autrui.
Si, par ce débat, nous parvenons à ce qu'il y ait moins de morts,
moins de familles endeuillées, moins de blessés graves, nous aurons été
fidèles à notre conception de l'intérêt général et à l'image responsable
du Parlement que nous voulons donner (Applaudissements sur les bancs
du groupe UDF, du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe
socialiste).
M. Marc Le Fur - Face au scandale des morts sur les routes, de
ces jeunes vies brisées de ces familles déchiquetées, nous voulons
mettre un terme à la fatalité. Agir suppose d'abord de bien identifier
les causes de ces accidents : les conducteurs, bien sûr, mais aussi les
véhicules, les routes, l'environnement.
S'agissant des conducteurs, oui, il faut des sanctions quand elles
sont nécessaires : retrait de permis et, éventuellement, prison. Mais je
continue, pour ma part, à avoir quelque réticence à assimiler le
délinquant routier à un voleur, à un assassin, à quelqu'un qui s'en
prend aux enfants ou aux vieillards. Car la délinquance routière a ceci
de particulier que nous sommes tous, potentiellement, victimes et
délinquants.
Mme Chantal Brunel - Très bien !
M. Marc Le Fur - J'ajoute que le retrait du permis n'a pas les
mêmes effets pour tous nos concitoyens : à la campagne, il signifie
l'interruption de toute vie sociale. Je souhaite que les instructions
que vous donnerez en tiennent compte, Monsieur le ministre.
N'oublions pas que la route est elle-même à l'origine de bien des
accidents. Il y a, là aussi, des inégalités entre les autoroutes, qui ne
font pas plus de 300 à 500 morts par an, et nos routes départementales
et nationales, trop souvent à 2 ou à 3 voies et donc très
accidentogènes. C'est là qu'il faut faire porter
l'effort, d'autant que le contrat de plan actuel a une orientation très
« anti-route », pour les raisons idéologiques que l'on sait (« Très
bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations
sur les bancs du groupe socialiste).
Les véhicules sont aussi la cause de nombre d'accidents. Je salue les
efforts déjà accomplis par les constructeurs, mais nous devons nous
interroger sur l'opportunité d'un enregistrement, comme à bord des poids
lourds, et d'un bridage. Car il y a quand même un paradoxe à limiter la
vitesse et à tolérer la vente, y compris à de jeunes conducteurs
inexpérimentés, de véhicules pouvant atteindre 250
km/h... Je mesure la difficulté de l'exercice. Mme Chirac a posé le
problème, l'opinion aussi (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP et du groupe UDF).
M. Christian Estrosi - J'approuve de
toutes mes forces la politique que mène le Gouvernement et qui commence
à porter ses fruits. Je suis adepte de l'impunité zéro tant pour les
délinquants ordinaires que pour les délinquants routiers.
En faisant respecter les règles en vigueur, le Gouvernement donne une
leçon de civisme à nos concitoyens et obtient des résultats, avant même
l'adoption des mesures qui nous sont aujourd'hui proposées. Pour autant,
il est indispensable de procéder à ces modifications pour obtenir des
résultats meilleurs encore.
Nous sommes ici un certain nombre qui nous intéressons depuis
longtemps à ce sujet et je me sens, pour ma part, tout à fait fondé à
faire des propositions, ne serait-ce que pour prendre date, pour faire
avancer le débat. Je remercie d'ailleurs le Gouvernement d'avoir fait
preuve de son ouverture d'esprit vis à vis des propositions de la
commission.
En ce qui concerne l'alcoolémie, je suis tout à fait incapable de
dire si le taux doit être encore réduit, voire fixé à zéro comme dans
certains pays nordiques. Laissons les spécialistes trancher.
J'avoue la même incompétence sur les limitations de vitesse.
J'observe simplement que le seuil de 130 km/h a été
fixé il y a 30 ans, en plein choc pétrolier. Si l'on avait alors choisi
110 km/h, on peut être sûr que celui qui
proposerait de le porter à 130 s'attirerait des critiques cinglantes...
La vitesse tue, mais là où elle est vraiment dangereuse, et où
l'est-elle ? Le ministre mentionnait ces entrées d'agglomération
rectilignes, où la limitation à 50 km/h n'a guère
de sens tandis qu'en agglomération elle est parfois insuffisante - et
les piétons sont souvent les victimes des excès de vitesse. J'ai déposé
un amendement à ce sujet. De même, laisser un poids lourd de 38 tonnes
rouler à 90 km/h, c'est mettre en danger les autres
automobilistes.
M. François Sauvadet - Sur ce point nous
sommes d'accord.
M. Christian Estrosi -
A l'inverse, sur quelques centaines de
km d'autoroutes larges et bien droites, pouvoir
dépasser de 10 ou 15 km la limitation à 130 pour
doubler améliore plutôt la sécurité. Le cas de l'Allemagne l'illustre
bien, l'Italie passera à 150 km/h au premier juin
et, aux Etats-Unis l'expérience du Montana est positive. Donc, sans
toucher au texte du Gouvernement, ne nous interdisons pas d'ouvrir la
réflexion sur la révision de certaines normes.
Un mot enfin sur les infrastructures. Certaines, autoroutières, sont
excellentes, mais une partie de la voirie nationale est parmi les plus
mauvaises d'Europe.
