procès pour la sécurité routière
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Quelle stratégie juridique utiliser pour obtenir des décisions de justice qui
mettent un terme à la mise en circulation de véhicules inutilement rapides
et de ce fait inutilement dangereux ?
Notre système juridique est complexe, faisant
parfois hésiter entre plusieurs recours possibles et leur articulation. Il est
lent du fait de la faiblesse de ses moyens. Il utilise des procédures dont la
qualité est discutable, par exemple celle utilisée par la Cour de justice de la
République pour juger d'éventuelles fautes commises par des ministres dans
l'exercice de leurs fonctions, qui ne permet pas un débat contradictoire. Le
développement de l'Union Européenne a provoqué le transfert de certaines
décisions au niveau des organismes communautaires, Commission, Conseil des
ministres, plus accessoirement le Parlement de Strasbourg, les "constructeurs"
de l'Europe ayant toujours craint un Parlement trop puissant. Ses pouvoirs
ont été progressivement accrus, mais une majorité constamment acquises aux
intérêts économiques ne lui a jamais permis d'équilibrer les pouvoirs de la
Commission et du Conseil. Parallèlement, des
structures judiciaires ont été mises en oeuvre, notamment la Cour de justice des
communautés européennes de Luxembourg qui joue un rôle proche de notre justice
administrative. Le dispositif demeure incomplet puisque l'Union n'a pas
développé de juridiction pénale pour juger des fautes imputables à des décideurs
communautaires. Il faut ajouter aux juridictions nationales et communautaires la
Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg qui est un recours pour les
habitants des 40 pays du Conseil de l'Europe. Cette cour peut agir lorsque les
recours nationaux ont été épuisés et que le justiciable estime que les décisions
rendues ne sont pas conformes aux dispositions de la convention européenne des
droits de l'homme. La cour de Strasbourg peut constituer un recours important
dans le contrôle des risques, notamment du fait des dispositions de l'article 2
de la convention signée à Rome le 4 novembre 1950 : "Le droit de toute personne
à la vie est protégé par la loi". Depuis 1981 la France s'est engagée dans
l'application de cette convention en autorisant les recours individuels.
La liste des recours possibles est la
suivante
- Les actions devant les
juridictions pénales dans le cadre de blessures ou d'un décès provoqués par
un accident survenant à très grande vitesse. L'argumentaire se fonde sur le
fait que les gestionnaires de la sécurité routière mettent en danger la vie
d'autrui en délivrant des certificats d'immatriculation à des véhicules
inutilement rapides et de ce fait inutilement dangereux. Depuis la décision
du Conseil d'Etat de juin 2006 indiquant que la France n'avait plus de
possibilités d'actions unilatérales dans ce domaine, du fait de la
réglementation européenne définissant les conditions d'homologation
technique des véhicules, cette voie semble provisoirement close. Il faudra
attendre la décision de la Cour Internationale des Droits de l'Homme de
Strasbourg après le recours visant la décision du Conseil d'Etat avant de
savoir si elle peut être à nouveau utilisée.
- Les actions devant les juridictions
civiles fondées sur l'insuffisance de l'information donnée par les
constructeurs automobiles quant au risque lié au fait qu'ils commercialisent
des véhicules dépassant largement les vitesses maximales autorisées. La
famille d'un conducteur qui s'est tué seul lors d'une perte de contrôle de
son véhicule manifestement liée à un excès de vitesse, peut faire valoir que
la notion d'une faute d'utilisation (l'excès de vitesse) n'est pas de nature
à exonérer le constructeur de ses responsabilités. Il devait envisager les
conditions prévisibles
de l'emploi du produit qu'il a fabriqué. Il
n'avait aucune justification à produire un véhicule dépassant largement les
vitesses autorisées alors que cette caractéristique rendait
prévisible un usage inadapté et dangereux.
- les
actions devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale. Même si
l'outil de transport n'est pas encore considéré comme un outil de travail,
avec toutes les obligations liées à cette définition, il est possible
d'envisager une action auprès d'un employeur qui confie à un des ses
employés un véhicule de fonction particulièrement dangereux du fait de ses
possibilités de vitesse. Un telle procédure serait particulièrement utile
pour les ayants droit d'une telle victime d'accident n'impliquant pas des
tiers, les indemnisations au titre des accidents du travail étant sans
commune mesure avec celles liées à une faute inexcusable de l'employeur. Il
est également possible d'envisager un recours auprès de l'organisme
gestionnaire des accidents du travail et des maladies professionnelles pour
ne pas avoir encore qualifié la voiture utilisée dans le travail comme un
"outil de travail".
- les actions devant des tribunaux
administratifs. L'exemple récent de l'amiante et les décisions maintenant
définitives de certains tribunaux administratifs montrent que cette
procédure a été insuffisamment utilisée pour mettre en évidence des
'insuffisances dans la gestion des risques sanitaires. Une association
fondée dans le but de conduire une telle action, l'APIVIR (association pour
l'interdiction des véhicules inutilement rapides) a déposé un recours auprès
du Conseil d'Etat qui a été rejeté en juin 2006 (le recours et les
différents mémoires ainsi que le jugement sont accessibles sur le site
www.apivir.org ). L'action se poursuit devant la Cour Européenne des
droits de l'homme.
- les actions devant les cours
européennes de justice, tant à Luxembourg qu'à Strasbourg. Il faut admettre
que la formation de structures supra-nationales va déplacer les possibilités
de recours des citoyens. Quand des risques vitaux seront liés à l'existence
d'engagements communautaires qui peuvent fonder une absence d'action
nationale, les citoyens de l'Europe doivent pouvoir conduire des actions
devant les juridictions compétentes au niveau de l'Union ou de l'ensemble
des pays signataires de la convention européenne des droits de l'homme.