texte publié le 3 décembre 2017 par le Journal du dimanche

Morts sur la route et climat même combat


Texte de Claude Got publié le 3 décembre 2017 par le Journal du Dimanche
 Deux erreurs dans la phrase : "La seule mesure à l’efficacité certaine et importante est celle d’une réduction de 10km/h de la vitesse sur les routes nationales sans séparation des sens de circulation (63 % des tués)."

L'une produit par un "raccourcissement" du texte lors de son édition. "sur les routes nationales et départementales sans séparation des sens de circulation". L'autre m'incombe, elle concerne la proportion de tués sur ces routes. Le texte (page 74) du bilan de l'ONISR pour l'année 2016 est le suivant : "Les routes bidirectionnelles, généralement limitées à 90 km/h, concentrent 87 % de la mortalité sur routes hors agglomération (1 911 personnes), soit 55 % de l’ensemble de la mortalité routière." La proportion de 63% concerne la mortalité sur les routes hors agglomération rapportée à l'ensemble de la mortalité routière.
 
Le gouvernement est confronté à deux problèmes majeurs. Après quatre décennies de réduction de la mortalité sur les routes, les bilans sont inversés depuis quatre ans et la première cause de mortalité des jeunes adultes est à nouveau croissante. Et en même temps, la COP21 a défini en 2015 de nombreux engagements, mais la France est incapable de programmer un des plus importants : la réduction de 29% en 2028 de la consommation de carburants pour les transports routiers. Emmanuel Macron, Edouard Philippe et Nicolas Hulot doivent prendre des décisions fondées sur l’état des connaissances du facteur de risque commun aux émissions de gaz à effet de serre et à l’insécurité routière : la vitesse de circulation.
Depuis l’accord de Paris, qui prévoyait une baisse de consommation de carburant pour les transports de 29% en 2028, aucune réduction n’a été observée, le trafic routier s’accroit et aucun plan pour l’atteindre n’a été élaboré. Parallèlement, le lobby allemand des voitures inutilement lourdes, puissantes, rapides, tire les autres constructeurs vers une forme de délire mécanique destructeur. L’Union Européenne n’ose pas agir : les vitesses maximales à la construction sont définies pour les tracteurs, les cyclomoteurs, les poids lourds mais pas pour les voitures ou les motos qui tuent beaucoup plus. Nous savons fabriquer des boîtes noires, des limiteurs automatiques de vitesse mais le pouvoir économico-financier primant sur l’intérêt collectif, les véhicules n’en sont toujours pas équipés.
Répéter que nous aurions atteint une limite en matière de sécurité routière relève de la désinformation. La Grande Bretagne a deux fois moins de tués que la France. La Suisse a réduit d’un quart le nombre des victimes en trois ans. Chez nous, François Hollande s’est désintéressé de ce problème que Bernard Cazeneuve a géré seul et mal : l’ex ministre de l’Intérieur a pris 81 décisions inefficaces ou non encore appliquées au lieu de quelques mesures pertinentes. L’accroissement de la mortalité sur les routes impose à l’exécutif de rompre avec la pusillanimité du quinquennat précédent. En 2002, après cinq ans d’échec du gouvernement Jospin, Jacques Chirac avait divisé le nombre de morts par deux. Ce succès a été obtenu grâce à l’amélioration du contrôle de la vitesse au moyen des radars. Certes l’alcool, l’usage du portable au volant, l’endormissement produisent eux-aussi des accidents mais les risques qu’ils génèrent sont plus difficiles à réduire.
La seule mesure à l’efficacité certaine et importante est celle d’une réduction de 10km/h de la vitesse sur les routes nationales sans séparation des sens de circulation (63 % des tués). Il faut en parallèle corriger les dysfonctionnements connus du dispositif de contrôle et de sanction par radars : trop d’infractions graves restent sans conséquences sur le permis à points. Autre écueil majeur à corriger : les avertisseurs prétendument de dangers, détournés de leur fonction pour devenir des avertisseurs de radars. Pour y remédier, n assurant la traçabilité des infractions et en interdisant par la loi le signalement des actions de gendarmes et de policiers.
Réduire de 29% dans les onze années à venir la consommation de carburants est un engagement qui impose un programme. Car, aujourd’hui, le trafic routier, stable entre 2003 et 2012, s’accroît (+6 % au ces quatre dernières années). Du 1er janvier 2017 à la fin octobre, les livraisons d’essence et de diesel sur le marché français ont augmenté de 0,8 % par rapport à la même période en 2016 alors qu’il faudrait une réduction de 3% par an pour rentrer dans les clous de l’accord de Paris. Bien sûr, pour atteindre notre vertueux objectif, nous pourrions choisir d’augmenter le prix des carburants mais cela reviendrait à pénaliser les conducteurs à faibles revenus. Sans parler de la relative inefficacité d’une telle mesure : quand le pétrole a atteint le cours plafond de 140 $ le baril en 2008, la réduction du trafic a été négligeable.
Nous pourrions également décider de laisser la main à l’Union européenne. Cette dernière veut réduire de 30% l’émission moyenne de CO2 par les véhicules pour 2030. Sachant qu’il faut huit ans pour remplacer la moitié du parc et que cette mesure ne concernera que les véhicules neufs, si le calendrier était respecté, les émissions européennes diminueraient de 15% en 2028, soit une contribution de 3% seulement à l’objectif français. Bruxelles n’est d’ailleurs pas prête à manier le bâton : aucune sanction pour les constructeurs ne respectant pas ce seuil moyen d’émissions n’a été définie.
Mais il reste une solution pour respecter la promesse faite lors de la COP21 : réduire de 10 km/h, dès maintenant, la vitesse maximale sur l’ensemble des voies situées hors des agglomérations, y compris sur les autoroutes. Cette mesure serait très efficace car la consommation de carburant baisse plus lorsqu’on agit sur les vitesses les plus élevées. Neuf pays européens sont déjà passés à 120 km/h sur autoroute voire à 100 km/h. L’enjeu est de définir une politique pour la vie ou pour la mort, à la fois au niveau de notre pays pour la sécurité routière et au niveau du globe pour l’action sur les émissions de CO2. Ne pas réduire un double facteur de risque, pour les usagers comme pour le climat, serait une attitude irresponsable.