M. François Sauvadet - La
décentralisation arrive.
M. Christian Estrosi - La seule solution
pour rattraper le retard, c'est le contrat de plan. Actuellement, dans
mon département malgré toutes les demandes des élus locaux il est
impossible d'obtenir des services déconcentrés de l'Etat un séparateur
de chaussées sur une nationale à trois voies extrêmement dangereuse. Il
reste 150 points noirs sur le territoire. Je souhaite prendre date pour
un grand débat national afin de les résorber tous
(Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. René Dosière - On verra comment ce
sera réglé avec votre décentralisation !
M. Richard Dell'Agnola, rapporteur de la
commission des lois - L'amendement 166 de M. Houillon,
repris par la commission, est rédactionnel.
M. le Ministre - Favorable.
M. Hervé Mariton - La distinction entre
faute et maladresse est-elle seulement rédactionnelle ?
M. le Rapporteur - Il s'agit d'harmoniser l'article 221-6-1 du
code pénal avec l'ensemble de l'article 221-6 qui ne fait pas référence
à la faute.
L'amendement 166, mis aux voix, est
adopté.
L'amendement 186 tombe.
M. Marc Le Fur - Je voudrais le transformer en
sous-amendement.
M. le Président - C'est trop tard.
M. Franck Marlin - Pour mieux sanctionner la vitesse
excessive, cause majeure de mortalité sur la route, on ne peut retenir
comme circonstance aggravante le dépassement de 50 km
de la vitesse autorisée. Outre qu'il est difficile d'établir la réalité
de cet excès de vitesse, cela laisse supposer qu'il y a une marge
tolérable, alors que nous voulons la tolérance zéro. L'amendement 92 de
MM. Fenech et
Martin-Lalande retient donc plutôt comme circonstance aggravante la
notion de vitesse manifestement excessive, laissée à l'appréciation du
juge.
M. le Rapporteur - Il est vrai qu'en cas de choc par exemple,
faute de procédure d'enregistrement il sera difficile de prouver que
l'automobiliste excédait de plus de 50 km/h la
vitesse autorisée. Mais la rédaction proposée est trop vague. Les
circonstances aggravantes entraînent de telles augmentations de peines
qu'il faut mieux les définir. Avis défavorable.
M. le Ministre - Le Gouvernement ne peut être favorable à un
amendement qui introduit une appréciation subjective dans la définition
d'une infraction.
L'amendement 92, mis aux voix, n'est
pas adopté.
M. le Rapporteur - L'amendement 20 est rédactionnel.
L'amendement 20, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article premier, ainsi amendé, mis
aux voix, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE PREMIER
M. Christian Vanneste - Mon amendement 98
fixe le taux d'alcoolémie autorisé sur la route à 0,20 ce qui, compte
tenu de l'excellente remarque du Président de la commission sur la
fermentation naturelle, signifie en fait un taux zéro : entre boire et
conduire, il faut choisir. France et Portugal, qui ont le taux
d'alcoolémie le plus tolérant ont aussi le plus grand nombre
d'accidents. À 90 km/h, avec un taux de 0,5 gramme,
il faut 13 mètres de plus pour freiner. De plus, 85 % des accidents dus
à l'alcoolisme ne sont pas le fait de buveurs réguliers, mais
occasionnels. On évoque souvent la tradition française, le rôle
convivial de l'alcool ; il faut aussi en mesurer le danger. On prend
parfois prétexte de la tolérance envers le tabac et l'alcool pour faire
accepter la drogue ; à ce cercle vicieux, préférons un cercle vertueux
en revenant sur l'autorisation actuelle de conduites
addictives comme l'alcoolisme.
J'ai présidé pendant quatre ans la commission santé de ma région. Or,
dans certains secteurs, le taux de mortalité précoce due à l'alcool
atteint 600 %. Il est temps de déclencher en France une véritable
révolution culturelle. Profitons de ce projet pour le faire : quand on
prend le volant, on doit être à jeun.
M. le Président - M. Sauvadet, député de
Bourgogne, s'exprime contre l'amendement.
M. François Sauvadet - Je ne m'exprime
pas ici comme député de Bourgogne. J'ai condamné fermement les
déclarations laissant croire que notre comportement serait dicté par des
lobbies. Nous sommes les représentants de la nation et nous défendons ce
que nous croyons être l'intérêt général (Applaudissements sur les
bancs du groupe UMP).
Je suis d'accord avec M. Vanneste : il faut
lutter résolument contre l'alcoolisme, en particulier en sensibilisant
nos jeunes, dont un trop grand nombre s'adonnent à la boisson. Oui, il
faut aussi lutter contre la conduite en état alcoolique, qui est l'une
des causes essentielles d'accidents. Mais le seuil retenu doit d'abord
être reconnu. La communauté scientifique approuve le seuil à 0,5. Plutôt
que de le baisser, l'importance aujourd'hui est de le faire respecter,
en sanctionnant les comportements qui mettent en danger la vie d'autrui,
et en frappant plus lourdement les multirécidivistes.
Je propose donc de repousser l'amendement (Applaudissements sur
les bancs du groupe UMP).
M. Hervé Mariton - Le groupe UMP partage
cet avis. En toutes choses, l'excès nuit. La règle actuelle est bien
comprise dans notre pays, et ce qu'il faut, c'est l'appliquer avec plus
de constance. Peut-être les règles applicables aux récidivistes
devraient-elles être plus sévères.
