Il est utile de développer :
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les raisons de limiter la vitesse maximale à 80 km/h pour réduire la mortalité accidentelle sur les voies sans séparation des sens de circulation,
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la faiblesse des arguments produits pour s'opposer à l'application de cette mesure.
La limitation à 80 km/h de la vitesse sur le réseau sans séparation des sens de circulation avait été proposée par le Comité des experts du Conseil National de la Sécurité Routière en 2013, dans la cadre d'un projet stratégique commandé par le CNSR, visant à abaisser à 2 000 la mortalité annuelle sur les routes. Elle avait été refusée par le Ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et la mortalité annuelle s'est alors accrue, après avoir connu un point bas en 2013 (3 268).
Il était important de quantifier la mortalité routière au niveau des routes de chaque département pour mettre en évidence le faible nombre de voies sur lesquelles de nombreux usagers trouvent la mort. La notion de route dangereuse a la peau dure. Les routes sont des structures inertes, passives, ce sont les usagers qui ont des comportements qui les tuent et il faut admettre l'évidence : si nous ne voulons pas réduire le trafic, l'action sur la vitesse est le seul facteur qui est capable d'agir sur l'ensemble des autres facteurs producteurs d'accidents.
Aucun des responsables départementaux qui revendiquaient le maintien à 90 de certaines voies n'a produit au cours des 6 derniers mois une carte de ce type pour son département. Elle ne pouvait que mettre en évidence l'acceptation de tuer un nombre important de leurs concitoyens en faisant le choix de maintenir à 90 les voies ou le nombre de tués est le plus élevé.
Quand la réforme de 2002/2003 a rendu plus crédible les contrôles de la vitesse, la mortalité sur les routes a été divisée par deux. Tous les facteurs identifiés d'accidents ont vu leur contribution se réduire en nombre, alors qu'ils étaient stationnaires en proportion.
Bernard Laumon est un chercheur qui a piloté les deux grandes études nationales sur le rôle des stupéfiants et de l'alcool dans les accidents. Ces études encadrent la période de réduction de la mortalité et des vitesses moyennes produite par la réforme de la sécurité routière de 2002/2003.
Un graphique, insuffisamment diffusé et commenté, rend évident la réduction du nombre de tués associée à des contextes très divers quand la vitesse moyenne de l'ensemble des usagers se réduit. Elle ne peut pas être produite par des progrès concernant les véhicules et les routes qui sont lents et réguliers. Elle est la conséquence d'une modification de comportement des usagers. L'effet de la réduction de la vitesse moyenne mesurée pendant cette période s'accorde avec la réduction de la mortalité.
L'intensité de l'opposition à la réduction de la vitesse a dépassé les niveaux habituels du fait de la combinaison de plusieurs facteurs :
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la volonté de nuire au gouvernement a été évidente et elle a réuni :
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la droite Le Peniste qui a toujours exprimé son opposition aux politiques de sécurité routière, dans la ligne du trop d'Etat qui a fondé le poujadisme,
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une partie de LR prolongeant la "droite populaire" qui avait réussi à affaiblir le permis à points en 2011.
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des élus locaux qui ont développé un raisonnement absurde sur la notion de temps perdu, alors que ce sont les habitants des grandes agglomérations qui perdent du temps dans des bouchons et non ceux qui circulent librement dans des départements à faible densité de population.
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des "communiquants" qui ont pour objectif de faire prendre des décisions ou d'éviter qu'elles soient prises. Leur caractéristique, dans la lignée des publicitaires dont ils sont un produit dérivé, est d'utiliser des méthodes pour convaincre, sans mettre en avant les véritables motivations de leurs actions.
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L'appétence pour la vitesse et les voitures inutilement rapides est toujours présente et elle s'exprime à la fois :
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au niveau des conducteurs qui roulent vite et estiment que leur comportement n'est pas dangereux.
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au niveau des médias spécialisés qui ont un conflit d'intérêt évident. Ils vivent de la promotion auprès de leurs lecteurs de voitures inutilement puissantes, rapides, et de ce fait dangereuses. L'industrie allemande a développé ces caractéristiques à des niveaux dépourvus de toute raison. Ce lobby s'est opposé à une réglementation au niveau de l'UE limitant la vitesse maximale des voitures, et la concurrence inhibe les constructeurs qui seraient prêts à construire des voitures "raisonnables".
Ces oppositions actives se sont combinées avec la passivité des responsables du ministère de la transition écologique et solidaire qui n'ont pas (avec d'autres responsables gouvernementaux), soutenu activement le Premier Ministre. Au lieu d'insister sur la réduction de la consommation de carburant quand on réduit la vitesse, ce ministère a réédité un document qui ose soutenir que la consommation est identique à à 80 km/h et à 90 km/h, sans être capable de produire des études actualisées et précises sur ce point. Il y a bientôt trois ans que la France s'est engagée lors de la COP21 a réduire de 29% à l'échéance 2028 la consommation de carburants dans les transports routiers. Cela représente une réduction de 3% chaque année, car il n'y a eu aucune réduction de la consommation au cours des trois dernières années. Atteindre cet objectif impose le 80 km/h sur les voies bidirectionnelles, et cette mesure sera inévitablement complétée par une réduction de la vitesse maximale sur les autoroutes. L'accroissement du prix du pétrole, qui aggrave le déficit de la balance des paiements, s'associe à l'impératif climatique pour imposer la poursuite de la réduction des vitesses maximales.
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