les bases du conflit
La communication dans le domaine de la sécurité routière est dégradée par :
- La prétention à l’expertise d’intervenants qui n’ont pas de formation acccidentologique et qui diffusent des informations correspondant à leur conception de la conduite et de ses risques.
- La volonté de tromper, c’est-à-dire la mauvaise foi, relevant de conflits d’intérêts économiques ou passionnels.
De telles attitudes ne sont ni récentes, ni spécifiques de la sécurité
routière. Les méthodes de la manipulation mentale de masse ont été
définies en 1928 aux Etats-Unis par Edward Bernays, le neveu de Sigmund
Freud, dans son livre « Propaganda ». Il définissait son objectif comme
« la fabrique du consentement ». L’achat de l’intelligence des
spécialistes de la communication privilégie la séduction aux dépens de
la sincérité. Le développement récent de différents types de
communication de masse utilisant l’internet et ses réseaux a accru la
capacité de nuisance des désinformateurs qui saturent et dénaturent le
débat public et privé.
Des acteurs très divers, passionnés de l’automobile, politiques, journalistes, associatifs, tentent de nier ou de déformer les données admises par la collectivité des chercheurs. Leur objectif est de bloquer des décisions contraignantes à l’efficacité incontestable. L’opposition au port obligatoire de la ceinture de sécurité ou le refus d’accepter le niveau de risque élevé lié à la conduite sous l’influence de l’alcool font maintenant partie du passé. Le déni actuel concerne le rôle de la vitesse et la validité des mesures intervenues en 2002 pour mieux faire respecter ses limitations. Les méthodes utilisées ont évolué, incluant des attaques personnelles et des menaces qui n’existaient pas dans le passé.
La difficulté est d’assurer le maintien d’une liberté complète de l’information tout en neutralisant les affirmations des désinformateurs. La situation est aggravée par l’absence de réaction adaptée des acteurs publics face aux dérives constatées. Les émissions de radio ou de télévision, les écrits, les documents présentés sur l’internet devraient être l’objet d’une analyse critique et les arguments manifestement fautifs identifiés et contredits. Ces pratiques sont inexistantes. Les professionnels des médias et les responsables de la sécurité routière ne savent pas et ne veulent pas lutter de façon personnalisée contre la désinformation « spécialisée » dans le domaine de la sécurité routière. Ils sont inhibés par la crainte de s’opposer à des fractions actives de leur clientèle ou de leur électorat. Il ne s’agit pas d’espérer neutraliser le paranoïaque qui pense que le système veut limiter ses droits, ni l’expert en réseau social qui diffuse son absence de savoir, mais de mettre en évidence le caractère fautif des informations transmises.
Face aux carences actuelles, le seul recours est l’intervention
d’associations ou d’individus qui ont fait leurs preuves dans le domaine
concerné. Ces acteurs doivent développer des sites spécialisés
permettant aux usagers de bénéficier d’argumentaires facilement
accessibles, satisfaisant les critères de la connaissance scientifique.
Les exigences de cette dernière sont bien identifiées.
- Elle n’accepte pas les affirmations relevant du domaine de la croyance.
- Elle observe des faits et développe des expérimentations.
- Elle utilise des raisonnements satisfaisant des critères logiques permettant de conférer aux conclusions un caractère universel.
- Toutes les hypothèses sont permises, mais elles doivent être confirmables ou réfutables.
- Elle se développe en respectant des critères de qualité :
- Les faits observés doivent être décrits avec précision, sous une forme accessible à tous les chercheurs.
- Les faits observés et les expérimentations construites doivent pouvoir être respectivement vérifiés ou reproduites.
- La confrontation permanente entre le réel observé et le
raisonnement construit s’associe à un autre couple exigeant :
- Le raisonnement sur des situations complexes qui peut être décomposé en problématiques isolées et simples,
- La recombinaison de ces éléments avec d’autres permettant de les intégrer dans des ensembles théoriques plus globaux, maintenant l’accord avec les faits observés.