M. le Rapporteur - Avis défavorable. Pourquoi changer les
règles ? L'important est de les appliquer. Aujourd'hui, la probabilité
d'être contrôlé pour alcoolémie dépasse dix ans.
M. le Ministre - Le Gouvernement s'est donné pour objectif de
bien appliquer les règles existantes. Les gens commencent à savoir ce
que représente concrètement 0,5 gramme : deux verres de douze
centilitres de vin à 11 degrés. Nous avons augmenté le nombre de points
enlevés en cas d'infraction entre 0,5 et 0,8 gramme. Ce taux
d'alcoolémie devient une circonstance aggravante en cas d'homicide ou
blessures involontaires. Le CISR a décidé de renforcer les équipements
des forces de l'ordre pour effectuer des contrôles. Déjà, depuis
quelques mois, le nombre de contrôles a augmenté de 30 %.
Le Premier ministre a déclaré qu'en cas d'échec de ces dispositifs,
il était prêt à réétudier cette question.
M. Christian Vanneste - Je voulais lancer
un débat, sans nourrir trop d'illusions sur son issue. J'ai apprécié le
sérieux des réponses qui m'ont été apportées. Peut être suis-je un peu
en avance !
L'amendement 98 est retiré.
ART. 2
M. Philippe Vitel - 8 000 morts chaque
année sur la route, c'est beaucoup trop ! Il n'y a pas de fatalité à ce
carnage. Le plan anti-chauffards que nous étudions aujourd'hui est le
préalable indispensable à la lutte contre ce fléau. Oui, il faut être
impitoyable vis-à-vis des comportements quasi terroristes de certains
conducteurs dont les méfaits gonflent les effroyables statistiques des
week-ends de départ et de retour de vacances.
Oui, il est nécessaire de placer les débuts des citoyens
automobilistes sous l'épée de Damoclès du permis probatoire. Toutes ces
décisions doivent préluder à une nouvelle politique de sécurité routière
marquée par une évolution de la réglementation, une amélioration des
comportements et une mise à niveau de notre réseau routier. Il est
urgent de résorber à bref délai les 150 points noirs les plus dangereux.
Cependant, tous les automobilistes ne sont pas des éthyliques et des
drogués violant en permanence les règles du code de la route. Mais il
est temps de faire comprendre à tous les conducteurs qu'aucun
déplacement n'est exempt de risque, que les plus petites erreurs peuvent
avoir des conséquences catastrophiques. Chaque conducteur sait-il bien
qu'il doit avoir les deux mains disponibles pour exécuter toutes les
man_uvres exigées par la situation ? Le code de la
route, dans son article R. 412-6, est très clair sur ce point. Aussi le
fait de fumer en conduisant me paraît aussi dangereux que l'utilisation
du téléphone portable.
M. François Rochebloine - Très bien !
M. Philippe Vitel - J'ai déposé un
amendement destiné à interdire l'usage du tabac au volant, pour
compléter l'article R. 412-6.
Aujourd'hui, des règles existent. Ce projet nous donne les moyens de
le faire pleinement respecter. Demain, donnons nous les moyens de les
faire évoluer, comme de faire évoluer les comportements de ceux qui
doivent s'y soumettre. Le conducteur du futur devra pouvoir comprendre
l'utilité de ces règles, pour les intégrer et adopter ainsi une attitude
plus sécuritaire pour lui et pour les autres. Lançons sans tarder le
grand chantier de l'évaluation des pratiques, qui nous permettra de
prendre des décisions propres à nous rapprocher de l'objectif ultime :
zéro mort sur les routes (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP).
M. le Rapporteur - L'amendement 167 est de coordination.
M. Marc Le Fur - L'article 2 tend à sanctionner la maladresse
au volant par une peine pouvant aller jusqu'à trois ans
d'emprisonnement. Je suis surpris que la maladresse puisse être assortie
d'une telle peine. Je comprends qu'en cas de maladresse on retire la
capacité de conduire à l'automobiliste, mais le mettre en prison, c'est
autre chose ! Quel est l'intérêt de la prison dans cette hypothèse ? On
me répondra que l'on peut compter sur la sagesse du juge pour apprécier.
Mais on peut tomber sur un juge qui sanctionnera la « maladresse » de
trois ans de prison. N'est-ce pas inquiétant ? Le sous-amendement 187
rectifié vise à supprimer la référence à la notion de maladresse.
M. le Rapporteur - Défavorable. L'article du code pénal auquel
se rapporte l'article 2 fait explicitement référence à la notion de
« maladresse » à laquelle s'attache une abondante jurisprudence. Il ne
saurait être question de le modifier à la faveur de ce texte.
M. le Ministre - Même avis. Le langage courant n'accorde pas à
la notion de maladresse la même portée que la langue juridique ; elle
figurait déjà dans le code pénal de 1810. On ne peut mettre à mal deux
siècles de construction juridique à la faveur d'un tel sous-amendement.
Que M. Le Fur se rassure cependant. Il est improbable qu'un juge,
soucieux de respecter le principe de valeur constitutionnelle de la
proportionnalité de la peine - encore affirmé dans la décision du
Conseil constitutionnel du 13 mars 2003 relative à la loi pour la
sécurité intérieure - inflige de la prison ferme à l'auteur d'une simple
« maladresse » au sens courant du terme. Mais l'opinion ne comprendrait
pas que le législateur restreigne par le présent texte le champ de
l'homicide involontaire !
