La défaite gouvernementale a été la conséquence d'un déficit de communication
Le mécanisme du succès de la communication de 2002/2003 a été oublié
Le succès exceptionnel de la politique définie et mise en place en 2002/2003 a été attribué en grande partie à l'importance et à la nature de la communication développée durant cette période critique de réforme profonde du dispositif de contrôle et de sanction.
Il ne s'agissait pas d'une communication institutionnelle payée par les pouvoirs publics par l'intermédiaire des ministères ayant en charge la réforme, mais d'une médiatisation rédactionnelle de la réforme assurée par les journaux, les radios et les télévisions. Elle était concrète, nourrie par les annonces des décideurs et la mise en oeuvre de leurs décisions. Des centaines d'informations ont été à l'origine d'un nombre démultiplié d'articles, de sujets, d'émissions, consacrés aussi bien à des décisions immédiates (circulaire du 18 décembre 2002 interdisant la pratique des indulgences, c'est à dire du trafic d'influence) qu'à des projets à l'effet différé tels que la décision de mettre en oeuvre des moyens de contrôle automatisés (décembre 2002) qui sera effective à la Toussaint 2003 où les modifications du permis à points en mars 2003. L'effet d'annonces répétées et leur amplification par les médias ont produit un effondrement de la mortalité sur les routes et le caractére immmédiat, comme l'importance de la réduction observée ont participé activement à ce retour à la crédibilité de l'application des règles, notamment des limitations de vitesse.
Autrement dit, c'est le caractère concret, la crédibilité, puis l'effectivité des annonces faites qui ont initié et maintenu la rupture de tendance qui avait été réelle mais peu intense après l'annonce de Jacques Chirac du 14 juillet 2002. Elle n'est devenue massive qu'à partir du comité interministériel de décembre 2002 et la médiatisation de ses décisions.
8 ans plus tard, la situation est totalement différente. Aucune initiative importante, aucune valorisation des résultats obtenus et de la nécessité de maintenir le dispositif en l'état et de développer de nouvelles approches pour renouer avec une courbe conduisant à l'objectif de 3000 tués en 2012. La campagne initiée depuis plusieurs années par ceux qui voulaient affaiblir le permis à points a pu se développer de septembre à décembre 2010 sans opposition sérieuse des pouvoirs publics. Ils se sont résignés à l'acceptation de cette mise à mal d'un dispositif dont le ministre de l'intérieur a reconnu au cours du débat parlementaire qu'il était la clé de la politique de sécurité routière. Les médias s'étant rangés massivement du côté de l''affaiblissement du permis à points (il suffit de regarder l'usage du mot assouplissement qui n'a aucune signification concrète à la place d'affaiblissement, pour en être assuré), une communication institutionnelle devait être mise en oeuvre dans des délais en accord avec l'urgence. L'absence d'adaptabilité a été évidente et elle a de multiples explications, l'indifférence de Jean-Louis Borloo pour la sécurité routière en est une, l'inexistence de la délégation interministérielle à la sécurité routière sur ce dossier en est une autre. Pour finir, le passage de la gestion de la sécurité routière au ministère de l'intérieur est intervenu au pire moment, alors que la machine à perdre était lancée avec l'adoption par le Sénat de l'amendement Fouché et le ralliement de la commission de l'Assemblée à cette politique de destruction du permis à points.
La désinformation a été massive
Dans un débat tel que celui qui vient d'avoir lieu sur le permis à points, il n'est pas indispensable de caractériser la sincérité des différents intervenants qui ont soutenu l'affablissement du permis à points. Il faudrait rechercher méthodiquement les arguments permettant de démontrer l'usage de faits dont l'utilisateur sait pertinamment qu'ils sont faux. Il est souvent facile d'affirmer que des propos sont faux, il est beaucoup plus difficile d'apporter la preuve que celui qui les a tenus savait parfaitement qu'il mentait. Tous les documents concernant mon analyse du livre d'Airy Routier "la France sans permis" et le procès en diffamation qui a suivi sont accessibles sur ce site. Pour éviter d'avoir à développer ce type d'analyse "défensive" aux dépens de mes activités d'écriture et de recherche, je ne tenterai pas de faire la différence entre les malcomprenants et les malfaisants dans le débat sur le permis à points.
Le combat pour la sécurité routière n'est pas seulement celui de personnes qui souhaitent réduire la mortalité sur les routes. C'est également le combat de ceux qui n'acceptent pas que le débat politique soit dénaturé par l'accumulation d'affirmations fausses, d'interprétations irrationelles et d'hypothèses sans fondement.
Il est faux d'affirmer :
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que l'affaiblissement du permis à points permettra de réduire la conduite sans permis, les 3/4 des conducteurs sans permis ne l'ont jamais passé et le quart restant ne l'a pas perdu faute de points mais dans la quasi totalité des cas à la suite de décisions judiciaires ou administratives sanctionnant des délits graves.
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que les faibles excès de vitesse ne produisent pas de dommages chez les usagers de la route. L'accidentalité est toujours le résultat d'un niveau d'excédent de risque multiplié par le nombre de personnes exposées.Un excédent de risque faible concernant de nombreux usagers tue, un excédent de risque élevé concernant un faible fraction d'usagers tue.
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comme l'a fait le ministre de l'intérieur, que l'amendement adopté par l'Assemblée réduit le laxisme de l'amendement du Sénat en remontant de un à deux ans le délai sans infraction pour récupérer tous ses points. Avoir ajouté un stage annuel de récupération de points au lieu d'un stage tous les deux ans est une mesure dangereuse, car elle ne comporte aucune condition. Il ne sera pas nécessaire d'avoir été respectueux des règles pendant un certain délai et il n'y aura aucune limitation concernant la nature des infractions commises.
Conclusions
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Montaigne : en vérité le mentir est un maudit vice, nous ne sommes hommes et ne nous tenons les uns les autres que par la parole,
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Annah Arendt : La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat
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Christian de Duwe (prix Nobel de médecine) : il est de notre devoir, à nous scientifiques, de lutter contre les faussaires.
Le débat sur le permis à points a été faussé par l'ampleur des processus de désinformation.
La première difficulté consiste à différencier l'incompétent du manipulateur.
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Le premier est un débile mental ou un paresseux. Il ne sait pas aller chercher le bon renseignement pour soutenir ses propositions ou il est incapable de comprendre les exigences du raisonnement logique, qui est à la base de la méthode scientifique. Il tient des propos de café du commerce et se nourrit des idées reçues qui vont dans le sens de ce qu'il souhaite. Cet homme est redoutable car il peut être sympathique et sincère.
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le second est un débile social, la qualité qui lui fait défaut est la sincérité, il sait parfaitement qu'il ment, occulte les faits qui ne vont pas dans son sens, déforme la réalité et son interprétation. La base de ses pratiques consiste à se garder d'annoncer ses objectifs réels en les cachant derrières des objectifs valorisants, mais qui ne peuvent être atteints par les décisions qu'il propose. L'homme peut être très malin, il sait jouer avec les sentiments ou adopter le langage du modéré qui a bien réfléchi, inspirer confiance.
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l'association de la paresse, de la débilité mentale et de la débilité sociale est possible.