Des observations ou raisonnements violant ces critères ont été massivement développés dans le domaine de la sécurité routière depuis la mise en œuvre des radars automatiques à partir de 2003. Les principaux procédés utilisés pour manipuler les faits appartiennent à deux ensembles :
Les manquements « évidents » à la méthode scientifique
- Refuser de reconnaitre les bases de la biomécanique appliquée aux accidents de la route et exploitant la notion d’énergie cinétique (liée à la vitesse par 1/2 de mv 2).
- Refuser de reconnaître qu’il ne peut y avoir de forces produisant des dommages, corporels ou matériels en l’absence d’une variation de vitesse.
- Sélectionner des écrits qui vont dans le sens de ce que les manipulateurs souhaitent mettre en évidence et oublier de citer ceux qui concluent en sens contraire.
- Privilégier des facteurs d’accidents autres que la vitesse sur lesquels il conviendrait d’agir, en majorant leur importance et en évitant de tenir compte des échecs rencontrés dans leur contrôle.
Les manquements appartenant au domaine de la communication, qu’il s’agisse d’absence, d’erreurs ou de manipulations
- Occulter les publications et les propos des chercheurs travaillant dans le domaine des accidents de la route, notamment en évitant d’assister aux grands congrès annuels traitant de l’accidentologie, pour ne pas avoir à citer leurs résultats.
- Utiliser un vocabulaire dévalorisant les pratiques
réglementaires et efficaces destinées à réduire l’accidentalité. Il
se développe après chaque tentative d’amélioration du respect des
règles :
- Les avertisseurs de radars deviennent miraculeusement des avertisseurs de dangers qui permettent de continuer à signaler les contrôles de vitesse.
- Les radars sont des pompes à fric, l’argument étant toujours utilisé isolément, sans tenir compte de la réduction des recettes produite par la diminution de la vitesse moyenne. La diminution du montant global des droits d’accises sur les carburants est une réalité établie.
- Stigmatiser avec les termes « délation, dénonciation » l’exigence de l’identification par les personnes morales des conducteurs qui ont commis des infractions, alors qu’il s’agit d’un problème de responsabilité, d’équité et de protection de leurs employés.
- Développer des attaques personnelles pour dévaloriser ceux qui tentent de diffuser l’état des connaissances scientifiques en accidentologie.
Confrontés à de telles dérives, les scientifiques :
- Ont le devoir de lutter contre les faussaires. Ils doivent le faire en utilisant des méthodes rigoureuses, exprimées de façon compréhensible, et sans avoir peur des mots. Il ne faut pas confondre l’erreur et le mensonge, mais il est parfois difficile de faire la distinction entre l’ignorant et le manipulateur. Mon livre « La violence routière – des mensonges qui tuent » indiquait nominativement les auteurs d’une série de destructions de la réalité des faits. Un seul de ceux dont je décrivais les dérives, le journaliste Airy Routier, m’a poursuivi pour diffamation. Une phrase du jugement qui me relaxait a bien résumé la situation : « le prévenu pouvait affirmer comme il l’a fait que les erreurs factuelles et de raisonnement qu’il dénonçait relevaient d’une volonté délibérée de leur auteur de travestir la vérité et de tromper le lecteur. ».
- Ont le devoir d’indiquer les limites de leurs connaissances, de décrire les questions demeurées sans réponses crédibles. Au début des années 2000 le risque d’accident lié à l’usage du cannabis n’était pas quantifié avec précision. L’étude SAM concernant tous les accidents mortels observés en France pendant deux ans a utilisé une méthode productrice de résultats dont la validité a été reconnue à un niveau international. Elle renvoyait à leurs fables ceux qui affirmaient que le cannabis était aussi dangereux que l’alcool au volant et ceux qui affirmaient l’absence de risque.
- Ont le devoir de communiquer clairement sur les impacts de leurs résultats, sous peine de voir ce « vide » occupé par les « faussaires » qui vont majorer les conséquences sociales ou personnelles des connaissances émergentes.