M. Hervé Mariton - Comprenons-nous bien.
Comme l'a fort justement relevé M. Le Fur, notre souci est bien que la
notion de maladresse ne s'applique pas de manière trop extensive et que
le champ de l'homicide involontaire s'en trouve exagérément élargi.
Monsieur le ministre invoque la tradition juridique mais ne
sommes-nous pas investis du pouvoir de dire le droit ? Le groupe UMP ne
souhaite pas mettre à mal l'édifice construit par le Gouvernement ou
aller contre notre rapporteur mais nous demandons des explications
complémentaires sur ce que recouvre exactement l'expression de
« maladresse ». Vous renoncez à faire référence à la notion de « faute
de maladresse ». On peut le comprendre mais elle traduisait bien l'idée
d'une responsabilité individuelle. Dans bien des cas, les accidents ne
surviennent pas parce que la fatalité vous accable. Ils sont dus à votre
comportement.
Puisque le Président Clément nous a rejoints, peut-il nous éclairer ?
M. le Ministre - Je remercie Messieurs Le Fur et
Mariton pour leurs demandes d'explications
complémentaires qui me permettent de préciser les choses. L'article
221-6 du code pénal dispose que « le fait de causer, par maladresse,
imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la mort
d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans
d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ».
On peut disserter à l'infini sur ces différentes notions
-« maladresse, inattention, négligence... ». Il me semble plus sage de
faire confiance au juge qui sait apprécier les circonstances de l'espèce
pour prononcer la peine adaptée et s'inspirer s'il en est besoin de la
jurisprudence.
Par ailleurs, en cas de simple maladresse, le juge pourra prononcer
comme peine principale, en lieu et place de l'emprisonnement, les peines
prévues comme complémentaires à la mise en détention. Si besoin est, une
circulaire viendra préciser les choses.
Je suis persuadé que ces explications vous convaincront de ne pas
ébranler un édifice juridique vieux de deux siècles et où chaque mot à
son sens !
M. Marc Le Fur - Vos explications sont en effet de nature à
nous rassurer.
Le sous-amendement 187 rectifié est
retiré.
L'amendement 167, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. le Rapporteur - Les amendements 21,22 corrigé et 23 sont
rédactionnels.
Les amendements 21, 22 corrigé
et 23, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont
adoptés.
L'article 2 modifié, mis aux voix, est
adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
M. Jean-Paul Garraud -
L'amendement 24 a suscité des commentaires parfois contradictoires et je
regrette notamment que Monsieur Floch ne soit plus
là pour en débattre.
MM. Jean-Louis Idiart et Christophe Masse -
Nous sommes là !
M. Jean-Paul Garraud - Il n'a pas pour
objet de mettre en cause le statut de l'embryon ou l'IVG.
Il se borne à tenter d'apporter des solutions à la détresse des femmes
enceintes qui perdent leur enfant à naître du fait d'un accident de la
circulation. Le cas n'est pas prévu par notre droit. Il nous appartient
de combler ce vide juridique, et je propose à cet effet d'introduire
deux nouveaux articles dans notre code pénal - les articles 223-11 et
223-12. Dans une décision du 29 juin 2001, la Cour de cassation a eu à
connaître du cas d'une femme enceinte de six mois ayant perdu son enfant
viable à naître du fait de l'accident de la circulation causé par un
chauffard en état d'ivresse. Par référence à une décision antérieure aux
termes de laquelle le f_tus ne peut être assimilé à
une personne, la Cour de cassation n'a pas retenu pour cet acte la
qualification d'homicide involontaire - au motif notamment que pour
mourir, il faut d'abord naître.
Nous ne pouvons nous satisfaire du vide juridique qui persiste à ce
sujet, alors que plusieurs cas d'accidents analogues surviennent chaque
année. Plusieurs associations s'en sont émues, à l'instar du collectif
des « parents orphelins » qui appelle notre attention sur le drame
humain que vivent les familles confrontées à de telles situations. Nous
nous situons exclusivement sur le terrain de la
protection de la future mère. Il n'y a pas lieu de se prononcer dans le
cadre du présent texte sur le statut de l'enfant à naître. La question
du commencement de la vie relève de la bioéthique et il faudra bien s'y
attaquer un jour, mais sans doute dans le cadre d'un texte spécifique.
L'article 223-10 du code pénal dispose déjà que « l'interruption de
la grossesse sans le consentement de l'intéressée est punie de cinq ans
d'emprisonnement. » Si le fait pour un individu de frapper
intentionnellement une femme enceinte pour qu'elle perde son enfant est
sanctionné à l'article 223-10 du code pénal, rien n'est prévu lorsque le
même résultat est obtenu involontairement.
L'article 223-11 concernerait donc le fait d'un tiers, et le 223-12
la faute de conduite, tout en imposant l'existence d'un lien de
causalité certain entre la faute du tiers et l'interruption non
volontaire de grossesse - la loi Fauchon du 10 juillet 2000 qui
restreignait la responsabilité pénale en cas de faute non intentionnelle
n'est donc pas remise en cause.
M. le Président - Je suis saisi par le
groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur le vote de
l'amendement 24.
M. Michel Hunault -
L'amendement 90 vise - comme le 24 - à combler un vide juridique. En
l'état actuel du droit, toute personne ayant commis
un acte de négligence ou d'imprudence entraînant la mort d'un enfant à
naître échappe à des poursuites pénales. La Cour de cassation a jugé que
le fait, pour un automobiliste, de causer la mort d'un enfant à naître
ne relevait pas de la responsabilité pénale, quel que soit le degré de
développement du f_tus. Si l'amendement 24 tend à
instaurer un délit d'interruption non volontaire de grossesse, le nôtre
étend la protection à l'enfant in utero. Un texte sur la sécurité
routière peut-il cependant donner lieu à un débat sur le statut de
l'enfant à naître ?
M. le Rapporteur - Si l'amendement de M. Garraud
s'en tient à l'interruption involontaire de grossesse, celui de M. Hunault
aborde des questions de bioéthique. La commission a donc rejeté le
second pour retenir le premier.
M. le Ministre - Comme le Garde des Sceaux l'a affirmé,
l'amendement 24 comble une lacune de notre droit. Le nouveau code pénal,
déposé par M. Badinter en 1986, et adopté à l'unanimité par le Parlement
en 1992, réprime, par son article 223-10, le fait de causer
volontairement une interruption de grossesse sans le consentement de la
femme enceinte. Mais rien n'est prévu en cas d'atteinte involontaire,
d'où il résulte un vide juridique difficilement compréhensible pour les
victimes. La proposition de M. Garraud ne touche
pas aux questions de bioéthique...
M. Jean-Marie Le Guen - C'est honteux.
Vous remettez en cause un consensus !
M. le Ministre - Qu'est-ce qui vous
prend ? Vous arrivez, et vous attaquez tout de go ! Sans soulever de
question philosophique, elle améliore la protection de la femme
enceinte. Je suis favorable à l'amendement 24, et défavorable au 90 s'il
n'est pas retiré.
M. le Président - Je souhaiterais que les
débats conservent leur sérénité.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec -
Lorsqu'un accident de la circulation provoque la perte d'un
f_tus, l'ultime horreur est atteinte, mais au-delà
de la compassion éprouvée pour ces femmes et ces hommes, cet amendement
est juridiquement inacceptable dans le cadre d'une loi sur la
circulation routière.
La Cour de cassation, en séance plénière, a contesté l'imputation
d'homicide involontaire lorsque les faits avaient provoqué la perte d'un
enfant à naître ou d'un f_tus, au motif que cela
relève des textes particuliers sur l'embryon ou le
f_tus, et non de la loi pénale.
Mais cela ne veut pas dire que la Cour ait constaté un vide
juridique : elle a dit que le problème ne se posait pas, ce qui est
différent.
Par ailleurs, avant d'introduire l'incrimination de l'article
L. 223-12, il faut créer une incrimination générale sur la mise en cause
de la vie de l'enfant à naître, et donc déterminer si l'enfant à naître
est ou non une personne. On ne peut échapper à ce débat.
La Cour de cassation ne nous a jamais demandé de créer un nouvel
article 223-11.
De plus, les deux amendements renvoient au « consentement de la
mère » alors qu'il n'est pas possible d'articuler cette notion avec les
éléments constitutifs du délit.
Enfin, si le conducteur est le père, celui-ci sera-t-il incriminé ?
Ce débat ne peut avoir lieu dans le cadre d'une discussion sur la
sécurité routière. Monsieur le ministre, je vous en conjure, faites
retirer ces amendements.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois -
M. Le Bouillonnec a fait une analyse approfondie de
l'amendement défendu par M. Garraud. Il est
parfaitement vrai que celui-ci a été obligé de créer une incrimination
générale pour déboucher sur les cas d'accidents de la route. Mais je
vous fais remarquer que, dans la quasi-totalité des cas jugés,
ce sont bien des accidents de la route qui sont à l'origine du drame.
Cette remarque n'invalide pas votre raisonnement, mais elle explique en
quoi l'amendement se relie au projet.
Une femme perd son enfant, à six mois de grossesse, dans un accident
de voiture. La loi permet de déclarer le décès de l'enfant à la mairie.
Ainsi, l'enfant figure à l'état civil comme décédé, mais il ne peut y
avoir de responsabilité pénale !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec -
L'inscription est sans conséquence juridique.
M. le Président de la commission - L'enfant est tout de même
inscrit à l'état civil. Refuser l'incrimination, c'est aggraver la
douleur de la mère, qui ne pourra faire son travail de deuil.
Il est vrai que l'incrimination générale permettra aussi d'engager la
responsabilité pénale des médecins. Et que se passera-t-il si le
conducteur est le père de l'enfant ?
Je veux tout de même vous montrer que M. Garraud
n'a pas tout à fait tort. Si l'enfant à naître meurt, il ne se passe
rien. Mais s'il naît handicapé des suites de l'accident, il est possible
d'engager la responsabilité pénale du conducteur. On en arrive donc à ce
paradoxe incroyable qu'il vaut mieux tuer l'enfant ! Vous voyez bien
qu'il y a un vide juridique.
Je donne raison à M. Le Bouillonnec sur
l'existence, obligatoire, d'une incrimination générale. En outre, il
faudrait rectifier l'amendement 24 en remplaçant un « ou » par un
« et ». J'ajoute que, si M. Garraud n'avait pas
pensé à ce problème, nous aurions pu le laisser passer ; mais maintenant
qu'il nous y a fait penser, nous avons l'obligation morale de combler ce
vide juridique.
M. Garraud a pris soin de ne pas déborder sur
les questions de bioéthique. Son amendement ne fait qu'engager la
responsabilité pénale du conducteur. Des mères crient aujourd'hui à
l'injustice. Nous devons régler ce problème (Applaudissements sur les
bancs du groupe UMP et du groupe UDF).
M. Jean-Marie Le Guen - Je respecte
toutes les options philosophiques et spirituelles. Je comprends que mes
collègues, partant de sentiments généreux ou de cas particuliers,
défendent leur philosophie de la vie. Cependant, si j'ai violemment
protesté, c'est parce que le Gouvernement, qui a tous les moyens de
savoir de ce dont il parle, a prétendu que la Cour de cassation nous
avait incité à légiférer. C'est faux. Venant du Gouvernement, une telle
affirmation est inacceptable. Je considère cela comme une
man_uvre, qui n'augure rien de bon à la veille du débat sur la
bioéthique.
Par ailleurs, le président de la commission nous a dit qu'il n'y
avait pas d'incrimination pénale possible : c'est vrai pour l'enfant,
mais pas pour la mère. Il y a bien une incrimination.
Nous sommes dans un débat qui se relie à la problématique de l'arrêt
Perruche. Les argumentations que nous entendons se fondent sur des
glissements sémantiques.
Ceux qui s'intéressent à ces questions le savent : comme il est
difficile de remettre en question l'IVG, ces amendement offrent un biais
à ceux qui ne sont pas satisfaits de notre législation dans ce domaine !
M. le Président de la commission - Vous ne pouvez dire cela
que de l'amendement de M. Hunault.
M. Jean-Marie Le Guen - Il a au moins le
mérite d'être direct. L'autre n'est qu'un leurre. Nous ne sommes pas
complètement naïfs.
Le drapeau déployé pour l'un, furtivement pour l'autre, ces deux
amendements ne visent qu'à créer du droit pour aboutir à ce que la
représentation nationale et - jusqu'alors - le Gouvernement avaient
toujours refusé de faire : définir un statut juridique du
f_tus. Cela ne serait pas sans conséquence à la
veille du débat sur la bioéthique. Le Gouvernement est en train de
reculer.
En outre, le dispositif proposé est à double détente. Il semble
signifier que battre sa femme, si on n'a pas l'intention de la faire
avorter, est moins grave qu'avoir un accident de voiture. Avouez qu'une
telle disposition a quelque chose de dérisoire.
En rouvrant le débat sur l'arrêt Perruche, c'est tout le problème de
la responsabilité pénale des actes médicaux que vous posez à nouveau, au
risque de provoquer un imbroglio juridique source de contentieux, et de
remettre en cause le consensus existant sur cette question. Vraiment, à
vouloir faire preuve de trop de finesse, vous commettez une erreur
grossière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Ministre - Vos procès d'intention sont insupportables !
Nous ne rouvrons pas le débat sur l'arrêt Perruche, puisque nous nous
attachons à la protection de la femme et non à celle du
f_tus ou de l'enfant à naître.
M. Jean-Marie Le Guen - Vous n'y
connaissez rien ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)
M. le Ministre - M. Clément a fait une démonstration
moralement forte, qui ne risquait de heurter personne... Ecoutez au
moins la réponse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
Quant à moi, je vous ai simplement dit que l'Assemblée plénière de la
Cour de cassation - c'est-à-dire l'instance la plus solennelle sur un
problème de droit civil - a statué et que son arrêt de juin 2001 a mis
en évidence un vide juridique (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP).
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je demande
la parole pour répondre au ministre.
M. le Président - Vous
vous êtes exprimé. Je donne la parole à M. Mariton,
qui me l'a précédemment demandée, puis nous passerons au vote
(Protestations sur les bancs du groupe socialiste).
M. Hervé Mariton - L'UMP
soutient cet amendement qui vise à protéger la femme enceinte.
Je m'étonne qu'un de nos collègues socialistes ait cherché à montrer
qu'il pouvait y avoir, en quelque sorte, un malheur sans cause : les
malheurs ont le plus souvent des causes, et il n'est pas interdit de
chercher à y remédier, y compris sur le plan pénal.
A la majorité de 41 voix contre 14,
sur 55 votants et 55 suffrages exprimés, l'amendement 24 est adopté
(Protestations sur les bancs du
groupe socialiste).
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous
n'avons même pas eu le temps de voter.
M. le Président - Le scrutin a été annoncé
il y a trois quarts d'heure...
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Mais je
n'ai pas pu rejoindre ma place !
M. René Dosière - Rappel au Règlement,
sur la base de l'article 58.
Je regrette, Monsieur le Président, que vous ne nous ayez pas laissé
les quelques minutes nécessaires pour mener le débat à son terme, sur un
problème important dont les conséquences échappent à nombre d'entre
nous.
Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
M. le Président - Le débat s'est déroulé
dans les meilleures conditions.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec -
Non ! Nous n'avons même pas pu répondre au ministre !
M. le Président - Nous ne sommes qu'en
première lecture...
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et alors ?
M. le Président - Vous énerver ne sert à
rien. Vous vous êtes exprimé longuement, dépassant
même votre temps de parole. L'Assemblée était
suffisamment informée et le vote a eu lieu (« Très bien ! » sur
plusieurs bancs du groupe UMP).
La séance, suspendue le jeudi 20 mars
à 0 heure 25, est reprise à 0 heure 30.
ART. 3
M. le Rapporteur - L'amendement 25 est de coordination.
L'amendement 25, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 3, ainsi modifié, mis aux
voix, est adopté.
ART. 4
M. René Dosière - L'extension de la
notion de récidive pour les délits non intentionnels en matière
d'infractions routières n'est acceptable qu'à la condition de viser des
infractions de gravité équivalente : tel n'est pas le cas de l'homicide,
de l'atteinte aux personnes ayant entraîné une incapacité de travail de
plus de trois mois et de l'atteinte plus légère. Mieux vaudrait donc,
comme nous le proposons par l'amendement 150, regrouper les infractions
aux effets très graves comme l'homicide et l'infirmité permanente d'une
part, et les blessures involontaires de plus ou moins 3 mois de l'autre.
Cela permettrait en outre d'éviter que les peines encourues en
récidive diffèrent considérablement les unes des autres suivant l'ordre
dans lequel elles auront été commises. En effet un homicide suivi de
blessures légères et involontairement commises ferait encourir à son
auteur, du fait de la récidive, une peine de 4 ans de prison alors que
si un homicide suivait une atteinte légère à la personne, la peine
serait de 10, 14 voire 20 ans de prison, soit autant que pour un vol à
main armée.
M. le Rapporteur - La commission n'a pas souhaité atténuer les
règles concernant la récidive dans un esprit contraire à celui du
projet.
M. le Ministre - Rejet. Cet amendement assimile homicide
involontaire et blessures involontaires entraînant une mutilation ou
un infirmité permanente. Or le code pénal
n'incrimine ces dernières que si elles sont volontaires. Par ailleurs
l'amendement supprime toute aggravation de peine liée à la récidive pour
une personne qui est responsable d'un accident mortel de la circulation
après avoir déjà été condamnée pour un accident ayant entraîné des
blessures.
En tout état de cause, le ministère public n'est pas obligé de
retenir la récidive. S'il le fait, il ne s'agit que de peines maximales
que le juge doit appliquer en tenant compte du principe de
proportionnalité.
L'amendement 150, mis aux voix, n'est
pas adopté.
M. le Rapporteur - L'amendement 26 est rédactionnel.
L'amendement 26, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 4, ainsi amendé, mis aux
voix, est adopté.
ART. 5
M. le Rapporteur - Les amendements 27 et 28 sont
rédactionnels.
Les amendements 27 et 28, acceptés par
le Gouvernement, mis aux voix, sont successivement adoptés.
M. Jean-Claude Viollet - Les sanctions
doivent avoir valeur pédagogique. L'amendement 30, accepté par la
commission, incite donc le juge d'application des peines à décider de
peines de travail d'intérêt général dans des établissements spécialisés
dans l'accueil des blessés de la route. Cela peut participer à la
restauration de l'esprit public.
M. le Ministre - Compte tenu de l'objectif pédagogique,
sagesse. Cependant il est inutile de définir par décret la liste des
établissements visés.
M. René Dosière - Nous acceptons cette
modification.
M. le Rapporteur - Même avis.
L'amendement 30 rectifié, mis aux
voix, est adopté.
M. le Rapporteur - Les amendements 29 et 31 sont
rédactionnels.
Les amendements 29 et 31, acceptés par
le Gouvernement, mis aux voix, sont successivement adoptés.
M. le Rapporteur - L'amendement 32 limite l'interdiction de
toute possibilité d'aménagement de la peine de suspension du permis de
conduire aux délits mettant en danger la vie d'autrui.
L'amendement 32, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. le Rapporteur - L'amendement 33 est de coordination.
L'amendement 33, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 5, modifié, mis aux voix,
est adopté.
ART. 6
M. le Rapporteur - L'amendement 34 rectifié est rédactionnel.
L'amendement 34 rectifié, accepté par
le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. le Rapporteur - L'amendement 35 supprime les dispositions
relatives au montant des frais de stages, d'ailleurs trop élevés, qui
relèvent de la voie réglementaire.
L'amendement 35, accepté par le
Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
M. le Rapporteur - L'amendement 36 de M. Fenech
crée une nouvelle peine complémentaire, l'interdiction de conduire un
véhicule non équipé d'un enregistrement de vitesse, pour une durée de
cinq ans au plus. La commission l'a adopté contre mon avis. Il pose en
effet des difficultés pratiques. Mieux aurait valu parler de régulateur
de vitesse.
M. René Dosière - Je souligne que nous
retrouverons ensuite ce même amendement pour coordination.
Une autre difficulté se pose : l'intéressé ne pourra pas conduire une
voiture de location, puisqu'elle ne sera pas équipée. Mieux vaut suivre
l'avis du rapporteur.
M. le Ministre - Si j'approuve le principe, son application -
d'ailleurs liée à un décret - est difficile en pratique. Il faudrait
d'abord disposer des dispositifs techniques adéquats, en précisant aussi
de quelle mémoire ils doivent être équipés. Il faudrait aussi prévoir
l'enregistrement de la peine au fichier des personnes recherchées. Nous
essaierons d'approfondir la question au Sénat. En l'état, sagesse.
M. Hervé Mariton - Sans doute
l'amendement pose-t-il des difficultés, dont aucune n'est insoluble.
Mais pourquoi est-il si difficile de disposer d'appareils
enregistreurs ? Nous touchons aux réticences des constructeurs à
respecter leurs obligations. La disposition a un
intérêt pédagogique certain, mais, en raison de ces difficultés, le
groupe de l'UMP ne la soutiendra pas.
L'amendement 36, mis aux voix, n'est
pas adopté.
M. le Rapporteur - Les amendements 37 rectifié et 38 sont
rédactionnels.
Les amendements 37 rectifié et 38,
acceptés par le Gouvernement, et successivement mis aux voix, sont
adoptés.
M. le Rapporteur - L'amendement 46 est de cohérence.
M. le Ministre - Favorable.
M. Hervé Mariton - Il apparaît que la
confiscation d'un véhicule est extrêmement difficile ; Nous ne
manquerons pas de vous soutenir si vous demandez à d'autres ministères
d'appliquer cette procédure avec plus de célérité (« Très bien ! »
sur les bancs du groupe UMP).
L'amendement 46, mis aux voix, est
adopté.
M. le Président - Les amendements 47 à 50
tombent.
L'article 6 modifié, mis aux voix, est
adopté.
APRÈS L'ARTICLE 6
M. le Rapporteur - L'amendement 51 corrigé
tombe.
M. Jean-Paul Garraud -
L'amendement 131 est de coordination après l'adoption, tout à l'heure,
de l'article 223-12 : il s'agit de permettre aux juridictions de
prononcer des peines complémentaires.
M. le Rapporteur - Pour.
M. le Ministre - Avis favorable. Le dispositif relatif à la
sécurité routière s'en trouve renforcé.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je n'ai pas
achevé complètement, tout à l'heure, ma démonstration relative à
l'article 6. L'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation,
que citait le ministre, comporte un considérant que voici : « Le
principe de la légalité des délits et des peines qui impose une
interprétation stricte de la loi pénale s'oppose à ce que
l'incrimination prévue à l'article 221-6 du code pénal réprimant
l'homicide involontaire soit étendue au cas de l'enfance à naître, dont
le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le
f_tus ».
Voilà qui montre bien que le débat sur l'article 6 ne concerne pas
l'incrimination que l'on soulève. Les explications que nous avons
entendues comportent une contradiction. D'une part, Monsieur
Garraud a indiqué qu'il ne voulait pas s'inquiéter
de l'enfant à naître, que seule la situation de la mère le préoccupait,
mais d'autre part, la circonstance qui génère l'incrimination est la
situation du f_tus perdu. On aura beau dire, cette
contradiction est au
c_ur de notre discussion.
De plus dans l'incrimination, il est fait mention du consentement de
l'intéressé, c'est-à-dire de la mère. A quel moment intervient-il ?
Cette difficulté juridique n'est pas réglée aujourd'hui, en dépit du
vote de l'amendement 24.
L'amendement 131, mis aux voix, est
adopté.
M. Jean-Claude Viollet - Notre amendement
151 porte sur les passages pour piétons, dits
passages « protégés », sur lesquels 200 piétons sont tués chaque année.
C'est que les règles de priorité n'y sont pas claires. Rien, en fait,
n'oblige les automobilistes à ralentir systématiquement ou à s'arrêter
pour laisser passer les piétons qui souhaitent traverser.
Alors que les plans de déplacements urbains cherchent souvent à
favoriser les modes de déplacements autres que la voiture, il est
nécessaire de mieux assurer la sécurité des personnes susceptibles
d'être séduites par la marche. Aussi souhaitons-nous adopter un
véritable statut de passages protégés pour les passages pour piétons, en
assimilant au délit de grande vitesse le fait d'aborder un passage pour
piétons à une vitesse supérieure à celle maximale autorisée. La
protection des personnes à mobilité réduite s'en trouvera également
mieux assurée. Cette préoccupation n'a pas échappé aux associations de
prévention routière.
La commission a repoussé notre amendement au motif qu'il serait de
caractère réglementaire. Peu m'importe pourvu que l'on trouve une
solution donnant réellement priorité aux piétons.
M. le Rapporteur - La commission comprend votre souci, mais a
rejeté l'amendement pour la raison que vous avez dite. J'ajoute que
votre disposition recèle une contradiction en matière d'amendes
applicables. Enfin il est difficile d'apprécier la vitesse d'un véhicule
arrivant à proximité d'un passage protégé.
M. le Ministre - Le refus de priorité à un piéton est déjà
réprimé par l'article L. 415-11 du code de la route. Si le conducteur
commet une imprudence caractérisée et met le piéton en danger, il
encourt également les peine de l'article 223-1 du
code pénal. Enfin, la proposition qui nous est faite est de caractère
réglementaire. Elle exprime une préoccupation légitime dont nous
tiendrons compte.
L'amendement 151, mis aux voix, n'est
pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée
à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures.
La séance est levée à 0 heure 55.
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